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02/04/2021 | FRANCE | N°441753

France | France, Conseil d'État, 10ème chambre, 02 avril 2021, 441753


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'une part, de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 792,27 euros au titre du préjudice résultant du calcul erroné de sa rémunération pour son activité de peintre au sein du centre de détention de Val-de-Reuil, ainsi qu'une indemnité de 2 000 euros au titre de son préjudice moral, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de procéder à la rectification de ses bulletins de paye. <

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Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Rouen, en application de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, d'une part, de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 792,27 euros au titre du préjudice résultant du calcul erroné de sa rémunération pour son activité de peintre au sein du centre de détention de Val-de-Reuil, ainsi qu'une indemnité de 2 000 euros au titre de son préjudice moral, d'autre part, d'enjoindre à l'Etat de procéder à la rectification de ses bulletins de paye.

Par une ordonnance n°1902166 du 29 juin 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a condamné l'Etat à verser à M. A... une provision de 600,50 euros au titre de ses arriérés de salaires et lui a enjoint de procéder à la rectification de ses bulletins de paye.

Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés le 10 juillet 2020 et le 8 mars 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 1er de cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de réduire le montant de la provision accordée à M. A... à la somme de 459,48 euros.

Le garde des sceaux, ministre de la justice, soutient que le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a entaché son ordonnance d'erreur de droit en calculant la rémunération due à M. A... au titre des années 2015, 2016 et 2017 sans déduire la contribution sociale généralisée et la contribution pour le remboursement de la dette sociale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme D... C..., conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Laurent Domingo, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A..., qui a été incarcéré au centre de détention de Val-de-Reuil où il a exercé des activités en qualité de peintre au sein du service général de l'établissement, a présenté le 8 mars 2019 une réclamation préalable auprès de la garde des sceaux, ministre de la justice, aux fins d'être indemnisé du préjudice résultant selon lui du mode de calcul erroné de sa rémunération pour ces activités professionnelles à hauteur de la somme de 792,27 euros. Après une proposition d'indemnisation du 11 juin 2019 à hauteur de la somme de 166,49 euros, M. A... a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Rouen qui, par une ordonnance du 29 juin 2020, a condamné l'Etat à lui verser, à titre de provision, la somme de 600,50 euros. Le garde des sceaux, ministre de la justice, se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

2. D'une part, l'article 717-3 du code de procédure pénale dispose que : " (...) Les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail. (...) / Les règles relatives à la répartition des produits du travail des détenus sont fixées par décret. Le produit du travail des détenus ne peut faire l'objet d'aucun prélèvement pour frais d'entretien en établissement pénitentiaire. / La rémunération du travail des personnes détenues ne peut être inférieure à un taux horaire fixé par décret et indexé sur le salaire minimum de croissance défini à l'article L. 3231-2 du code du travail. Ce taux peut varier en fonction du régime sous lequel les personnes détenues sont employées. " Aux termes de l'article D. 432-1 du même code : " Hors les cas visés à la seconde phrase du troisième alinéa de l'article 717-3, la rémunération du travail effectué au sein des établissements pénitentiaires par les personnes détenues ne peut être inférieure au taux horaire suivant : / (...) / 33 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance pour le service général, classe I ; / (...) / Un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, détermine la répartition des emplois entre les différentes classes en fonction du niveau de qualification qu'exige leur exécution. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article D. 433-4 du code de procédure pénale : " Les rémunérations pour tout travail effectué par une personne détenue sont versées, sous réserve des dispositions de l'article D. 121, à l'administration qui opère le reversement des cotisations sociales aux organismes de recouvrement et procède ensuite à l'inscription et à la répartition de la rémunération nette sur le compte nominatif des personnes détenues, conformément aux dispositions de l'article D. 434. / Ces rémunérations sont soumises à cotisations patronales et ouvrières selon les modalités fixées, pour les assurances maladie, maternité et vieillesse, par les articles R. 381-97 à R. 381-109 du code de la sécurité sociale. / (...) ".

4. Enfin, en vertu de l'article L. 136-1 du code de la sécurité sociale, il est institué une contribution sociale sur les revenus d'activité et sur les revenus de remplacement, dite contribution sociale généralisée, à laquelle sont notamment assujetties " 1° Les personnes physiques qui sont à la fois considérées comme domiciliées en France pour l'établissement de l'impôt sur le revenu et à la charge, à quelque titre que ce soit, d'un régime obligatoire français d'assurance maladie ; / (...) ". Le I de l'article L. 136-2 du même code dispose que " La contribution est assise sur le montant brut des traitements, indemnités, émoluments, salaires (...). / Pour l'application du présent article, les traitements, salaires et toutes sommes versées en contrepartie ou à l'occasion du travail sont évalués selon les règles fixées à l'article L. 242-1. (...) ". L'article L. 242-1 du même code prévoit que, pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dues pour les périodes au titre desquelles les revenus d'activité sont attribués, " sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire ". Le I de l'article 14 de l'ordonnance du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale institue " une contribution sur les revenus d'activité et de remplacement mentionnés aux articles L. 136-2 à L. 136-4 du code de la sécurité sociale ", dite contribution au remboursement de la dette sociale, et prévoit que " Cette contribution est assise sur les revenus visés et dans les conditions prévues aux articles L. 136-2 à L. 136-4 et au III de l'article L. 136 8 du code de la sécurité sociale. ".

5. Il résulte des dispositions citées aux points 2, 3 et 4 que les personnes détenues sont au nombre de celles qui sont assujetties à la contribution sociale généralisée et que la rémunération qu'elles perçoivent en contrepartie du travail qu'elles effectuent dans les conditions prévues à l'article 717-3 du code de procédure pénale entre dans l'assiette de la contribution sociale généralisée ainsi que dans celle de la contribution pour le remboursement de la dette sociale.

6. Il ressort des énonciations de l'ordonnance attaquée que pour arrêter à la somme de 600,50 euros le montant du préjudice subi par M. A... à raison du calcul erroné de sa rémunération pour ses activités de peintre au sein du centre de détention de Val-de-Reuil entre avril 2015 et janvier 2017, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a jugé, d'une part, que l'administration n'avait pas respecté le taux horaire minimum de rémunération prévu par l'article D. 432-1 du code de procédure pénale, d'autre part, que la perte de rémunération devait être calculée en déduisant du montant brut de la rémunération légalement due à M. A..., le montant brut de la rémunération qui lui avait déjà été versée. En statuant ainsi, sans déduire de ces montants la contribution sociale généralisée et la contribution pour le remboursement de la dette sociale dues au titre de ces rémunérations, le juge des référés du tribunal administratif de Rouen a commis une erreur de droit. M. A... ne saurait utilement en défense se prévaloir d'une compensation entre le montant de ces contributions et l'indemnisation de son préjudice moral écarté par le juge des référés.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice, est fondé à demander l'annulation de l'article 1er de l'ordonnance qu'il attaque. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions par la SCP Baraduc-Duhamel-Rameix, avocat de M. A....

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 1er de l'ordonnance du 29 juin 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Rouen est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, au tribunal administratif de Rouen.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A... au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au garde des sceaux, ministre de la justice, et à M. B... A....


Synthèse
Formation : 10ème chambre
Numéro d'arrêt : 441753
Date de la décision : 02/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 02 avr. 2021, n° 441753
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Isabelle Lemesle
Rapporteur public ?: M. Laurent Domingo
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:441753.20210402
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