Vu la procédure suivante :
M. D... C... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier de Sarlat-la-Canéda à leur verser, en plus des provisions déjà versées, la somme de 500 000 euros en réparation des préjudices subis par leur enfant A... lors de sa naissance dans cet établissement et la somme de 10 000 euros chacun en réparation de leurs propres préjudices. Par un jugement n° 1403721 du 25 juillet 2016, le tribunal administratif a condamné le centre hospitalier de Sarlat-la-Canéda à verser à M. et Mme C..., d'une part, au nom de leur fils, une somme de 642 240 euros et une rente de 120 euros par jour passés au domicile familial depuis la date du jugement jusqu'à sa majorité au titre des frais d'aide par une tierce personne et une rente annuelle de 10 000 euros au titre de ses préjudices personnels et, d'autre part, en leur nom propre, la somme de 30 000 euros chacun.
Par un arrêt n° 16BX03241 du 23 novembre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel du centre hospitalier de Sarlat-la-Canéda et appel incident de M. et Mme C..., condamné l'établissement à leur verser, au nom de leur fils, une somme de 616 312 euros ainsi qu'une rente déterminée sur la base de 75 euros par jour de présence à domicile et, en leur nom propre, une somme de 15 000 euros chacun.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 janvier et 17 avril 2019 et 30 juin 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C... demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette leur appel incident ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP L. Poulet, Odent, avocat de M. et Mme C... et à Me Le Prado, avocat du centre hospitalier de Sarlat-la-Canéda ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme C..., hospitalisée au centre hospitalier de Sarlat-la-Canéda en novembre 2001 pour surveillance en raison du dépassement du terme de sa grossesse, y a accouché, le 22 novembre, d'un garçon prénommé A... qui souffre d'une encéphalopathie hypoxique ischémique, entraînant une importante tétraparésie spastique. M. et Mme C..., agissant tant en leur nom propre qu'en qualité de représentants de leur fils, ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le centre hospitalier à les indemniser de leurs préjudices. Ils se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 23 novembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, sur appel du centre hospitalier dirigé contre le jugement du 25 juillet 2016 du tribunal administratif, condamné ce centre hospitalier à leur verser, au nom de leur fils, une somme de 616 312 euros ainsi qu'une indemnité liée à sa prise en charge à domicile déterminée sur la base d'un taux quotidien de 75 euros et, en réparation de leurs préjudices propres, une somme de 15 000 euros chacun.
2. En premier lieu, en estimant, ainsi qu'il résulte des termes de son arrêt, que les graves troubles neurologiques causés à A... C... par la longue insuffisance d'oxygénation lors de sa naissance pouvaient trouver leur source dans une compression naturelle du cordon ombilical in utero mais aussi dans le retard mis par l'équipe soignante à décider de pratiquer une césarienne, sans qu'il soit certain que cette intervention, si elle avait été pratiquée plus rapidement, aurait pu éviter les lésions cérébrales dont souffre l'enfant et sans qu'aucun autre manquement n'ait été commis par l'établissement, la cour administrative d'appel a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine, exempte de dénaturation. Elle a exactement qualifié les faits en jugeant que le retard à pratiquer une césarienne était constitutif d'une faute du service hospitalier et n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, compte tenu de l'appréciation qu'elle avait souverainement portée sur les faits et contrairement à ce qu'avait jugé le tribunal administratif de Bordeaux, que le préjudice résultant directement de cette faute était, non pas le dommage subi par l'enfant ou ses parents mais la perte de chance d'éviter que ce dommage advienne.
3. En deuxième lieu, en estimant que la réparation incombant à l'établissement de santé devait, compte tenu de l'ampleur de la chance perdue, être évaluée à 50% des dommages subis, la cour, dont l'arrêt est suffisamment motivé sur ce point, s'est livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier, exempte de dénaturation.
4. En troisième lieu, en estimant, au vu des pièces du dossier qui lui était soumis, notamment le rapport d'expertise judiciaire remis en 2013, qu'il était possible d'apprécier par avance les préjudices extrapatrimoniaux de l'enfant jusqu'à sa majorité et en condamnant, en conséquence, le centre hospitalier à verser à ce titre une indemnité définitive, la cour a porté sur les faits de l'espèce une appréciation souveraine, exempte de dénaturation et n'a pas commis d'erreur de droit.
5. Mais, en dernier lieu, en retenant que l'indemnisation au titre de l'assistance d'une tierce personne pouvait être limitée à douze heures par jour en excluant les périodes nocturnes, alors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis et notamment des constatations de l'expert judiciaire et du médecin conseil du centre hospitalier que l'état de l'enfant, atteint d'un déficit fonctionnel supérieur à 95 %, nécessite en permanence une aide humaine pour la satisfaction de ses besoins vitaux, la cour a dénaturé les faits de l'espèce.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué qu'en tant qu'il statue sur les frais d'assistance par une tierce personne.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Sarlat-la-Canéda le versement à M. C... et à Mme C... d'une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 27 novembre 2018 est annulé en tant qu'il statue sur les frais d'assistance par une tierce personne.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : Le centre hospitalier de Sarlat-la-Canéda versera à M. C... et à Mme C... une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. D... C..., à Mme B... C... et au centre hospitalier de Sarlat-la-Canéda.
Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de la Dordogne.