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02/04/2021 | FRANCE | N°429319

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 02 avril 2021, 429319


Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Alliance Négoce a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 novembre 2016 par laquelle le directeur régional des finances publiques du Centre-Val de Loire a refusé de lui accorder l'agrément prévu au II de l'article 209 du code général des impôts. Par un jugement n° 1700187 du 21 novembre 2017, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NT00189 du 31 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par l

a société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire...

Vu la procédure suivante :

La société par actions simplifiée (SAS) Alliance Négoce a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 14 novembre 2016 par laquelle le directeur régional des finances publiques du Centre-Val de Loire a refusé de lui accorder l'agrément prévu au II de l'article 209 du code général des impôts. Par un jugement n° 1700187 du 21 novembre 2017, le tribunal a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 18NT00189 du 31 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 1er avril et 27 juin 2019 et le 8 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, la société Alliance Négoce demande au Conseil d'État :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Lionel Ferreira, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, au Cabinet Colin - Stoclet, avocat de la société Alliance Négoce ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que la société Agri 37, qui exerçait une activité de négoce de produits agricoles et agrofournitures, a fait l'objet, par un traité signé le 31 décembre 2015 avec effet rétroactif au 1er juillet 2015, d'une fusion-absorption, placée sous le régime prévu à l'article 210 A du code général des impôts, par la société Echivard, devenue la société Alliance Négoce. La société Echivard a sollicité la délivrance de l'agrément prévu au II de l'article 209 du même code afin que lui soit transféré le déficit inscrit dans les écritures comptables de la société absorbée à l'issue de l'exercice clos le 30 juin 2010 et reporté depuis. Par une décision du 14 novembre 2016, l'administration fiscale a rejeté sa demande au motif que l'activité de la société Agri 37 avait subi des changements significatifs pendant la période au cours de laquelle le déficit en cause avait été constaté. La société Alliance Négoce se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 31 janvier 2019 par lequel la cour administrative de Nantes a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre le jugement du 21 novembre 2017 du tribunal administratif d'Orléans rejetant sa demande d'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.

2. Aux termes du II de l'article 209 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date de l'opération d'absorption en litige : " En cas de fusion ou opération assimilée placée sous le régime de l'article 210 A, les déficits antérieurs (...) non encore déduits par la société absorbée (...) sont transférés, sous réserve d'un agrément délivré dans les conditions prévues à l'article 1649 nonies, à la ou aux sociétés bénéficiaires des apports, et imputables sur ses ou leurs bénéfices ultérieurs dans les conditions prévues (...) au troisième alinéa du I (...). / (...) L'agrément est délivré lorsque : / a. L'opération est justifiée du point de vue économique et obéit à des motivations principales autres que fiscales ; / b) L'activité à l'origine des déficits (...) dont le transfert est demandé n'a pas fait l'objet par la société absorbée (...), pendant la période au titre de laquelle ces déficits (...) ont été constatés, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en oeuvre, de nature et de volume d'activité ; / c) L'activité à l'origine des déficits (...) dont le transfert est demandé est poursuivie par la ou les sociétés absorbantes ou bénéficiaires des apports pendant un délai minimal de trois ans, sans faire l'objet, pendant cette période, de changement significatif, notamment en termes de clientèle, d'emploi, de moyens d'exploitation effectivement mis en oeuvre, de nature et de volume d'activité ; / (...) ".

3. Il résulte des dispositions du b du II de cet article que la condition qu'elles énoncent tient à ce qu'examinée pour elle-même, l'activité transférée à la société absorbante n'ait pas fait l'objet de changements significatifs pendant la période au titre de laquelle ont été constatés les déficits dont le transfert est demandé. Cette période s'étend de l'exercice de naissance des déficits en cause jusqu'à celui au cours duquel est effectuée la demande tendant à leur transfert. Il résulte toutefois de ces dispositions, eu égard à leur objet, qu'une diminution par la société absorbée, au cours de cette période, de son emploi et des moyens d'exploitation qu'elle met en oeuvre, ne saurait à elle seule, lorsqu'elle est destinée à assurer le maintien du volume de l'activité à l'origine des déficits, être regardée comme un changement significatif d'activité justifiant le refus de l'agrément sollicité.

4. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la société Agri 37, spécialisée dans la vente de produits agricoles, avait perdu l'intégralité de son effectif de 10 salariés au profit du recours à du personnel extérieur à l'établissement et que son actif brut corporel avait été réduit de 65 % après la cession d'installations techniques, matériel et outillages industriels et de matériel de transport, traduisant notamment la suppression totale de sa flotte de camions du fait de l'externalisation de l'activité de transport. Toutefois, il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond, ainsi que l'a cour l'a elle-même relevé, que l'activité de l'entreprise était assurée soit par du personnel mis à sa disposition par d'autres sociétés du groupe auquel appartient la société absorbante soit par ces sociétés elles-mêmes. Il ressort également de ces pièces que la diminution de son actif brut corporel a résulté d'une externalisation auprès d'une société du groupe spécialisée dans le transport, que la société Agri 37 a également, au cours de la même période, poursuivi l'exploitation de son unique établissement, loué un entrepôt de stockage destiné à son activité de vente de produits d'agrofournitures, utilisé, au soutien de son activité de collecte et de vente de produits agricoles, un silo céréalier détenu par une société du groupe, et maintenu un chiffre d'affaires de près de 14 millions d'euros. Dans ces conditions, en jugeant que la baisse de l'actif brut corporel de la société Agri 37 et la circonstance qu'elle n'employait plus aucun salarié étaient constitutives d'un changement significatif de son activité au sens et pour l'application des dispositions du b) du II de l'article 209 du code général des impôts, alors que cette suppression de ses emplois directs et de ses moyens d'exploitation, pendant la période au titre de laquelle a été constaté le déficit dont le transfert a été demandé, était destinée à assurer, par une réorganisation de son activité et une externalisation, le maintien du volume de son chiffre d'affaires, la cour a inexactement qualifié les faits dont elle était saisie. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que la société Alliance Négoce est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 4 ci-dessus que l'activité de la société Agri 37 n'a pas fait l'objet de changements significatifs au sens et pour l'application du b) du II de l'article 209 du code général des impôts. Par suite, la société Alliance Négoce est fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de sa demande, que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 14 novembre 2016 par laquelle le directeur régional des finances publiques du Centre-Val de Loire a refusé de lui accorder l'agrément prévu au II du même article au motif que l'activité de la société Agri 37 avait subi des changements significatifs pendant la période au cours de laquelle le déficit en cause avait été constaté.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 6 000 euros à verser à la société Alliance Négoce, pour l'ensemble de la procédure, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 31 janvier 2019 de la cour administrative d'appel de Nantes et le jugement du 21 novembre 2017 du tribunal administratif d'Orléans sont annulés.

Article 2 : La décision du 14 novembre 2016 du directeur régional des finances publiques du Centre-Val de Loire est annulée.

Article 3 : : L'État versera une somme de 6 000 euros à la société Alliance Négoce au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SAS Alliance Négoce et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 429319
Date de la décision : 02/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES. RÈGLES GÉNÉRALES. IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES. DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE. - FUSION OU OPÉRATION ASSIMILÉE - AGRÉMENT POUR LE TRANSFERT DES DÉFICITS ANTÉRIEURS DE LA SOCIÉTÉ ABSORBÉE - (II DE L'ART. 209 DU CGI) - CONDITION TENANT À L'ABSENCE DE CHANGEMENTS SIGNIFICATIFS DANS L'ACTIVITÉ À L'ORIGINE DES DÉFICITS (B DU II DE L'ART. 209) - NOTION DE CHANGEMENT SIGNIFICATIF - EXCLUSION - RÉDUCTION DES MOYENS D'EXPLOITATION EN VUE DE MAINTENIR LE VOLUME DE L'ACTIVITÉ.

19-04-01-04-03 Il résulte du b du II de l'article 209 du code général des impôts (CGI), eu égard à son objet, que la diminution par la société absorbée, au cours de la période s'étendant de l'exercice de naissance des déficits en cause jusqu'à celui au cours duquel est effectuée la demande tendant à leur transfert, de son emploi et des moyens d'exploitation qu'elle met en oeuvre, ne saurait à elle seule, lorsqu'elle est destinée à assurer le maintien du volume de l'activité à l'origine des déficits, être regardée comme un changement significatif d'activité justifiant le refus de l'agrément sollicité.


Publications
Proposition de citation : CE, 02 avr. 2021, n° 429319
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lionel Ferreira
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : CABINET COLIN - STOCLET

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:429319.20210402
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