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26/03/2021 | FRANCE | N°438876

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 26 mars 2021, 438876


Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 17 octobre 2019 par laquelle le maire d'Arles a exercé le droit de préemption urbain sur les parcelles cadastrées section BH n° 0053 et n° 0054, situées 11, rue Gaspard-Monge. Par une ordonnance n° 2000246 du 5 février 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et

un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 février et 3 mars 2020 au secré...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 17 octobre 2019 par laquelle le maire d'Arles a exercé le droit de préemption urbain sur les parcelles cadastrées section BH n° 0053 et n° 0054, situées 11, rue Gaspard-Monge. Par une ordonnance n° 2000246 du 5 février 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a fait droit à cette demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 février et 3 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune d'Arles demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par M. A... ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Frédéric Pacoud, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune d'Arles et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Marseille que, par une décision du 17 octobre 2019, le maire d'Arles a exercé au nom de cette commune le droit de préemption urbain sur des parcelles vendues par la société de droit italien Immobiliare San Giovanni SRL. Par une ordonnance du 5 février 2020, contre laquelle la commune d'Arles se pourvoit en cassation, le juge des référés, saisi par M. A..., acquéreur évincé, a suspendu l'exécution de cette décision sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative.

2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. En premier lieu, le premier alinéa de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme subordonne, à peine de nullité, toute aliénation d'un bien soumis au droit de préemption à une déclaration préalable faite par le propriétaire à la mairie de la commune où se trouve situé le bien. Aux termes du quatrième alinéa de cet article : " Le silence du titulaire du droit de préemption pendant deux mois à compter de la réception de la déclaration mentionnée au premier alinéa vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption." Il résulte de l'article R. 213-4 de ce code que ces dispositions " sont applicables à toutes les aliénations volontaires à titre onéreux sous quelque forme que ce soit de biens soumis au droit de préemption à l'exception de celles qui sont réalisées sous la forme des adjudications soumises aux dispositions des articles R. 213-14 et R. 213-15 ", c'est-à-dire, selon les termes de l'article R. 213-14, " lorsque cette procédure est rendue obligatoire par une disposition législative ou réglementaire, à l'exclusion de la vente mettant fin à une indivision créée volontairement et ne résultant pas d'une donation-partage ". L'article R. 213-15 précise que ces ventes par adjudication " doivent être précédées d'une déclaration du greffier de la juridiction ou du notaire chargé de procéder à la vente faisant connaître la date et les modalités de la vente (...) adressée au maire trente jours au moins avant la date fixée pour la vente (...). La déclaration fait l'objet des communications et transmissions mentionnées à l'article R. 213-6. / Le titulaire dispose d'un délai de trente jours à compter de l'adjudication pour informer le greffier ou le notaire de sa décision de se substituer à l'adjudicataire. (...)" Il résulte de ces dispositions que le délai de trente jours dont l'autorité titulaire du droit de préemption dispose à compter de la vente d'un bien dans le cadre d'une adjudication rendue obligatoire par une disposition législative ou réglementaire n'est opposable à cette autorité qu'à la condition qu'elle ait été dûment informée de la vente à intervenir, trente jours à l'avance au moins.

4. S'il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que M. A... faisait valoir que la vente des parcelles litigieuses à son profit avait été réalisée sous la forme d'une adjudication décidée par une juridiction italienne à la suite de la faillite de la société qui en était propriétaire, il est constant que cette adjudication n'avait pas donné lieu à une information à la commune d'Arles, le formulaire de déclaration d'intention d'aliéner adressé à celle-ci le 28 août 2019 mentionnant au contraire que la vente présentait un caractère amiable. La commune d'Arles est dès lors fondée à soutenir que le délai de préemption de trente jours ouvert par l'article R. 213-15 du code de l'urbanisme ne lui était pas opposable.

5. En second lieu, le cinquième alinéa de l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme prévoit que : " Le délai est suspendu à compter de la réception (...) de la demande de visite du bien. Il reprend à compter (...) de la visite du bien par le titulaire du droit de préemption. Si le délai restant est inférieur à un mois, le titulaire dispose d'un mois pour prendre sa décision. Passés ces délais, son silence vaut renonciation à l'exercice du droit de préemption. " En vertu de l'article D. 213-1 du même code, la demande de visite du bien ayant fait l'objet de la déclaration d'intention d'aliéner doit être notifiée à son propriétaire ou à son mandataire ainsi qu'au notaire chargé de la vente.

6. Il ressort des mentions du formulaire de déclaration d'intention d'aliéner, reçu comme il a été dit par la commune le 28 août 2019, que la société Immobilière San Giovanni SRL a désigné le notaire chargé de la vente comme mandataire à l'effet de recevoir notification des décisions du titulaire du droit de préemption. La commune d'Arles, après avoir valablement adressé à ce notaire une demande de visite des lieux le 30 septembre 2019 et les avoir visités le 9 octobre suivant, lui a notifié le 6 novembre 2019 la décision de préemption adoptée le 17 octobre 2019. Ainsi, la commune d'Arles est fondée à soutenir qu'à la date à laquelle la décision de préemption litigieuse a été notifiée, le délai de deux mois ouvert par l'article L. 213-2 du code de l'urbanisme pour l'exercice du droit de préemption n'était pas expiré.

7. Il résulte de tout ce qui précède qu'en regardant comme de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision de préemption attaquée le moyen tiré de ce que le droit de préemption aurait été exercé tardivement, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a dénaturé les pièces du dossier et commis une erreur de droit et que la commune d'Arles est fondée à demander l'annulation de son ordonnance pour ce motif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

9. A l'appui de sa demande de suspension de l'exécution de la décision de préemption du 17 octobre 2019, M. A... soutient que cette décision a été prise par une autorité incompétente, faute pour le maire de disposer d'une délégation pour ce faire, qu'elle est insuffisamment motivée, qu'à la date de son adoption, la commune ne justifiait pas d'un projet répondant à l'un des objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme pour les parcelles préemptées, que cette décision est tardive, qu'elle ne répond pas à un intérêt général suffisant, notamment au regard des caractéristiques du bien et au coût prévisible de l'opération, qu'elle est entachée de détournement de pouvoir et que l'éventuel transfert de la propriété des parcelles préemptées à la commune ne rendrait pas sa demande de suspension sans objet.

10. Aucun de ces moyens n'apparaît, en l'état de l'instruction, de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision de préemption du maire d'Arles du 17 octobre 2019.

11. Par suite, dès lors que l'une des deux conditions posées par l'article L. 521-1 du code de justice administrative n'est pas remplie, la demande de suspension présentée par M. A... devant le juge des référés du tribunal administratif de Marseille doit être rejetée.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en tout état de cause, obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas partie à la présente instance, soit condamné à verser une somme à M. A.... En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 000 euros à verser à la commune d'Arles au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du 5 février 2020 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.

Article 2 : Les conclusions de M. A... présentées au titre de l'article L. 521-1 du code de justice administrative et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 de ce code sont rejetées.

Article 3 : M. A... versera à la commune d'Arles une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune d'Arles et à M. B... A....

Copie en sera adressée à la société Immobiliare San Giovanni SRL.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 438876
Date de la décision : 26/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 26 mar. 2021, n° 438876
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric Pacoud
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:438876.20210326
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