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25/03/2021 | FRANCE | N°432515

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 25 mars 2021, 432515


Vu la procédure suivante :

M. et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012. Par un jugement no 1401300 du 15 décembre 2016, le tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17BX00527 du 10 mai 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. et Mme D... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 10 octobre 2019 au secrétar

iat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... D..., agissant en son nom personnel...

Vu la procédure suivante :

M. et Mme F... D... ont demandé au tribunal administratif de Limoges de prononcer la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012. Par un jugement no 1401300 du 15 décembre 2016, le tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 17BX00527 du 10 mai 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. et Mme D... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 juillet et 10 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme E... D..., agissant en son nom personnel et en qualité d'ayant-droit de M. F... D..., ainsi que M. C... D... et Mme A... D..., en leur qualité d'ayant-droits de M. F... D..., demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à l'appel formé devant la cour administrative d'appel de Bordeaux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Olivier Guiard, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme B... G..., rapporteure publique ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Spinosi, avocat de Mme D..., de M. C... D... et de Mme A... D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme F... D... ont cédé, le 5 janvier 2012, à la société SMD Participations l'intégralité des actions de la société D... qu'ils détenaient. Ils ont réalisé à cette occasion une plus-value de 14 476 130 euros qu'ils ont déclarée au titre de leurs revenus de 2012. Mme D... agissant en son nom personnel et en qualité d'ayant-droit de M. F... D..., ainsi que M. C... D... et Mme A... D..., en leur qualité d'ayant-droits de M. F... D..., se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 10 mai 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. et Mme D... contre le jugement du 15 décembre 2016 du tribunal administratif de Limoges rejetant leur demande tendant à la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2012.

2. D'une part, aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la date de la cession en litige : " I. - 1. (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". Aux termes de l'article 150-0 D du même code dans sa rédaction alors applicable : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 150-0 D bis de ce code, dans sa rédaction antérieure à la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 : " I.-1. Les gains nets mentionnés au 1 de l'article 150-0 D et déterminés dans les conditions du même article retirés des cessions à titre onéreux d'actions, de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts sont réduits d'un abattement d'un tiers pour chaque année de détention au-delà de la cinquième, lorsque les conditions prévues au II sont remplies (...) ". Aux termes de ce même article, dans sa rédaction issue de l'article 80 de la loi de finances pour 2012 : " I.-1. L'imposition de la plus-value retirée de la cession à titre onéreux d'actions ou de parts de sociétés ou de droits démembrés portant sur ces actions ou parts peut être reportée si les conditions prévues au II du présent article sont remplies (...) ". Il résulte de ces dernières dispositions, issues de la loi de finances pour 2012, que les plus-values dégagées par les cessions d'actions réalisées après la date d'entrée en vigueur de cette loi de finances ne faisaient plus l'objet de l'abattement prévu par la rédaction antérieure de l'article 150-0 D bis, en vigueur du 31 décembre 2005 au 30 décembre 2011.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme D... soutenaient devant la cour administrative d'appel que les dispositions de la loi de finances pour 2012, qui ont eu pour effet d'abroger un dispositif fiscal de faveur, ne pouvaient pas s'appliquer, sauf à créer une rupture de l'égalité devant les charges publiques, aux cessions intervenant à une date à laquelle les conditions de durée de détention fixées par la loi antérieure pour bénéficier de l'abattement étaient remplies et se référaient à cet égard, par analogie, au raisonnement tenu par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2015-515 QPC du 14 janvier 2016 statuant sur la conformité à la Constitution de dispositions fiscales différentes. En jugeant que M. et Mme D... devaient être regardés comme contestant, ce faisant, la conformité à la Constitution de la suppression, par la loi de finances pour 2012, de l'abattement prévu antérieurement à l'article 150-0 D bis du code général des impôts et en jugeant qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur ce moyen dès lors qu'il n'avait pas été soulevé dans les conditions prévues par l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, la cour ne s'est pas méprise sur la portée des écritures qui lui étaient soumises.

5. En second lieu, aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour (...) assurer le paiement des impôts (...) ". Une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte. A défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations.

6. M. et Mme D... soutenaient devant la cour qu'en supprimant le dispositif d'abattement sur les gains nets de cessions d'actions, le législateur les avait privés de l'espérance légitime d'obtenir le bénéfice de cet abattement. Toutefois, en premier lieu, il résulte des dispositions de l'article 150-0 D bis du code général des impôts, dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2012, que le bénéfice d'un abattement ne pouvait être légalement acquis qu'au jour de la cession, fait générateur de l'imposition, de titres détenus depuis au moins six années révolues, décomptées au plus tôt à compter du 1er janvier 2006. Ainsi, M. et Mme D... n'avaient pu légalement acquérir aucun droit à abattement avant le 1er janvier 2012. En second lieu, la simple conservation de titres durant une période inférieure à la durée exigée par l'article 150-0 D bis du code général des impôts dans sa rédaction antérieure à la loi de finances pour 2012 n'a pu, à elle seule, faire naître une espérance légitime de bénéficier de l'abattement en cause. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que l'intervention de la loi de finances pour 2012 n'avait privé les contribuables d'aucune espérance légitime au sens de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent.

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mmes et M. D... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme E... D..., première requérante dénommée, et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 432515
Date de la décision : 25/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 25 mar. 2021, n° 432515
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olivier Guiard
Rapporteur public ?: Mme Emilie Bokdam-Tognetti
Avocat(s) : SCP SPINOSI

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:432515.20210325
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