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12/02/2021 | FRANCE | N°439141

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 12 février 2021, 439141


Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires, enregistrés le 15 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi contre la décision n° 16023475 et 17039200 du 10 juillet 2019 de la Cour nationale du droit d'asile, de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, d'une part, de l'article L. 733-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et d

u droit d'asile et, d'autre part, des articles L. 713-5 et L. 713-...

Vu la procédure suivante :

Par deux mémoires, enregistrés le 15 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 et à l'appui de son pourvoi contre la décision n° 16023475 et 17039200 du 10 juillet 2019 de la Cour nationale du droit d'asile, de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, d'une part, de l'article L. 733-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, des articles L. 713-5 et L. 713-6 du même code.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New-York le 31 janvier 1967 relatifs au statut des réfugiés ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-146 du 18 novembre 2020;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Bertrand Mathieu, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gaschignard, avocat de M. A..., et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 23 juin 2016, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a mis fin au statut de réfugié dont bénéficiait M. A..., de nationalité palestinienne. A l'appui de son pourvoi en cassation contre la décision du 10 juillet 2019 par laquelle la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'Office, l'intéressé demande que soit renvoyée au Conseil constitutionnel, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions, d'une part, de l'article L. 733-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, d'autre part, des articles L. 713-5 et L. 713-6 du même code.

Sur l'article L. 733-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

3. Aux termes de l'article L. 733-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Les débats devant la Cour nationale du droit d'asile ont lieu en audience publique après lecture du rapport par le rapporteur. (...) Le président de la formation de jugement peut (...) décider que l'audience aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public, si les circonstances de l'affaire l'exigent (...) ".

4. M. A... soutient que ces dispositions législatives, en application desquelles la présidente de la 4ème section de la 1ère chambre de la Cour nationale du droit d'asile a décidé de tenir l'audience hors la présence du public, seraient contraires aux droits et libertés garantis par la Constitution, faute de préciser les circonstances susceptibles de justifier que le président de la formation de jugement prononce le huis clos. Toutefois, en se référant aux circonstances de l'affaire, le législateur a, compte tenu de la nature des litiges portés devant la Cour nationale du droit d'asile et des enjeux particuliers qu'ils présentent, notamment au regard de l'intimité et de la vie privée des personnes, de la sécurité et de la confidentialité, entendu permettre le prononcé du huis clos dans les seuls cas où la sauvegarde de l'ordre public, le respect de l'intimité des personnes ou des secrets protégés par la loi l'exigent. Dans ces conditions, le grief tiré de la méconnaissance, par le législateur, de sa compétence, dans des conditions portant atteinte au principe de publicité des audiences devant les juridictions administratives, garanti par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, et à l'égalité devant la justice doit être écarté.

Sur les articles L. 713-5 et L. 713-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

5. Aux termes de l'article L. 713-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur : " L'autorité judiciaire communique au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et au président de la Cour nationale du droit d'asile, sur demande ou d'office, tout élément recueilli au cours d'une instance civile ou d'une information criminelle ou correctionnelle, y compris lorsque celle-ci s'est terminée par un non-lieu, de nature à faire suspecter qu'une personne qui demande l'asile ou le statut d'apatride ou qui s'est vu reconnaître le statut de réfugié, le bénéfice de la protection subsidiaire ou le statut d'apatride relève de l'une des clauses d'exclusion mentionnées aux articles L. 711-3 et L. 712-2 du présent code ou à l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides ou d'un refus ou d'une fin de protection en application de l'article L. 711-6 du présent code ".

6. Si les dispositions de l'article L. 713-6 du code, qui concernent les cas de suspicion du caractère frauduleux d'une demande d'asile, ne sont pas applicables au litige, il n'en va pas de même de celles de son article L. 713-5, la Cour nationale du droit d'asile ayant refusé de faire droit à une demande de mesure d'instruction auprès de l'autorité judiciaire présentée par M. A..., à l'égard duquel une décision de fin de protection a été prise en application de l'article L. 711-6 du code.

7. Il appartient à la Cour nationale du droit d'asile, dans l'exercice de son pouvoir d'instruction, de rechercher, afin d'établir les faits sur lesquels reposera sa décision, l'ensemble des éléments d'information pertinents. Pour l'application de l'article L. 713-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permet à la Cour de solliciter l'autorité judiciaire en vue d'obtenir des informations recueillies dans le cadre de procédures civiles ou pénales, il incombe à l'autorité judiciaire de communiquer tous les éléments utiles et non les seuls éléments susceptibles de justifier l'application d'une clause d'exclusion ou une décision de refus ou de fin de protection, le cas échéant en complétant une première communication, de sa propre initiative, par tous éléments nouveaux de nature à éclairer utilement la Cour. Dans ces conditions, contrairement à ce que soutient M. A..., les dispositions litigieuses ne méconnaissent ni les droits de la défense, ni l'égalité devant la justice ni le droit à un procès équitable garantis par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

8. Il résulte de ce qui précède que les questions soulevées, qui ne sont pas nouvelles, ne présentent pas un caractère sérieux. Ainsi, il n'y a pas lieu de les renvoyer au Conseil constitutionnel.

D E C I D E :

--------------

Article 1 : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité soulevées par M. A...

Article 2 : La présente décision sera notifiée M. B... A... et à l'office français de protection des réfugiés et apatrides.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 439141
Date de la décision : 12/02/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- POSSIBILITÉ POUR LA CNDA DE SOLLICITER L'AUTORITÉ JUDICIAIRE EN VUE D'OBTENIR DES INFORMATIONS RECUEILLIES DANS LE CADRE DE PROCÉDURES CIVILES OU PÉNALES (ART - L - 713-5 DU CESEDA) - PORTÉE - AUTORITÉ JUDICIAIRE TENUE DE COMMUNIQUER TOUS LES ÉLÉMENTS UTILES ET NON LES SEULS ÉLÉMENTS SUSCEPTIBLES DE JUSTIFIER L'APPLICATION D'UNE CLAUSE D'EXCLUSION OU UNE DÉCISION DE REFUS OU DE FIN DE PROTECTION - CONSÉQUENCE - MÉCONNAISSANCE DES DROITS DE LA DÉFENSE - DE L'ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE ET DU DROIT À UN PROCÈS ÉQUITABLE (ART - 6 ET 16 DE LA DDHC) - ABSENCE.

095-08-02-02 Pour l'application de l'article L. 713-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), qui permet à la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) de solliciter l'autorité judiciaire en vue d'obtenir des informations recueillies dans le cadre de procédures civiles ou pénales, il incombe à l'autorité judiciaire de communiquer tous les éléments utiles, et non les seuls éléments susceptibles de justifier l'application d'une clause d'exclusion ou une décision de refus ou de fin de protection, le cas échéant en complétant une première communication, de sa propre initiative, par tous éléments nouveaux de nature à éclairer utilement la Cour.,,,Dans ces conditions, l'article L. 713-5 du CESEDA ne méconnaît ni les droits de la défense, ni l'égalité devant la justice ni le droit à un procès équitable garantis par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (DDHC).

- FACULTÉ DE TENIR L'AUDIENCE À HUIS CLOS (ART - L - 733-1-1 DU CESEDA) - INCOMPÉTENCE NÉGATIVE PORTANT ATTEINTE À LA PUBLICITÉ DES AUDIENCES ET À L'ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE (ART - 6 ET 16 DE LA DDHC) - FAUTE DE DÉFINIR LES CIRCONSTANCES DE NATURE À EXIGER UN HUIS CLOS - ABSENCE.

095-08-04-03-02 Article L. 733-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoyant la possibilité pour le président de la formation de jugement de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) de décider que l'audience aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public, si les circonstances de l'affaire l'exigent (…).,,,En se référant aux circonstances de l'affaire, le législateur a, compte tenu de la nature des litiges portés devant la CNDA et des enjeux particuliers qu'ils présentent, notamment au regard de l'intimité et de la vie privée des personnes, de la sécurité et de la confidentialité, entendu permettre le prononcé du huis clos dans les seuls cas où la sauvegarde de l'ordre public, le respect de l'intimité des personnes ou des secrets protégés par la loi l'exigent.... ,,Dans ces conditions, le grief tiré de la méconnaissance, par le législateur, de sa compétence, dans des conditions portant atteinte au principe de publicité des audiences devant les juridictions administratives, garanti par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (DDHC), et à l'égalité devant la justice doit être écarté.

PROCÉDURE - PROCÉDURE DEVANT LA CNDA - FACULTÉ DE TENIR L'AUDIENCE À HUIS CLOS (ART - L - 733-1-1 DU CESEDA) - INCOMPÉTENCE NÉGATIVE PORTANT ATTEINTE À LA PUBLICITÉ DES AUDIENCES ET À L'ÉGALITÉ DEVANT LA JUSTICE (ART - 6 ET 16 DE LA DDHC) - FAUTE DE DÉFINIR LES CIRCONSTANCES DE NATURE À EXIGER UN HUIS CLOS - ABSENCE.

54-10-05-04-02 Article L. 733-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoyant la possibilité pour le président de la formation de jugement de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) de décider que l'audience aura lieu ou se poursuivra hors la présence du public, si les circonstances de l'affaire l'exigent (…).,,,En se référant aux circonstances de l'affaire, le législateur a, compte tenu de la nature des litiges portés devant la CNDA et des enjeux particuliers qu'ils présentent, notamment au regard de l'intimité et de la vie privée des personnes, de la sécurité et de la confidentialité, entendu permettre le prononcé du huis clos dans les seuls cas où la sauvegarde de l'ordre public, le respect de l'intimité des personnes ou des secrets protégés par la loi l'exigent.... ,,Dans ces conditions, le grief tiré de la méconnaissance, par le législateur, de sa compétence, dans des conditions portant atteinte au principe de publicité des audiences devant les juridictions administratives, garanti par les articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 (DDHC), et à l'égalité devant la justice doit être écarté.


Publications
Proposition de citation : CE, 12 fév. 2021, n° 439141
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Bertrand Mathieu
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2021:439141.20210212
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