Vu la procédure suivante :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de les décharger des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010. Par un jugement n° 1405323 du 15 mars 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à leur demande.
Par un arrêt n° 17NC01062 du 23 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par le ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement.
Par un pourvoi enregistré le 19 septembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler cet arrêt.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vincent Daumas, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Poulet, Odent, avocat de M. et Mme A... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration fiscale a remis en cause les réductions d'impôt sur le revenu pratiquées par M. et Mme A... au titre des années 2006 à 2010 à raison de leur souscription au capital de la société civile immobilière (SCI) Seaview 1, dont le siège est situé à Saint-Martin. Cette remise en cause était fondée sur les dispositions du c du 2 et du 7 de l'article 199 undecies A du code général des impôts, au motif, notamment, que les logements construits par la SCI n'avaient été donnés en location qu'après l'expiration d'un délai de six mois suivant leur achèvement. Les suppléments d'impôt sur le revenu établis au titre des années 2009 et 2010 en conséquence de la reprise de ces réductions d'impôt ont été contestés par M. et Mme A... devant le tribunal administratif de Strasbourg qui en a prononcé la décharge par un jugement du 15 mars 2017. Le ministre de l'action et des comptes publics se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 juillet 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel contre ce jugement.
2. Aux termes de l'article 199 undecies A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Il est institué une réduction d'impôt sur le revenu pour les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui investissent dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Saint-Martin, à Saint-Barthélemy, dans les îles Wallis et Futuna et les Terres australes et antarctiques françaises, entre la date de promulgation de la loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l'outre-mer et le 31 décembre 2017. / 2. La réduction d'impôt s'applique : / a) Au prix de revient de l'acquisition ou de la construction régulièrement autorisée par un permis de construire d'un immeuble neuf situé dans les départements ou collectivités visés au 1, que le propriétaire prend l'engagement d'affecter dès l'achèvement ou l'acquisition si elle est postérieure à son habitation principale pendant une durée de cinq ans ; / b) Au prix de revient de l'acquisition ou de la construction régulièrement autorisée par un permis de construire d'un immeuble neuf situé dans les départements ou collectivités visés au 1, que le propriétaire prend l'engagement de louer nu dans les six mois de l'achèvement ou de l'acquisition si elle est postérieure pendant cinq ans au moins à des personnes, autres que son conjoint ou un membre de son foyer fiscal, qui en font leur habitation principale ; / c) Au prix de souscription de parts ou actions de sociétés dont l'objet réel est exclusivement de construire des logements neufs situés dans les départements ou collectivités visés au 1 et qu'elles donnent en location nue pendant cinq ans au moins à compter de leur achèvement à des personnes, autres que les associés de la société, leur conjoint ou les membres de leur foyer fiscal, qui en font leur habitation principale. Ces sociétés doivent s'engager à achever les fondations des immeubles dans les deux ans qui suivent la clôture de chaque souscription annuelle. Les souscripteurs doivent s'engager à conserver les parts ou actions pendant cinq ans au moins à compter de la date d'achèvement des immeubles ; / d) Aux souscriptions au capital de sociétés civiles régies par la loi n° 70-1300 du 31 décembre 1970 fixant le régime applicable aux sociétés civiles autorisées à faire publiquement appel à l'épargne, lorsque la société s'engage à affecter intégralement le produit de la souscription annuelle, dans les six mois qui suivent la clôture de celle-ci, à l'acquisition de logements neufs situés dans les départements ou collectivités visés au 1 et affectés pour 90 % au moins de leur superficie à usage d'habitation. Ces sociétés doivent s'engager à louer les logements nus pendant cinq ans au moins à compter de leur achèvement ou de leur acquisition si elle est postérieure à des locataires, autres que les associés de la société, leur conjoint ou les membres de leur foyer fiscal, qui en font leur habitation principale. Les souscripteurs doivent s'engager à conserver les parts pendant cinq ans au moins à compter de ces mêmes dates ; / (...) / 7. En cas de non-respect des engagements mentionnés aux 2 et 6, ou de cession ou de démembrement du droit de propriété, dans des situations autres que celle prévue au 3, de l'immeuble ou des parts et titres, ou de non-respect de leur objet exclusif par les sociétés concernées, ou de dissolution de ces sociétés, la réduction d'impôt pratiquée fait l'objet d'une reprise au titre de l'année où interviennent les événements précités (...) ".
3. Il résulte des dispositions précitées du c du 2 de l'article 199 undecies A du code général des impôts que la condition, dont la méconnaissance donne lieu, en application du 7 du même article, à la reprise des réductions d'impôt pratiquées, suivant laquelle les logements construits par les sociétés au capital desquelles le contribuable a souscrit doivent être donnés en location nue à des personnes, autres que les associés de la société, leur conjoint ou les membres de leur foyer fiscal, qui en font leur habitation principale, pendant cinq ans au moins à compter de leur achèvement, doit s'entendre, eu égard à l'objectif poursuivi par ces dispositions consistant à compenser le déficit de logements offerts à la location dans les territoires mentionnés au 1 de cet article, comme obligeant la société qui construit les logements à donner ceux-ci en location dans un bref délai suivant leur achèvement.
4. Il s'ensuit que la cour administrative d'appel de Nancy, si elle a pu retenir que les dispositions du c du 2 de l'article 199 undecies A du code général des impôts n'imposent pas la location des logements dès le jour de leur achèvement, a commis une erreur de droit en jugeant que ces dispositions ne subordonnent pas le bénéfice de la réduction d'impôt à la location des logements dans un bref délai suivant leur achèvement. Le ministre est, dès lors, fondé pour ce motif, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de son pourvoi, à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée à ce titre par M. et Mme A....
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 23 juillet 2019 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.
Article 3 : Les conclusions de M. et Mme A... présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à M. et Mme A....