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05/05/2021 | FRANCE | N°433915

France | France, Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 05 mai 2021, 433915


Vu les procédures suivantes :

1° Sous le numéro 433915, la société Engie Energie Services France a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge de la contribution calédonienne de solidarité supportée par les dividendes qui lui ont été distribués par la société Alizés Energie pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2016. Par un jugement n° 1800022 du 27 avril 2018, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, a prononcé cette décharge.

Par un arrêt n° 18PA02570 la cour administrative d'appel de Paris, la cour

administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le gouvernement de la Nou...

Vu les procédures suivantes :

1° Sous le numéro 433915, la société Engie Energie Services France a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge de la contribution calédonienne de solidarité supportée par les dividendes qui lui ont été distribués par la société Alizés Energie pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2016. Par un jugement n° 1800022 du 27 avril 2018, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie, a prononcé cette décharge.

Par un arrêt n° 18PA02570 la cour administrative d'appel de Paris, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 août et27 novembre 2019 et le 15 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Engie Energie Services France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le numéro 433916, la société Engie Energie Services France a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge de la contribution calédonienne de solidarité supportée par les dividendes qui lui ont été distribués par la société Endel NC pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2016. Par un jugement n° 1700448 du 27 avril 2018, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé cette décharge.

Par un arrêt n° 18PA02568 du 26 juin 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 août et 27 novembre 2019 et le 15 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Engie Energie Services France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

3° Sous le numéro 433917, la société Engie Energie Services France a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge de la contribution calédonienne de solidarité supportée par les dividendes qui lui ont été distribués par la société EEC pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2016. Par un jugement n° 1800021 du 27 avril 2018 le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé cette décharge.

Par un arrêt n° 18PA02569 du 26 juin 2019 la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 août et 27 novembre 2019 et le 15 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Engie Energie Services France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

4° Sous le numéro 442217, la société Engie Energie Services France a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge de la contribution calédonienne de solidarité supportée par les dividendes qui lui ont été distribués par la société Alizés Energie pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2017. Par un jugement n° 1800084 du 13 septembre 2018, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé cette décharge.

Par un arrêt n° 18PA03524 du 20 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 juillet et 28 octobre 2020 et le 15 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Engie Energie Services France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

5°) Sous le numéro 442221, la société Engie Energie Services France a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge de la contribution calédonienne de solidarité supportée par les dividendes qui lui ont été distribués par la société Endel NC pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2017. Par un jugement n° 1800085 du 13 septembre 2018, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a prononcé cette décharge.

Par un arrêt n° 18PA03525 du 20 décembre 2019, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté l'appel formé par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 juillet et 28 octobre 2020 et le 15 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la société Engie Energie Services France la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la loi n° 99-209 organique et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999 ;

- la convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et dépendances en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, signée à Nouméa le 31 mars 1983 et à Paris le 5 mai 1983, approuvée et publiée par la loi n° 83-676 du 26 juillet 1983 ;

- la " loi du pays " n° 2014-20 du 31 décembre 2014 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. David Moreau, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat du gouvernement de la Nouvelle-calédonie, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la société Engie Energie Services France et de la société Endel nc ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 26 avril 2021, présentée par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ;

Considérant ce qui suit :

1. Les pourvois nos 433915, 433916, 433917, 442217 et 442221 du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie présentent à juger les mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.

2. Il ressort des pièces des dossiers soumis aux juges du fond que la société Engie Energie Services France a été assujettie à la cotisation calédonienne de solidarité au titre des dividendes qui lui ont été distribués par les sociétés Alizes Energie et Endel NC pour les années 2016 et 2017 et par la société EEC pour l'année 2016. Par trois jugements du 27 avril 2018 et deux jugements du 13 septembre 2018, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a déchargé la société Engie Energie Services France de l'ensemble de ces impositions. Le gouvernement de la Nouvelle Calédonie se pourvoit en cassation contre les trois arrêts du 26 juin 2019 et les deux arrêts du 20 décembre 2019 par lesquels la cour administrative d'appel de Paris a rejeté les appels qu'il avait formés contre ces jugements.

3. L'article 2 de la convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et dépendances en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale, signée à Nouméa le 31 mars 1983 et à Paris le 5 mai 1983, approuvée par la loi du 26 juillet 1983, stipule que : " 1. La présente convention s'applique aux impôts sur le revenu et aux droits d'enregistrement perçus pour le compte d'un territoire quel que soit le système de perception. 2. Les impôts actuels auxquels s'applique la Convention sont : (...) b) En ce qui concerne le territoire de la Nouvelle-Calédonie et Dépendances : i) l'impôt sur le revenu ; ii) l'impôt sur les sociétés ; iii) l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux des entreprises dont les activités relèvent de la métallurgie et des minerais ; iv) l'impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux des entreprises productrices et exportatrices de minerai de nickel ; v) l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières ; vi) l'impôt sur le revenu des créances, dépôts et cautionnements ; vii) les droits d'enregistrement et la taxe hypothécaire. 3. La convention s'applique aussi aux impôts de nature identique ou analogue à ceux qui sont visés au paragraphe 4 [lire " paragraphe 2 "] qui seraient établis après la date de signature de la Convention et qui s'ajouteraient aux impôts actuels ou qui les remplaceraient. (...) ". Aux termes du 2 de l'article 9 de cette même convention fiscale : " (...) 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'un territoire à un résident de l'autre territoire sont imposables dans cet autre territoire. 2. Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans le territoire dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de ce territoire, mais si la personne qui reçoit les dividendes en est le bénéficiaire effectif, l'impôt ainsi établi ne peut excéder : a) 5 p. cent du montant brut des dividendes si le bénéficiaire effectif est une société (autre qu'une société de personnes) (...) ".

4. L'article 12 de la " loi du pays " du 31 décembre 2014 instituant une contribution calédonienne de solidarité, dans sa rédaction issue de la " loi du pays " du 31 décembre 2015 portant diverses dispositions d'ordre fiscal, dispose que : " Les personnes physiques et morales relevant de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières prévu aux articles 528 et suivants du code des impôts sont assujetties à une contribution sur les produits des valeurs mobilières ". Aux termes de l'article 13 de la même " loi du pays " : " Les produits de valeurs mobilières mentionnés à l'article 12 s'entendent des produits des valeurs mobilières définis aux articles 529 et 550 à Lp. 553 bis du code des impôts ". Aux termes de son article 14 : " La contribution sur les produits de valeurs mobilières est assise sur le montant retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. / Les produits de valeurs mobilières exonérés de l'impôt sur le revenu de valeurs mobilières en application des dispositions de l'article Lp. 536 du code des impôts ne sont pas soumis à la contribution ". Aux termes de son article 15 : " La contribution portant sur les produits de valeurs mobilières est établie, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Elle est notamment liquidée sur la déclaration prévue à l'article Lp. 544 du code des impôts et avancée par les sociétés distributrices des produits de valeurs mobilières ". Aux termes enfin de son article 24 : " Le montant des contributions mentionnées aux articles 1er à 23 est déterminé en appliquant aux assiettes définies aux articles 2, 4, 10, 14, 18 et 22 un taux de référence fixé par délibération du congrès ".

5. En premier lieu, il ressort des énonciations des arrêts attaqués que, pour juger que la contribution calédonienne de solidarité établie par l'article 12 de la loi du pays du 31 décembre 2014 susvisée, présente un caractère analogue à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières mentionné au paragraphe 2 de l'article 2 de la convention fiscale des 31 mars et 5 mai 1983, pour en déduire que la règle de plafonnement des impositions sur les dividendes prévue au a) du paragraphe 2 de l'article 9 de la même convention est applicable à cette contribution, la cour a retenu, d'une part, que la contribution calédonienne de solidarité serait pour partie assise sur les produits de valeur mobilière définis à l'article 529 du code des impôts et servant de base à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières et, d'autre part, qu'elle est établie selon les règles applicables à cet impôt. En se fondant ainsi sur la circonstance que l'assiette des deux impôts serait en partie commune, sans rechercher l'étendue de ce recoupement, et sur le critère inopérant tenant à leurs modalités de recouvrement, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit.

6. Toutefois, il résulte des dispositions, citées au point 4, des articles 13 et 14 de la " loi du pays " du 31 décembre 2014 que la contribution calédonienne de solidarité sur les produits des valeurs mobilières, qui constitue une imposition autonome et distincte des quatre autres contributions instaurées par cette " loi du pays ", a la même assiette que l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Elle présente, par suite, un caractère analogue à l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Ce motif, dont l'examen n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif erroné retenu par les arrêts attaqués, dont il justifie le dispositif.

7. En second lieu, aucune disposition de la " loi du pays " du 31 décembre 2014 n'exclut la contribution calédonienne de solidarité sur les produits des valeurs mobilières du champ d'application du mécanisme de plafonnement fixé par le a) du paragraphe 2 de l'article 9 de la convention fiscale entre le gouvernement de la République française et le conseil de gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et dépendances des 31 mars et 5 mai 1983. Il s'ensuit qu'en adoptant les dispositions de cette " loi du pays ", le législateur de pays n'a, en tout état de cause, pas dérogé à la convention fiscale. Dès lors, le moyen tiré de ce que la cour administrative d'appel aurait commis une erreur de droit en jugeant que la " loi du pays " du 31 décembre 2014 n'avait ni pour objet ni pour effet d'exclure la contribution calédonienne de solidarité du mécanisme de plafonnement prévu à l'article 9 de la convention fiscale ne peut qu'être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie n'est pas fondé à demander l'annulation des arrêts qu'il attaque.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Engie Energie Services France qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie une somme globale de 3 000 euros à verser à la société Engie Energie Services France au même titre.

D E C I D E :

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Article 1er : Les pourvois du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie sont rejetés.

Article 2 : Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie versera à la société Engie Energie Services France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la société Engie Energie Services France.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 05 mai. 2021, n° 433915
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. David Moreau
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN ; SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Formation : 10ème - 9ème chambres réunies
Date de la décision : 05/05/2021
Date de l'import : 11/05/2021

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 433915
Numéro NOR : CETATEXT000043482309 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2021-05-05;433915 ?
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