Vu la procédure suivante :
L'association Protection Environnement Nature, M. et Mme B... C... et M. A... D... ont demandé, par deux demandes distinctes, au tribunal administratif de Poitiers d'annuler, d'une part, pour excès de pouvoir les arrêtés préfectoraux du 17 novembre 2014 et du 10 janvier 2015 accordant à la société Centrale Eolienne Fontenelles trois permis de construire pour la réalisation de sept éoliennes ainsi que la décision implicite née du rejet de leur recours gracieux tendant au retrait de ces permis, d'autre part, l'arrêté préfectoral du 29 octobre 2014 autorisant, au titre de la règlementation des installations classées pour la protection de l'environnement, la même société à exploiter ce parc éolien. Par deux jugements n° 1500674 et n° 1501050 du 24 mai 2017, le tribunal administratif a rejeté leurs demandes.
Par un arrêt nos 17BX02424, 17BX02425 du 15 octobre 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par l'association Protection Environnement Nature, M. et Mme C... et M. D... contre ces jugements.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 13 décembre 2019 et 2 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Protection Environnement Nature et autres demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, faite à Aarhus le 25 juin1998 ;
- la directive 2011/92/UE du Parlement et du Conseil du 13 décembre 2011 ;
- le code de l'aviation civile ;
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Fanélie Ducloz, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Protection Environnement Nature et autres et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la société Centrale Eolienne Fontenelles ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la préfète de la Vienne a, par un arrêté du 29 octobre 2014, autorisé la société Centrale Eolienne Fontenelles, au titre de la règlementation des installations classées pour la protection de l'environnement, à exploiter un parc éolien sur les territoires des communes de Coulombiers et de Cloué et, par deux arrêtés des 17 novembre 2014 et 10 janvier 2015, accordé à cette société trois permis de construire pour la réalisation des éoliennes de ce parc. Par deux jugements du 24 mai 2017, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté les demandes de l'association Protection Environnement Nature et autres tendant à l'annulation de ces arrêtés. L'association Protection Environnement Nature et autres se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 15 octobre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté les conclusions d'appel formées contre ces jugements.
Sur l'arrêt en tant qu'il rejette les conclusions dirigées contre les permis de construire :
2. Aux termes de l'article R. 423-50 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " L'autorité compétente recueille auprès des personnes publiques, services ou commissions intéressés par le projet, les accords, avis ou décisions prévus par les lois ou règlements en vigueur ". Aux termes de l'article R. 423-51 du même code, dans sa rédaction en vigueur : " Lorsque le projet porte sur une opération soumise à un régime d'autorisation prévu par une autre législation, l'autorité compétente recueille les accords prévus par le chapitre V du présent titre ". Aux termes de l'article R. 425-9 du même code, dans sa rédaction applicable : " Lorsque le projet porte sur une construction susceptible, en raison de son emplacement et de sa hauteur, de constituer un obstacle à la navigation aérienne, le permis de construire ou le permis d'aménager tient lieu de l'autorisation prévue par l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile dès lors que la décision a fait l'objet d'un accord du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre de la défense. ". Aux termes de l'article R. 244-1 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction en vigueur : " (...) l'établissement de certaines installations qui, en raison de leur hauteur, pourraient constituer des obstacles à la navigation aérienne est soumis à une autorisation spéciale du ministre chargé de l'aviation civile (...) ". L'article 1er de l'arrêté du 25 juillet 1990 relatif aux installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation dispose que : " Les installations dont l'établissement à l'extérieur des zones grevées de servitudes aéronautiques de dégagement est soumis à autorisation du ministre chargé de l'aviation civile et du ministre chargé des armées comprennent : / a) En dehors des agglomérations, les installations dont la hauteur en un point quelconque est supérieure à 50 mètres au-dessus du niveau du sol ou de l'eau (...) ".
3. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire doit, lorsque la construction envisagée en dehors d'une agglomération peut constituer un obstacle à la navigation aérienne en raison d'une hauteur supérieure à 50 mètres, saisir de la demande le ministre chargé de l'aviation civile et le ministre de la défense afin de recueillir leur accord, et qu'à défaut d'accord de l'un de ces ministres, l'autorité compétente est tenue de refuser le permis de construire.
4. En relevant que l'avis du ministre de l'aviation civile sur le projet en litige était signé par M. E..., ingénieur en chef des travaux publics de l'Etat, et que celui-ci avait, en application du III de l'article 5 de l'arrêté ministériel du 10 mai 2013, publié au Journal officiel du 15 mai suivant, reçu délégation à l'effet de signer " au nom du ministre chargé des transports (...) tous actes, arrêtés, décisions, marchés publics relevant de l'article 28 du code des marchés publics d'un montant inférieur au égal à 50 000 euros (HT) et tous bons de commande d'un montant inférieur ou égal à 50 000 euros (HT) pris en exécution des marchés à bons de commande, à l'exclusion des décrets ", et qu'il était ainsi habilité à signer, au nom du ministre, l'avis sur le projet de permis de construire en litige, la cour administrative d'appel n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent en tant qu'il rejette leurs conclusions tendant à l'annulation des permis de construire contestés.
Sur l'arrêt en tant qu'il rejette les conclusions dirigés contre l'autorisation d'exploiter :
6. Il ressort des écritures d'appel que, pour demander l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2014 autorisant la société Centrale Eolienne Fontenelles à exploiter le parc éolien en litige, l'association Protection Environnement Nature et autres soutenaient que l'avis de l'autorité environnementale sur le projet avait été rendu dans des conditions irrégulières dès lors qu'il émanait de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de la région Poitou-Charente, placée sous l'autorité du préfet de cette région, lequel avait également délivré l'autorisation en cause. En ne répondant pas à ce moyen, qui n'était pas inopérant, la cour administrative d'appel a entaché son arrêt d'une insuffisance de motivation.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que l'association Protection Environnement Nature et autres sont fondés à demander l'annulation de l'arrêt en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2014 de la préfète de la Vienne.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à l'association Protection Environnement Nature et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces derniers n'étant pas, dans la présente instance, les parties perdantes, ces dispositions font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à leur charge à ce titre.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt n° 17BX02424, 17BX02425 du 15 octobre 2019 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 octobre 2014 de la préfète de la Vienne.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Bordeaux.
Article 3 : L'Etat versera à l'association Protection Environnement Nature et autres une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la société Centrale Eolienne Fontenelles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le surplus des conclusions du pourvoi de l'association Protection Environnement nature et autres est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à l'association Protection Environnement Nature, représentante unique, à la société Centrale Eolienne Fontenelles et à la ministre de la transition écologique.
Copie en sera adressée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.