Vu la procédure suivante :
Le conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes a porté plainte contre M. D... C... devant la chambre disciplinaire de première instance des Pays de la Loire de l'ordre des chirurgiens-dentistes. Par une décision du 19 mars 2018, la chambre disciplinaire de première instance a infligé à M. C... la sanction de la radiation.
Par une décision du 8 avril 2019, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a, sur appel de M. C..., annulé cette décision et infligé à M. C... la sanction de l'interdiction d'exercer la profession de chirurgien-dentiste pour une durée d'un an dont six mois assortis du sursis.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 11 juin et 10 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes demande au Conseil d'État :
1°) d'annuler cette décision ;
2°) de mettre à la charge de M. C... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 mai 2021, présentée par le conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme B... A..., auditrice,
- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes de Loire-Atlantique et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de M. C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 19 mars 2018, la chambre disciplinaire de première instance des Pays de la Loire de l'ordre des chirurgiens-dentistes a, sur la plainte du conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes, infligé à M. C... la sanction de la radiation, en raison de manquements à son obligation déontologique d'assurer des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science. Par une décision du 8 avril 2019, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a, sur appel de M. C..., annulé cette décision et infligé à M. C... la sanction de l'interdiction temporaire d'exercer la profession de chirurgien-dentiste pour une durée d'un an, dont six mois assortis du sursis. Le conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes se pourvoit en cassation contre cette décision.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 4123-2 du code de la santé publique : " Il est constitué auprès de chaque conseil départemental une commission de conciliation composée d'au moins trois de ses membres. La conciliation peut être réalisée par un ou plusieurs membres de cette commission, selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. / Lorsqu'une plainte est portée devant le conseil départemental, son président en accuse réception à l'auteur, en informe (...) le chirurgien-dentiste (...) mis en cause et les convoque dans un délai d'un mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte en vue d'une conciliation. En cas d'échec de celle-ci, il transmet la plainte à la chambre disciplinaire de première instance avec l'avis motivé du conseil dans un délai de trois mois à compter de la date d'enregistrement de la plainte, en s'y associant le cas échéant ". Aux termes de l'article R. 4123-18 du même code : " A la première réunion suivant chaque renouvellement du conseil départemental, celui-ci élit, parmi les membres titulaires et les membres suppléants, au moins trois de ses membres pour siéger au sein de la commission de conciliation ". Aux termes de l'article R. 4123-19 de ce code : " Dès réception d'une plainte, le président du conseil départemental désigne parmi les membres de la commission un ou plusieurs conciliateurs (...) ". Aux termes de l'article R. 4123-20 du même code : " Les parties au litige sont convoquées à une réunion et entendues par le ou les membres de la commission pour rechercher une conciliation. / Un procès-verbal de conciliation totale ou partielle ou un procès-verbal de non-conciliation est établi. Ce document fait apparaître les points de désaccord qui subsistent lorsque la conciliation n'est que partielle. Il est signé par les parties ou leurs représentants et par le ou les conciliateurs. / Un exemplaire original du procès-verbal est remis ou adressé à chacune des parties et transmis au président du conseil départemental. / En cas de non-conciliation ou de conciliation partielle, le procès-verbal est joint à la plainte transmise à la juridiction disciplinaire ". Aux termes de l'article R. 4127-233 de ce code : " Le chirurgien-dentiste qui a accepté de donner des soins à un patient s'oblige : (...) / 3° A se prêter à une tentative de conciliation qui lui serait demandée par le président du conseil départemental en cas de difficultés avec un patient ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'eu égard à l'objet de la procédure de conciliation, à son caractère obligatoire, et au rôle qui est celui du conseil départemental de l'ordre des chirurgiens-dentistes durant son déroulement, les procès-verbaux établis à l'occasion d'une procédure de conciliation organisée, sous l'égide d'un conseil départemental, entre un patient et un chirurgien-dentiste ne peuvent être utilisés par ce conseil départemental en appui à une plainte qu'il forme contre le même praticien à raison d'autres faits concernant d'autres patients.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de décisions rendues en 2015 et 2017 par lesquelles la juridiction judiciaire a condamné M. C... à indemniser deux patientes des conséquences dommageables de soins et traitements qu'il leur avait dispensés, le conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes a porté plainte contre M. C... à raison de ces faits, tout en versant à la procédure disciplinaire trois procès-verbaux de conciliation signés en 2005 et 2012, afférents à d'autres faits et concernant d'autres patientes. Il résulte de ce qui a été dit au point 3 qu'en jugeant que ces procès-verbaux devaient être écartés du dossier et que, par suite, la décision de la chambre disciplinaire de première instance, qui s'était en partie fondée sur ces pièces, devait être annulée, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes n'a pas entaché sa décision d'erreur de droit.
5. En second lieu, il ressort des énonciations de la décision attaquée que la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes a relevé que les expertises pratiquées à l'occasion des deux instances judiciaires mentionnées au point 4 avaient mis en évidence, d'une part, le recours à des implants dont la composition est imprécise et, d'autre part, la réalisation de traitements prothétiques et implantaires non conformes aux données acquises de la science, et qu'elle en a déduit que ces faits revêtaient une gravité certaine en ce qu'ils traduisaient une pratique professionnelle dangereuse pour les patientes en cause et justifiaient que la sanction de l'interdiction temporaire d'exercer la profession de chirurgien-dentiste pour une durée d'un an, dont six mois assortis du sursis, soit infligée à M. C.... Ce faisant, la chambre disciplinaire nationale de l'ordre des chirurgiens-dentistes n'a pas retenu une sanction qui est hors de proportion avec les fautes reprochées à M. C....
6. Il résulte de tout ce qui précède que le conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision qu'il attaque.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes le versement à M. C... d'une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de M. C... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes est rejeté.
Article 2 : Le conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes versera une somme de 3 000 euros à M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au conseil départemental de Loire-Atlantique de l'ordre des chirurgiens-dentistes et à M. D... C....
Copie en sera adressée au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes.