Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler les décisions rejetant ses demandes de remise gracieuse d'un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 9 325,40 euros, d'un indu d'allocation de logement sociale d'un montant de 1 447,50 euros et de deux indus d'aide exceptionnelle de fin d'année au titre de 2015 et de 2016 pour des montants respectifs de 152,45 et 152,49 euros, ainsi que les décisions des 6 avril et 26 juin 2018 par lesquelles le président du conseil départemental de l'Hérault l'a informé qu'il envisageait de lui infliger une amende administrative de 847 euros sur le fondement de l'article L. 262-52 du code de l'action sociale et des familles puis a prononcé cette amende.
Par un jugement n° 1803987 du 28 octobre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a accordé à M. A... une remise gracieuse d'un montant de 4 590,40 euros sur l'indu de revenu de solidarité active et d'un montant de 152,94 euros sur les indus d'aide exceptionnelle de fin d'année, a annulé la décision du 26 juin 2018 lui infligeant une amende administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de M. A....
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 31 décembre 2019 et 6 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département de l'Hérault demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la demande de M. A....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat du département de l'Hérault et à Me Le Prado, avocat de M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite d'un contrôle de la situation de M. B... A..., la caisse d'allocations familiales de l'Hérault a estimé que ce dernier avait omis de déclarer son activité de travailleur indépendant, des revenus de capitaux ainsi que des revenus fonciers tirés de deux appartements situés l'un à Paris et l'autre à Tahiti. En conséquence, la caisse a décidé de récupérer, le 8 novembre 2017, un indu de revenu de solidarité active d'un montant de 9 325,40 euros, un indu d'allocation de logement sociale d'un montant de 1 447,50 euros et deux indus d'aide exceptionnelle de fin d'année au titre de 2015 et de 2016 pour des montants respectifs de 152,45 et 152,49 euros. Par une décision du 28 mars 2018, la caisse a refusé à M. A... la remise gracieuse de ces indus. Après avoir informé l'intéressé le 6 avril 2018 qu'il envisageait de lui infliger une amende administrative de 847 euros sur le fondement de l'article L. 262-52 du code de l'action sociale et des familles, le président du conseil départemental de l'Hérault a prononcé cette amende par une décision du 26 juin 2018. Par un jugement du 28 octobre 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté, d'une part, les conclusions de M. A... relatives à l'allocation de logement sociale comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître et, d'autre part, les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 6 avril 2018 comme dirigées contre une décision ne faisant pas grief. Le tribunal a, en revanche, accordé à M. A... une remise gracieuse d'un montant de 4 590,40 euros sur l'indu de revenu de solidarité active et d'un montant de 152,94 euros sur les indus d'aide exceptionnelle de fin d'année et a annulé la décision du 26 juin 2018 lui infligeant une amende administrative de 847 euros. Le département de l'Hérault doit être regardé comme se pourvoyant en cassation contre le jugement du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a accordé à M. A... une remise gracieuse sur l'indu de revenu de solidarité active et en tant qu'il a annulé l'amende infligée.
Sur le jugement, en tant qu'il accorde une remise gracieuse sur l'indu de revenu de solidarité active :
2. Aux termes de l'article L. 262-46 du code de l'action sociale et des familles : " Tout paiement indu de revenu de solidarité active est récupéré par l'organisme chargé du service de celui-ci ainsi que, dans les conditions définies au présent article, par les collectivités débitrices du revenu de solidarité active. / (...) La créance peut être remise ou réduite par le président du conseil général (...), en cas de bonne foi ou de précarité de la situation du débiteur, sauf si cette créance résulte d'une manoeuvre frauduleuse ou d'une fausse déclaration ". Il résulte de ces dispositions qu'un allocataire du revenu de solidarité active ne peut bénéficier d'une remise gracieuse de la dette résultant d'un paiement indu d'allocation, quelle que soit la précarité de sa situation, lorsque l'indu trouve sa cause dans une manoeuvre frauduleuse de sa part ou dans une fausse déclaration, laquelle doit s'entendre comme désignant les inexactitudes ou omissions qui procèdent d'une volonté de dissimulation de l'allocataire caractérisant de sa part un manquement à ses obligations déclaratives.
3. Lorsqu'il statue sur un recours dirigé contre une décision rejetant une demande de remise gracieuse d'un indu de revenu de solidarité active, il appartient au juge administratif d'examiner si une remise gracieuse totale ou partielle est justifiée et de se prononcer lui-même sur la demande en recherchant si, au regard des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre parties à la date de sa propre décision, la situation de précarité du débiteur et sa bonne foi justifient que lui soit accordée une remise. Lorsque l'indu résulte de ce que l'allocataire a omis de déclarer certaines de ses ressources, il y a lieu, pour apprécier la condition de bonne foi de l'intéressé, hors les hypothèses où les omissions déclaratives révèlent une volonté manifeste de dissimulation ou, à l'inverse, portent sur des ressources dépourvues d'incidence sur le droit de l'intéressé au revenu de solidarité active ou sur son montant, de tenir compte de la nature des ressources ainsi omises, de l'information reçue et de la présentation du formulaire de déclaration des ressources, du caractère réitéré ou non de l'omission, des justifications données par l'intéressé ainsi que de toute autre circonstance de nature à établir que l'allocataire pouvait de bonne foi ignorer qu'il était tenu de déclarer les ressources omises. A cet égard, si l'allocataire a pu légitimement, notamment eu égard à la nature du revenu en cause et de l'information reçue, ignorer qu'il était tenu de déclarer les ressources omises, la réitération de l'omission ne saurait alors suffire à caractériser une fausse déclaration.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, ainsi que le tribunal l'a relevé dans son jugement, que M. A... a perçu sur un compte à son nom les loyers tirés d'un bien immobilier situé à Paris. Si M. A... faisait valoir qu'il s'était borné à assurer la gestion de ce bien qui appartenait à sa mère sans en tirer aucun revenu, d'une part le rapport de contrôle de la caisse d'allocations familiales du 17 mai 2017 indique que l'intéressé déclarait posséder l'appartement en cause conjointement avec sa mère et son frère, ce que l'intéressé n'a pas contesté dans son recours gracieux, et l'acte notarié établi le 25 avril 2018 après le décès de la mère de l'intéressé précise que celle-ci ne possédait pas de bien immobilier et, d'autre part, il n'établissait pas avoir reversé la totalité des sommes reçues. Par suite, en jugeant que M. A... avait pu de bonne foi s'abstenir de déclarer les revenus issus de la location de ce bien immobilier, le tribunal administratif de Montpellier a dénaturé les pièces du dossier.
Sur le jugement, en tant qu'il se prononce sur l'amende :
5. Aux termes de l'article L. 262-52 du code de l'action sociale et des familles : " La fausse déclaration ou l'omission délibérée de déclaration ayant abouti au versement indu du revenu de solidarité active est passible d'une amende administrative prononcée et recouvrée dans les conditions et les limites définies, en matière de prestations familiales, aux sixième, septième, neuvième et dixième alinéas du I, à la seconde phrase du onzième alinéa du I et au II de l'article L. 114-17 du code de la sécurité sociale. La décision est prise par le président du conseil départemental (...) ".
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 que le département de l'Hérault est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Montpellier a dénaturé les pièces du dossier en jugeant que M. A... n'avait pas délibérément omis de déclarer les revenus tirés de l'appartement situé à Paris.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le département de l'Hérault est fondé à demander l'annulation du jugement qu'il attaque en tant qu'il a accordé à M. A... une remise gracieuse sur l'indu de revenu de solidarité active et en tant qu'il a annulé l'amende qui lui avait été infligée.
Sur les frais d'instance :
8. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département de l'Hérault, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 28 octobre 2019 est annulé en tant qu'il accorde à M. A... une remise gracieuse de sa dette résultant d'un indu de revenu de solidarité active et en tant qu'il annule l'amende qui lui avait été infligée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée, au tribunal administratif de Montpellier.
Article 3 : Les conclusions présentées au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département de l'Hérault et à M. B... A....