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25/03/2021 | FRANCE | N°433924

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 25 mars 2021, 433924


Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 août, 26 novembre 2019 et le 23 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société British American Tobacco France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la lettre du directeur général des douanes et droits indirects en date du 27 février 2019 relative aux vignettes de sécurité que les fabricants de tabac doivent apposer sur les unités de conditionnement des produits du tabac, ainsi que la décision implicite de r

ejet opposée à son recours gracieux formé le 26 avril 2019 ;

2°) de mettre à ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 août, 26 novembre 2019 et le 23 février 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société British American Tobacco France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la lettre du directeur général des douanes et droits indirects en date du 27 février 2019 relative aux vignettes de sécurité que les fabricants de tabac doivent apposer sur les unités de conditionnement des produits du tabac, ainsi que la décision implicite de rejet opposée à son recours gracieux formé le 26 avril 2019 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Guiard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme A... B..., rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société British American Tobacco France et à la SCP Foussard, Froger, avocat du ministre de l'économie, des finances et de la relance ;

Considérant ce qui suit :

1. Au titre des mesures de " traçabilité " des produits du tabac regroupées au sein de la section 5 du chapitre II du titre Ier du livre V de la troisième partie du code de la santé publique, le I de l'article L. 3512-25 de ce code impose que les unités de conditionnement de produits du tabac fabriqués, importés d'un Etat non membre de l'Union européenne ou provenant d'un État membre de l'Union européenne comportent un dispositif de sécurité infalsifiable, composé d'au moins cinq types d'éléments authentifiants. Par un courrier du 27 février 2019 le directeur général des douanes et droits indirects a précisé aux fabricants et importateurs de cigarettes et de tabacs à rouler les modalités de contrôle et de validation des projets de vignette de sécurité à apposer sur les unités de conditionnement de ces produits. La société British American Tobacco France doit être regardée comme demandant l'annulation de ce courrier en tant qu'il institue une procédure de validation des nouveaux projets de vignette de sécurité et des nouveaux types d'unité de conditionnement sur lesquelles ces vignettes doivent être apposées, ainsi que l'annulation de la décision implicite de rejet opposée à son recours gracieux du 26 avril 2019.

2. Aux termes de l'article L. 3512-25 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude : " I.- (...) les unités de conditionnement de produits du tabac fabriqués, importés d'un Etat non membre de l'Union européenne ou provenant d'un Etat membre de l'Union européenne, comportent un dispositif de sécurité infalsifiable, comportant au moins cinq types d'éléments authentifiants, dont au moins un élément apparent, un élément semi-apparent et un élément non apparent. (...) / III.- Le ministre chargé des douanes peut : (...) / 3° Définir des orientations ou des prescriptions officielles relatives à la sécurité des procédures de production et de distribution, concernant par exemple l'utilisation d'équipements et d'autres composants sécurisés, les audits, les instruments de contrôle des quantités produites et les expéditions sécurisées, afin de prévenir, d'empêcher, de déceler et de réduire la production et la distribution illicites ainsi que le vol de dispositifs de sécurité et des éléments authentifiants qui les composent. (...) ". Aux termes de l'article L. 3512-26 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi : " Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent chapitre, notamment : (...) 6° (...) les autres conditions d'application des articles L. 3512-24 et L. 3512-25 en matière de traçabilité et de dispositif de sécurité ".

3. Il résulte de ces dispositions que le législateur a, sous réserve des compétences ponctuellement conférées au ministre chargé des douanes, renvoyé à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les conditions d'application des dispositions de l'article L. 3512-25 du code de la santé publique relatives aux dispositifs de sécurité infalsifiables que doivent comporter les unités de conditionnement de produits du tabac.

4. Faute d'avoir reçu compétence à cet effet par le III de l'article L. 3512-25 du code de la santé publique ou par le décret en Conseil d'Etat auquel renvoie l'article L. 3512-26 du même code ou par toute autre disposition, le ministre de l'action et des comptes publics, qui ne pouvait se fonder sur sa qualité de chef de service, n'avait pas compétence pour instituer une procédure obligatoire de contrôle préalable et de validation des caractéristiques physiques et techniques des dispositifs de traçabilité et de sécurité mentionnés à l'article L. 3512-25 du code de la santé publique. Le directeur général des douanes et droits indirects ne pouvait, dès lors, compétemment adopter de telles mesures par délégation de ce ministre. Il s'ensuit que la société requérante est fondée à soutenir que le courrier du 27 février 2019 est entaché d'incompétence en tant qu'il institue une telle procédure pour tous les nouveaux projets de vignette de sécurité et les nouveaux types d'unité de conditionnement sur lesquelles ces vignettes doivent être apposées. Le rejet implicite opposé à son recours gracieux du 26 avril 2019 est, pour le même motif, entaché d'illégalité.

5. Il résulte de ce qui précède que la société British American Tobacco France est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, à demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions et de la décision qu'elle attaque.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société British American Tobacco France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de cette société, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le courrier du directeur général des douanes et droits indirects du 27 février 2019 est annulé en tant qu'il institue une procédure de contrôle et de validation des dispositifs de sécurité mentionnés à l'article L. 3512-25 du code de la santé publique, ainsi que de tout nouveau type d'unité de conditionnement sur lesquelles ces dispositifs doivent être apposés.

Article 2 : La décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours gracieux du 26 avril 2019 formé par la société British American Tobacco France est annulée.

Article 3 : L'Etat versera à la société British American Tobacco France une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par le ministre de l'économie, des finances et de la relance au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société British American Tobacco France et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 433924
Date de la décision : 25/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mar. 2021, n° 433924
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Guiard
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:433924.20210325
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