Vu la procédure suivante :
Mme A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Pau, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre la décision du 7 octobre 2019 par laquelle le préfet des Hautes-Pyrénées a suspendu son permis de conduire pour une durée de six mois. Par une ordonnance n° 1902749 du 14 janvier 2020, le tribunal administratif a fait droit à sa demande.
Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire en référé, de rejeter la demande de Mme B....
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la route ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Flavie Le Tallec, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteure publique.
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un arrêté du 7 octobre 2019, le préfet des Hautes-Pyrénées a, après que le permis de conduire de Mme B... ait été retenu le 2 octobre 2019, suspendu ce permis pour une durée de six mois, sur le fondement des dispositions de l'article L. 224-7 du code de la route. Le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 14 janvier 2020 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Pau a suspendu, sur le fondement de l'article L.521-1 du code de justice administrative, l'exécution de cet arrêté.
2. D'une part, aux termes de l'article L.224-7 du code de la route : " Saisi d'un procès-verbal constatant une infraction punie par le présent code de la peine complémentaire de suspension du permis de conduire, le représentant de l'Etat dans le département où cette infraction a été commise peut, s'il n'estime pas devoir procéder au classement, prononcer à titre provisoire soit un avertissement, soit la suspension du permis de conduire ou l'interdiction de sa délivrance lorsque le conducteur n'en est pas titulaire (...) ". D'autre part, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". et aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : / 1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles (...) ".
3. La décision par laquelle le préfet suspend un permis de conduire sur le fondement de l'article L. 224-7 du code de la route, qui est une mesure de police et doit être motivée en application de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, est soumise au respect d'une procédure contradictoire préalable. En l'absence d'une procédure contradictoire particulière organisée par les textes, le préfet doit se conformer aux dispositions du code des relations entre le public et l'administration en informant le conducteur de son intention de suspendre son permis de conduire et de la possibilité qui lui est offerte de présenter des observations. Le préfet ne peut légalement se dispenser de cette formalité, en raison d'une situation d'urgence, que s'il apparaît, eu égard au comportement du conducteur, que le fait de différer la suspension de son permis pendant le temps nécessaire à l'accomplissement de la procédure contradictoire créerait des risques graves pour lui-même ou pour les tiers.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que le préfet des Hautes-Pyrénées n'a apporté, en première instance, aucun élément de nature à établir que la suspension contestée revêtait un caractère d'urgence dispensant l'administration d'une procédure contradictoire préalable et a, au contraire, soutenu que cette procédure contradictoire avait été respectée. Par suite, si le ministre de l'intérieur, qui ne conteste pas en cassation que le permis de conduire de Mme B... a été suspendu sans procédure contradictoire préalable, soutient dans son pourvoi, en produisant des pièces nouvelles, qu'une situation d'urgence justifiait que l'administration soit dispensée de cette formalité, un tel moyen revêt un caractère nouveau en cassation et est, par suite, inopérant.
5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.
6. Mme B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à verser à la SCP Boutet-Hourdeaux.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la SCP Boutet-Hourdeaux, avocat de Mme B..., la somme de 2 400 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à Mme A... B....