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05/03/2021 | FRANCE | N°432425

France | France, Conseil d'État, 7ème chambre, 05 mars 2021, 432425


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 5 mars 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de renouveler l'allocation temporaire d'invalidité dont il a bénéficié entre le 29 décembre 1993 et le 28 décembre 1998, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision, d'autre part, d'enjoindre au même ministre de renouveler cette allocation en fixant son taux d'invalidité global à 45 % à compter du 29 d

écembre 1998 et à 84 % à compter du 9 février 2002. Par un jugement n° 1204064...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, d'une part, d'annuler la décision du 5 mars 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de renouveler l'allocation temporaire d'invalidité dont il a bénéficié entre le 29 décembre 1993 et le 28 décembre 1998, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision, d'autre part, d'enjoindre au même ministre de renouveler cette allocation en fixant son taux d'invalidité global à 45 % à compter du 29 décembre 1998 et à 84 % à compter du 9 février 2002. Par un jugement n° 1204064 du 24 septembre 2015, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions attaquées, a fixé le taux global d'invalidité de M. B... à 40 % à la date du 29 décembre 1998 et à 83,20 % à la date du 25 janvier 2002, et a enjoint au ministre de l'intérieur de prendre une décision lui attribuant une allocation temporaire d'invalidité sur la base des taux précités.

Par une décision nos 408481, 408510 du 6 avril 2018, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi du ministre de l'action et des comptes publics et d'une demande d'exécution de M. B..., a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire devant ce même tribunal.

Par un jugement no 1802340 du 3 mai 2019, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande de M. B....

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et trois nouveaux mémoires, enregistrés les 9 juillet, 9 octobre et 13 décembre 2019 et les 24 juin et 15 octobre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) de récuser MM. Bertrand Dacosta, Olivier Henrard, Olivier Japiot et Grégory Rzepski pour connaître de son pourvoi ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 60-1089 du 6 octobre 1960 ;

- le décret n° 68-756 du 13 août 1968 ;

- le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. B..., qui exerçait les fonctions de sous-brigadier de la police nationale, a été victime les 5 octobre 1987 et 11 mai 1992 d'accidents reconnus imputables au service. Par un arrêté du 20 octobre 1997, le ministre chargé des finances lui a accordé une allocation temporaire d'invalidité au taux de 17 % pour la période du 29 décembre 1993 au 28 décembre 1998 en raison de ces deux accidents, en application des dispositions de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984. Le 19 octobre 1998, M. B... a été de nouveau victime d'une chute qui a également été reconnue imputable au service. Par un arrêté du 19 octobre 2000, le ministre chargé des finances a rejeté sa demande de renouvellement de l'allocation temporaire d'invalidité à compter du 29 décembre 1998 au motif que son taux d'invalidité global était inférieur à 10 %. Cet arrêté a été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 30 mars 2006 pour vice de procédure. Par une décision du 21 février 2007, le ministre de l'intérieur a de nouveau rejeté la demande de M. B... tendant au renouvellement de son allocation temporaire d'invalidité. Le tribunal administratif de Nancy a annulé cette décision par un jugement du 23 juin 2009, au motif d'une irrégularité de procédure. Après un nouvel examen de la situation de l'intéressé, le ministre de l'intérieur a, par une décision du 5 mars 2012, prise sur le fondement de l'avis de la commission de réforme du 24 mars 2011, refusé le renouvellement de l'allocation temporaire d'invalidité. M. B... se pourvoit en cassation contre le jugement du 3 mai 2019 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg, statuant sur renvoi du Conseil d'Etat après cassation de son premier jugement, a rejeté sa demande dirigée contre la décision du 5 mars 2012, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

Sur la demande de récusation :

2. Les membres du Conseil d'Etat dont le requérant demande la récusation ne sont pas membres de la formation de jugement dans la présente instance. Les conclusions tendant à leur récusation sont par suite sans objet.

Sur le pourvoi :

3. Aux termes de l'article 65 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire qui a été atteint d'une invalidité résultant d'un accident de service ayant entraîné une incapacité permanente d'au moins 10 % ou d'une maladie professionnelle peut prétendre à une allocation temporaire d'invalidité cumulable avec son traitement dont le montant est fixé à la fraction du traitement minimal de la grille mentionnée à l'article 15 du titre Ier du statut général, correspondant au pourcentage d'invalidité. / Les conditions d'attribution ainsi que les modalités de concession, de liquidation, de paiement et de révision de l'allocation temporaire d'invalidité sont fixées par un décret en Conseil d'Etat qui détermine également les maladies d'origine professionnelle ". Aux termes du premier alinéa de l'article 5 du décret du 6 octobre 1960 portant règlement d'administration publique pour l'application des dispositions de l'article 23 bis de l'ordonnance n° 59-244 du 4 février 1959 relative au statut général des fonctionnaires : " L'allocation temporaire d'invalidité est accordée pour une période de cinq ans. A l'expiration de cette période, les droits du fonctionnaire font l'objet d'un nouvel examen dans les conditions fixées à l'article 3 ci-dessus et l'allocation est attribuée sans limitation de durée (...) sur la base du nouveau taux d'invalidité constaté ou, le cas échéant supprimée ".

4. Lorsqu'il est saisi d'un litige en matière d'allocation temporaire d'invalidité, il appartient au juge administratif, en sa qualité de juge de plein contentieux, de se prononcer sur les droits de l'intéressé en tenant compte de l'ensemble des circonstances de fait qui résultent de l'instruction, et aussi, le cas échéant, d'apprécier, s'il est saisi de moyens en ce sens ou au vu de moyens d'ordre public, la régularité de la décision en litige.

5. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'en écartant comme inopérants, par principe, l'ensemble des moyens de légalité externe soulevés par M. B... pour contester la décision du 5 mars 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur a refusé de renouveler son allocation temporaire d'invalidité, le tribunal administratif de Strasbourg a entaché son jugement d'une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, M. B... est fondé à demander l'annulation de ce jugement.

6. Aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire ". Le Conseil d'Etat étant saisi, en l'espèce, d'un second pourvoi en cassation, il lui incombe de régler l'affaire au fond.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

7. Aux termes de l'article 3 du décret du 6 octobre 1960 : " La réalité des infirmités invoquées par le fonctionnaire, leur imputabilité au service, la reconnaissance du caractère professionnel des maladies, les conséquences ainsi que le taux d'invalidité qu'elles entraînent sont appréciés par la commission de réforme prévue à l'article L. 31 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Le pouvoir de décision appartient dans tous les cas au ministre dont relève l'agent et au ministre chargé du budget ". Aux termes du sixième alinéa de l'article 19 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l'organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d'aptitude physique pour l'admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires : " Le fonctionnaire (...) peut présenter des observations écrites et fournir des certificats médicaux ".

8. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. L'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte.

9. Il résulte de l'instruction que la commission de réforme a relevé à tort, dans son avis, que M. B... n'avait pas produit d'observations écrites, alors que l'intéressé avait exercé ce droit prévu par les dispositions de l'article 19 du décret du 14 mars 1986, citées au point 7. Par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B... est fondé à soutenir que la décision du 5 mars 2012 du ministre de l'intérieur, prise sur le fondement de l'avis de la commission de réforme du 24 mars 2011, refusant de lui accorder le bénéfice du renouvellement de l'allocation temporaire d'invalidité, est intervenue au terme d'une procédure irrégulière, qui l'a privé d'une garantie, et à en demander l'annulation, ainsi que celle de la décision implicite rejetant son recours gracieux à l'encontre de la première décision.

En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :

10. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure ". Il résulte des motifs énoncés aux points 8 et 9 que l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur n'implique pas nécessairement qu'il accorde à M. B... le bénéfice du renouvellement de l'allocation temporaire d'invalidité. L'exécution de la présente décision implique en revanche que la demande de renouvellement d'allocation temporaire d'invalidité de M. B... soit réexaminée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à ce réexamen dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

En ce qui concerne les conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant à la récusation de membres du Conseil d'Etat dans la présente instance.

Article 2 : Le jugement du 3 mai 2019 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 3 : La décision du 5 mars 2012 par laquelle le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration a refusé de renouveler l'allocation temporaire d'invalidité dont M. B... a bénéficié entre le 29 décembre 1993 et le 28 décembre 1998, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux contre cette décision sont annulées.

Article 4 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de la demande de renouvellement d'allocation temporaire d'invalidité de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.

Article 5 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. A... B..., au ministre de l'économie, des finances et de la relance et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 432425
Date de la décision : 05/03/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 mar. 2021, n° 432425
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Didier Ribes
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP BOULLOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:432425.20210305
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