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09/06/2021 | FRANCE | N°436285

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 09 juin 2021, 436285


Vu la procédure suivante :

La société Lapeyre a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 à raison des établissements qu'elle exploite à Barberey Saint-Sulpice (Aube), Charleville-Mézières (Ardennes), Reims (Marne) et Saint-Dizier (Haute-Marne). Par une ordonnance n° 1901763 du 27 septembre 2019, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mé

moire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 novembre 201...

Vu la procédure suivante :

La société Lapeyre a demandé au tribunal administratif de Châlons-en-Champagne de prononcer la décharge des rappels de taxe sur les surfaces commerciales auxquels elle a été assujettie au titre des années 2011 et 2012 à raison des établissements qu'elle exploite à Barberey Saint-Sulpice (Aube), Charleville-Mézières (Ardennes), Reims (Marne) et Saint-Dizier (Haute-Marne). Par une ordonnance n° 1901763 du 27 septembre 2019, le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 27 novembre 2019 et les 27 février et 14 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Lapeyre demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 ;

- le décret n° 95-85 du 26 janvier 1995 ;

-le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Lapeyre;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Lapeyre exploite à Barberey Saint-Sulpice (Aube), Charleville-Mézières (Ardennes), Reims (Marne) et Saint-Dizier (Haute-Marne), des établissements de vente de marchandises et de prestations pour l'aménagement de la maison. A l'issue de deux vérifications de comptabilité, portant notamment sur les déclarations effectuées par la société en matière de taxe sur les surfaces commerciales au titre des années 2011 et 2012, l'administration fiscale a estimé que la société avait appliqué à tort la réduction de 30 % du taux de la taxe sur les surfaces commerciales et l'a assujettie à des cotisations supplémentaires de cette taxe. La société Lapeyre demande l'annulation de l'ordonnance du 27 septembre 2019 par laquelle le président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires de taxe sur les surfaces commerciales auxquelles elle a été assujettie à la suite de ces rectifications.

2. Aux termes de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Il est institué une taxe sur les surfaces commerciales assise sur la surface de vente des magasins de commerce de détail, dès lors qu'elle dépasse quatre cents mètres carrés des établissements ouverts à partir du 1er janvier 1960 quelle que soit la forme juridique de l'entreprise qui les exploite. (...) / Un décret prévoira, par rapport au taux ci-dessus, des réductions pour les professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées (...) ". Aux termes de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 relatif à la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat : " A. La réduction de taux prévue au troisième alinéa de l'article 3 (2°) de la loi du 13 juillet 1972 susvisée en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées est fixée à 30 p. 100 en ce qui concerne la vente exclusive des marchandises énumérées ci-après: / - meubles meublants ; / (...) - matériaux de construction (...) ".

3. En adoptant les dispositions citées au point 2, le législateur a entendu instituer une réduction de taux en faveur des professions dont l'exercice requiert des superficies de vente anormalement élevées et a confié au pouvoir réglementaire le soin de déterminer le champ d'application et le montant de cette réduction. En prévoyant que les établissements redevables de la taxe sur les surfaces commerciales bénéficieraient de la réduction de taux prévue par la loi à raison des surfaces qu'ils affectent à titre exclusif à une activité consistant à vendre des marchandises mentionnées dans une liste qu'il a définie, le pouvoir réglementaire a fondé son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction du but fixé par le législateur sans créer, entre les établissements exerçant une telle activité de vente à titre exclusif et ceux l'exerçant seulement à titre principal, une différence de traitement qui ne serait pas en rapport direct avec l'objet de la loi du 13 juillet 1972.

4. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que la société Lapeyre soutenait que les dispositions du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995, en posant une condition selon laquelle seule la vente à titre exclusif de certaines marchandises peut permettre aux professions nécessitant des surfaces anormalement élevées de bénéficier d'une réduction de 30 % du taux de la taxe, créaient une différence de traitement injustifiée entre les contribuables qui se livraient exclusivement à la vente des marchandises éligibles et ceux qui vendaient à titre quasi exclusif ou à titre principal ces mêmes marchandises, violant ainsi le principe d'égalité devant la loi et les charges publiques, garanti par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

5. En écartant le moyen tiré de l'inconstitutionnalité des dispositions du A de l'article 3 du décret du 26 janvier 1995 au motif qu'il revenait à contester la constitutionnalité des dispositions prévues au dix-septième alinéa de l'article 3 de la loi de 13 juillet 1972 et que par suite, il ne pouvait être utilement soulevé que par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité, alors que le critère d'exclusivité contesté figurait dans le décret et non dans la loi, l'auteur de l'ordonnance a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que la société Lapeyre est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la société Lapeyre au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du 27 septembre 2019 du président du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne.

Article 3 : L'Etat versera à la société Lapeyre la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Lapeyre et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 436285
Date de la décision : 09/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 09 jui. 2021, n° 436285
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matias de Sainte Lorette
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:436285.20210609
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