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01/06/2021 | FRANCE | N°428525

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 01 juin 2021, 428525


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 28 février 2019 et 28 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération Solidaires Sud Emploi demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 décembre 2018 de la ministre du travail portant extension de l'accord du 22 novembre 2017 relatif à la classification des emplois et à la modification de certains articles de la convention collective nationale de Pôle Emploi, conclu dans le cadre de la convention collective nationale

de Pôle Emploi ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 eur...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés les 28 février 2019 et 28 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération Solidaires Sud Emploi demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 décembre 2018 de la ministre du travail portant extension de l'accord du 22 novembre 2017 relatif à la classification des emplois et à la modification de certains articles de la convention collective nationale de Pôle Emploi, conclu dans le cadre de la convention collective nationale de Pôle Emploi ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme B... A..., auditrice,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Didier-Pinet, avocat de la CFDT Fédération protection sociale travail emploi ;

Considérant ce qui suit :

1. La Fédération Solidaires Sud Emploi demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 28 décembre 2018 par lequel la ministre du travail a étendu, pour l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 du code du travail et tous les salariés compris dans son champ d'application, les stipulations de l'accord du 22 novembre 2017 relatif à la classification des emplois et à la modification de certains articles de la convention collective nationale et conclu dans le cadre de la convention collective nationale de Pôle Emploi.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2261-24 du code du travail : " La procédure d'extension d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel est engagée à la demande d'une des organisations d'employeurs ou de salariés représentatives mentionnées à l'article L. 2261-19 ou à l'initiative du ministre chargé du travail, après avis motivé de la Commission nationale de la négociation collective. (...) ". Il ressort des pièces du dossier que la Commission nationale de la négociation collective a émis un avis motivé le 20 décembre 2018. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure prévue à l'article L. 2261-24 du code du travail aurait été méconnue, faute de consultation de la Commission nationale de la négociation collective, manque en fait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 2231-1 du code du travail : " La convention ou l'accord est conclu entre : / - d'une part, une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives dans le champ d'application de la convention ou de l'accord ; / - d'autre part, une ou plusieurs organisations syndicales d'employeurs, ou toute autre association d'employeurs, ou un ou plusieurs employeurs pris individuellement ". Aux termes de l'article L. 2231-2 du même code : " Les représentants des organisations mentionnées à l'article L. 2231-1 sont habilités à contracter, au nom de l'organisation qu'ils représentent, en vertu : / 1° Soit d'une stipulation statutaire de cette organisation ; / 2° Soit d'une délibération spéciale de cette organisation ;/ 3° Soit de mandats spéciaux écrits qui leur sont donnés individuellement par tous les adhérents de cette organisation. / Les associations d'employeurs déterminent elles-mêmes leur mode de délibération ". Aux termes de l'article L. 2231-3 de ce code : " La convention ou l'accord est, à peine de nullité, un acte écrit ", ce dont il résulte, selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, qu'il doit être signé par les parties qui l'ont conclu.

4. Si la requérante fait valoir que l'accord étendu par l'arrêté attaqué ne comporte pas la mention des nom et prénom des personnes qui l'ont signé au nom des organisations syndicales qui l'ont conclu, sans, au demeurant, mentionner le fondement en vertu duquel une telle formalité serait requise, elle n'assortit cette critique d'aucune contestation de l'identité et de la qualité des signataires de l'accord du 22 novembre 2017. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait illégal, en raison de l'absence de mention des nom et prénom des signataires de cet accord, qui, en l'espèce, ne soulève pas une contestation sérieuse, ne peut, dans ces conditions, qu'être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 2141-5 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi : " (...) Un accord détermine les mesures à mettre en oeuvre pour concilier la vie personnelle, la vie professionnelle et les fonctions syndicales et électives, en veillant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes. (...) / Au début de son mandat, le représentant du personnel titulaire, le délégué syndical ou le titulaire d'un mandat syndical bénéficie, à sa demande, d'un entretien individuel avec son employeur portant sur les modalités pratiques d'exercice de son mandat au sein de l'entreprise au regard de son emploi. (...) Cet entretien ne se substitue pas à l'entretien professionnel mentionné à l'article L. 6315-1. (...) ". Si la fédération requérante soutient que l'arrêté attaqué est illégal au motif que l'article 14 de l'accord du 22 novembre 2017 qu'il étend, relatif à l'entretien individuel dit " de positionnement ", méconnaît le principe de la liberté syndicale dès lors que l'accord d'entreprise prévu par la loi du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi et relatif à la conciliation de la vie personnelle, de la vie professionnelle et des fonctions syndicales et électives n'a pas été conclu, ce moyen ne peut qu'être écarté dès lors que l'entretien individuel dit " de positionnement " n'est pas au nombre des entretiens prévus par les dispositions de l'article L. 2141-5 du code du travail.

6. En quatrième lieu, si la fédération requérante soutient que le nouveau système conventionnel de classification des emplois, tel qu'il a été institué par les articles 12 à 16 de l'accord étendu par l'arrêté contesté, induit des différences de rémunération susceptibles de caractériser une inégalité de traitement entre agents de Pôle Emploi dans la même situation, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier que ces différences seraient étrangères à toute considération de nature professionnelle. En outre, elle n'apporte pas d'élément au soutien de son allégation selon laquelle l'accord étendu par l'arrêté attaqué est susceptible de conduire à des discriminations de rémunération au détriment des femmes. Par suite, le moyen tiré de ce que la méconnaissance des principes d'égalité et de non-discrimination par les stipulations de l'accord du 22 novembre 2017 s'opposerait à son extension par l'arrêté attaqué ne soulève aucune contestation sérieuse et ne peut qu'être écarté.

7. En cinquième lieu, il résulte des stipulations de l'article 1.3 de l'accord du 22 novembre 2017 qu'elles prévoient, pour chaque niveau de classification, entre quatre et neuf caractéristiques, afin de permettre d'identifier aussi précisément que possible le positionnement du salarié dans son emploi, et des stipulations des articles 4 et 5 de cet accord que la grille de classification des emplois de Pôle Emploi énumère, sur chaque ligne, chacun des métiers de Pôle Emploi, dont la description des missions et activités est établi par le référentiel des métiers de l'établissement auquel il est fait référence à l'article 5 de l'accord, et que chaque métier correspond à un ou plusieurs des neuf niveaux de classification désignant les emplois respectivement occupés par les employés, les techniciens les agents de maîtrise et les cadres. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué est entaché d'illégalité en ce qu'il a procédé à l'extension de stipulations conventionnelles inintelligibles ne saurait être regardé, en tout état de cause, comme soulevant une contestation sérieuse ne peut qu'être écarté.

8. En sixième et dernier lieu, aucun des autres moyens soulevés par la fédération requérante, tirés de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il procède à l'extension de l'accord en litige, alors qu'il conduit à déclasser de nombreux agents et que les stipulations de l'article 1.1 sont illicites, ne sont assortis des précisions nécessaires permettant d'en apprécier le bien-fondé.

9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par Pôle Emploi, la fédération requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté de la ministre du travail du 28 décembre 2018 portant extension de l'accord conclu le 22 novembre 2017 dans le cadre de la convention collective nationale de Pôle Emploi.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par Pôle Emploi et par la Confédération française démocratique du travail - Fédération protection sociale travail emploi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

[0]

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de la Fédération Solidaires Sud Emploi est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par Pôle Emploi et par la Confédération française démocratique du travail - Fédération protection sociale travail emploi au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Fédération Solidaires Sud Emploi, à la Confédération française démocratique du travail, à la Fédération syndicale unitaire, au Syndicat national du personnel de Pôle Emploi, à la Confédération française des travailleurs chrétiens, à la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres, à la Confédération générale du travail, à la Confédération générale du travail - Force ouvrière, à Pôle Emploi, à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 428525
Date de la décision : 01/06/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 01 jui. 2021, n° 428525
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Thalia Breton
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SARL DIDIER-PINET

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:428525.20210601
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