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21/05/2021 | FRANCE | N°445049

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 21 mai 2021, 445049


Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière SAFA a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 23 juin 2020 par laquelle le maire de Nogent-le-Rotrou a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cédée par la société anonyme BPCE Lease Immo et par la société anonyme Bpifrance Financement, cadastrée section AE n° 94, située avenue de la Messesselle, jusqu'à ce que ce tribunal se prononce au fond sur la léga

lité de cette décision. Par une ordonnance n° 2003014 du 16 septembre 2020, l...

Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière SAFA a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 23 juin 2020 par laquelle le maire de Nogent-le-Rotrou a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cédée par la société anonyme BPCE Lease Immo et par la société anonyme Bpifrance Financement, cadastrée section AE n° 94, située avenue de la Messesselle, jusqu'à ce que ce tribunal se prononce au fond sur la légalité de cette décision. Par une ordonnance n° 2003014 du 16 septembre 2020, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 2 octobre et 19 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Nogent-le-Rotrou demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société SAFA ;

3°) de mettre à la charge de la société SAFA la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arnaud Skzryerbak, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de la commune de Nogent-le-Rotrou et à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la SCI SAFA ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une décision du 23 juin 2020, le maire de Nogent-le-Rotrou a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cédée par les sociétés BPCE Lease Immo et Bpifrance Financement, cadastrée section AE n° 94 située avenue de la Messesselle, sur le territoire de cette commune. La commune de Nogent-le-Rotrou se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 16 septembre 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans a, sur la demande de la société SAFA, acquéreur évincé, suspendu l'exécution de cette décision sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état de moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. Aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 (...). / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...). ". Aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs (...), de lutter contre l'insalubrité (...), de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels ". Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement ce droit, les collectivités titulaires du droit de préemption urbain doivent, d'une part, justifier à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption.

4. Il ressort des termes mêmes de la décision de préemption que celle-ci mentionne que le bien, objet de la déclaration d'intention d'aliéner, est situé en zone urbaine, à proximité de la gare, dans la zone industrielle de la Messesselle, avec des enjeux de requalification urbaine importants, et que l'opération projetée permettra la création d'un site économique à vocation intercommunale, à même de soutenir la création et le développement des très petites entreprises sur le territoire, ainsi que de renforcer l'attractivité économique du territoire communal et intercommunal. Il suit de là qu'en jugeant qu'était de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de cette décision le moyen tiré de ce qu'elle était insuffisamment motivée s'agissant de la nature du projet justifiant la décision d'exercer le droit de préemption, le juge des référés du tribunal administratif a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

5. Il ne ressort toutefois pas des pièces du dossier que le juge des référés aurait dénaturé les faits de l'espèce ni, eu égard à son office, commis une erreur de droit en retenant comme étant de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de la décision litigieuse le moyen tiré de l'absence de réalité, à la date de cette décision, du projet d'action ou d'opération d'aménagement l'ayant justifiée, alors qu'il ressort des pièces versées au dossier du juge des référés du tribunal administratif, d'une part, que le programme " action coeur de ville ", auquel se réfère la décision en litige, s'il prévoit l'aménagement du " pôle gare ", ne s'étend pas au secteur, située au-delà de la gare et à l'extérieur du coeur de ville, dans lequel se trouve la parcelle préemptée et ne comporte aucune mesure se rattachant au développement économique de ce secteur et, d'autre part, que le projet de création d'un site économique à vocation intercommunale n'apparaît que dans la délibération du conseil communautaire de la communauté de communes du Perche du 4 juin 2020 décidant de la préemption.

8. Ce motif suffisant à justifier la suspension ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif, les conclusions du pourvoi à fin d'annulation de cette ordonnance doivent être rejetées ainsi, par suite, que celles présentées par la commune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Nogent-le-Rotrou une somme de 3 000 euros à verser à la société SAFA au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la commune de Nogent-le-Rotrou est rejeté.

Article 2 : La commune de Nogent-le-Rotrou versera à la société SAFA une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Nogent-Le-Rotrou et à la société civile immobilière SAFA.

Copie en sera adressée à la société anonyme BPCE Lease Immo et à la société anonyme Bpifrance Financement.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 445049
Date de la décision : 21/05/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 21 mai. 2021, n° 445049
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Arnaud Skzryerbak
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP ROCHETEAU, UZAN-SARANO ; SCP GASCHIGNARD

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:445049.20210521
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