Vu la procédure suivante :
Mme A...-D... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, l'arrêté du 6 février 2018 par lequel le maire de Francheville a délivré un permis de construire à la société Patrimoine Investissement pour l'édification de deux maisons individuelles et la création de deux logements supplémentaires dans le bâtiment existant sur une parcelle située 6, chemin du Gareizin, ainsi que la décision du 25 avril 2018 rejetant son recours gracieux, d'autre part, le permis de construire modificatif délivré à cette société par un arrêté du maire en date du 30 mai 2018.
Par un premier jugement n°s 1804517, 1805750 du 9 mai 2019, le tribunal administratif de Lyon a sursis à statuer sur ces demandes en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme en invitant la société Patrimoine Investissement et la commune à justifier, dans un délai de trois mois, de l'éventuelle délivrance d'un permis de construire de régularisation.
Après la délivrance d'un permis de régularisation par arrêté du 13 août 2019, Mme C... a demandé au tribunal d'annuler pour excès de pouvoir ce permis de régularisation.
Par un second jugement n°s 1804517, 1805750 du 26 septembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a annulé cet arrêté du 13 août 2019 en tant qu'il méconnaît le paragraphe 2.2.1 du chapitre 2 du règlement de la zone Uri2 du plan local d'urbanisme et de l'habitat de la métropole de Lyon et, sur le fondement de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, fixé à la société Patrimoine Investissement un délai de trois mois pour solliciter un permis de construire de régularisation rendant le projet conforme à ces dispositions.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 novembre 2019 et 30 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme C... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le second jugement, rendu le 26 septembre 2019 par le tribunal administratif, en tant qu'il lui fait grief ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Francheville et de la société Patrimoine Investissement la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme A... B..., maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 6 février 2018, modifié le 30 mai 2018, le maire de Francheville a autorisé la société Patrimoine Investissement à réaliser deux maisons individuelles et à créer deux logements supplémentaires dans un bâtiment existant. Saisi par Mme C... de demandes d'annulation pour excès de pouvoir de ces deux arrêtés, le tribunal administratif de Lyon, par un premier jugement du 9 mai 2019, après avoir écarté les autres moyens soulevés par ces demandes, a sursis à statuer sur ces demandes sur le fondement de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et invité la commune et la société pétitionnaire à justifier, dans un délai de trois mois, de la délivrance d'un permis de construire de régularisation permettant d'assurer la conformité du projet aux dispositions, relatives à la gestion des eaux pluviales, du paragraphe 4.4 de l'article 4 du chapitre 2 portant dispositions communes à l'ensemble des zones du règlement du plan local d'urbanisme de la métropole de Lyon. Puis, après la délivrance le 13 août 2019 d'un permis de construire de régularisation, le tribunal a, par un second jugement du 26 septembre 2019 mettant en oeuvre l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, partiellement annulé ce permis de régularisation, en tant qu'il méconnaissait les dispositions, relatives à l'implantation en limite séparative, du paragraphe 2.2.1 du chapitre 2 du règlement de la zone Uri2 du plan local d'urbanisme et de l'habitat de la métropole de Lyon, et fixé à la société Patrimoine Investissement un délai de délai de trois mois pour solliciter un éventuel permis de construire de régularisation rendant le projet conforme à ces dispositions. Mme C... se pourvoit en cassation contre le second jugement du 26 septembre 2019 en tant qu'il lui fait grief.
2. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
3. En premier lieu, il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires ayant conduit à l'adoption de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, que, lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée sont susceptibles d'être régularisés, le juge administratif doit, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation, sauf à ce qu'il fasse le choix de recourir à l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme, si les conditions posées par cet article sont réunies, ou que le bénéficiaire de l'autorisation lui ait indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Il n'en va pas différemment lorsque l'autorisation d'urbanisme contestée devant le juge est une mesure de régularisation qui lui a été notifiée pendant le délai qu'il avait fixé en mettant antérieurement en oeuvre l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.
4. Il en résulte que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en faisant application, par son second jugement, de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme après avoir fait application, par son premier jugement, de l'article L. 600-5-1, en laissant ainsi à la société Patrimoine Investissement un délai après le second jugement pour demander la régularisation d'un vice affectant le permis de régularisation que cette société avait obtenu, dans le délai imparti par le premier jugement, pour régulariser un autre vice qui affectait le permis de construire initial. Eu égard aux conditions prévues par ces dispositions, qui n'affectent pas le droit de contester une autorisation d'urbanisme devant le juge de l'excès de pouvoir et d'obtenir qu'une telle décision soit conforme aux lois et règlements applicables, Mme C... n'est pas davantage fondée à soutenir que le tribunal aurait, ce faisant, méconnu le droit à un recours effectif garanti notamment par les articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En deuxième lieu, s'il résulte des dispositions citées au point 2 que le juge administratif ne peut faire application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme qu'après avoir préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme, il n'est en revanche pas tenu de recueillir les observations des parties avant de mettre en oeuvre les pouvoirs que lui confèrent les dispositions de l'article L. 600-5 de ce code, par lesquels il se borne à exercer son office. Mme C... n'est ainsi pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité faute que les parties aient été informées par le tribunal, avant l'intervention de son second jugement, qu'il était susceptible de mettre en oeuvre l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme.
6. En troisième lieu, un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé en vertu de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. A compter de la décision par laquelle le juge recourt à l'article L. 600-5-1, seuls des moyens dirigés contre la mesure de régularisation notifiée, le cas échéant, au juge peuvent être invoqués devant ce dernier.
7. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le permis de régularisation, délivré à la société Patrimoine Investissement à la suite de l'intervention du premier jugement du tribunal administratif, a apporté au projet des modifications qui, sans changer la nature même de ce projet, ne se bornaient pas à remédier au vice à régulariser. En particulier, l'emplacement et la forme de l'implantation d'une des maisons individuelles objet du permis ont été modifiés, sans que ces modifications n'aient toutefois d'incidence sur la surface au sol de cette maison, demeurée inchangée. Si Mme C... faisait valoir, en contestant devant le tribunal administratif le permis de régularisation, que le projet de construction ainsi modifié n'était plus conforme aux règles relatives à l'ampleur de l'emprise au sol des constructions en vigueur à la date de la mesure de régularisation, résultant du nouveau règlement du plan local d'urbanisme et de l'habitat de la métropole de Lyon entré en vigueur entre le permis initial et la mesure de régularisation, un tel moyen était, eu égard aux droits que le pétitionnaire tenait du permis initial à compter du jugement ayant eu recours à l'article L. 600-5-1, inopérant, dès lors que la surface d'emprise au sol de la construction n'était pas accrue par rapport au permis initial. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif aurait commis une erreur de droit en écartant, par son second jugement, ce moyen comme inopérant.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 ne peuvent, en conséquence, qu'être rejetées.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme C... est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A...-D... C..., à la commune de Francheville et à la société Patrimoine Investissement.