Vu la procédure suivante :
Mme E... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009. Par un jugement n° 1501449 du 17 octobre 2017, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 17LY04048 du 19 mars 2019, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par Mme B... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 20 mai et 20 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olivier Guiard, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme C... F..., rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de Mme E... B... ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B... a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle au titre des années 2007 à 2009. Eu égard aux discordances de balance de trésorerie évaluées lors de ce contrôle aux sommes de 105 861 euros au titre de l'année 2007, 103 552 euros au titre de l'année 2008 et 189 360 euros au titre de l'année 2009, le vérificateur lui a adressé deux demandes de justifications sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, avant de taxer d'office, en application de l'article L. 69 du même livre, diverses sommes portées au crédit de ses comptes bancaires. Mme B... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 mars 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête formée contre le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007, 2008 et 2009.
Sur le pourvoi :
2. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...). / Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur ". L'article L. 16 A du même livre dispose que : " Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. Lorsque le contribuable a répondu de manière insuffisante aux demandes d'éclaircissements et de justification, l'administration lui adresse une mise en demeure d'avoir à compléter sa réponse dans un délai de trente jours en précisant les compléments de réponse qu'elle souhaite ". Selon l'article L. 69 de ce livre : " (...) Sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ".
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsque l'administration a demandé des justifications à un contribuable sur le fondement de l'article L. 16, elle est fondée à l'imposer d'office, sans mise en demeure préalable, à raison des sommes au sujet desquelles il s'est abstenu de répondre dans le délai requis ou n'a apporté que des réponses imprécises ou invérifiables, sans les assortir d'éléments de justification. Pour les sommes au sujet desquelles il a apporté des éléments de réponse jugés insuffisants, l'administration est en revanche tenue de lui adresser, préalablement, la mise en demeure prévue par l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales, dont l'objet principal est d'informer le contribuable sur la nature exacte des précisions qui sont exigées de lui, sur le délai complémentaire de trente jours qui lui est imparti pour apporter ces précisions et sur les conséquences qui s'attacheraient à un défaut de réponse de sa part. Il en va ainsi quelle que soit la teneur des indications mentionnées par l'administration dans la demande de justifications notifiée au contribuable, dès lors que les garanties prévues par l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales complètent, sans se confondre avec elles, celles que le contribuable tire des dispositions de l'article L. 16 du même livre.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que l'administration a adressé à Mme B... les 11 octobre 2010 et 25 mars 2011 des demandes de justifications concernant respectivement ses revenus de l'année 2007 et des années 2008 et 2009. Avant de taxer d'office, sur le fondement de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, ceux de ces revenus dont l'origine demeurait indéterminée en dépit des réponses apportées par Mme B... les 9 décembre 2010 et 24 mai 2011, il est constant que l'administration n'a pas mis en demeure l'intéressée de compléter ses réponses. Pour juger que cette absence de mise en demeure n'avait pas privé Mme B..., dans les circonstances de l'espèce, des garanties instituées par l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales, la cour administrative d'appel de Lyon s'est fondée sur la circonstance que les indications précises de chacune des deux demandes de justifications lui avaient permis de mesurer en quoi ses éléments de réponse étaient insuffisants et de porter à sa connaissance les compléments de réponse attendus d'elle, lesquels ne nécessitaient pas d'investigations particulières. En se fondant ainsi sur la teneur des demandes de justifications adressées à Mme B... en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales pour juger que la requérante n'avait pas été privée des garanties attachées à l'envoi de la mise en demeure mentionnée à l'article L. 16 A du même livre, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de droit. Il suit de là que Mme B... est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
Sur le règlement au fond du litige :
6. En premier lieu, il ne résulte pas des dispositions de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, dans sa version applicable à la date des opérations de contrôle, qui sont opposables à l'administration en vertu de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, que le vérificateur était tenu, avant d'avoir recours à la procédure de demande de justifications prévue par les dispositions de l'article L. 16 du même livre, d'engager avec le contribuable un dialogue sur les discordances relevées par lui. Par ailleurs, la circonstance que deux formulaires de dons manuels ont été remis à Mme B... par le vérificateur le 5 octobre 2010 ne démontre pas que celui-ci se serait refusé à tout échange de vues sur l'origine des sommes portées au crédit de ses comptes bancaires, dès lors qu'il ressort du compte-rendu d'entretien établi le 11 octobre 2010 que la remise de ces documents a été suscitée par des propos tenus par la requérante elle-même, laquelle avait mentionné à l'occasion de ce second entretien avoir reçu des dons de M. D... A.... Mme B..., qui, avant de recevoir la proposition de rectification du 20 décembre 2010, a bénéficié d'un premier entretien le 25 août 2010, suivi d'un deuxième entretien le 5 octobre 2010, et qui ne s'est pas présentée à un troisième rendez-vous proposé par le vérificateur le 15 décembre 2010, n'est pas fondée, dans ces conditions, à soutenir qu'elle a été privée de tout dialogue contradictoire sur la nature et l'origine de ses crédits bancaires taxés d'office au titre de l'année 2007.
7. En second lieu, il résulte des dispositions citées au point 2 que lorsque l'administration a demandé à un contribuable des justifications, c'est-à-dire des documents, elle est fondée à l'imposer d'office, sans mise en demeure préalable, à raison des sommes au sujet desquelles il s'est abstenu de répondre ou n'a apporté que des réponses imprécises ou invérifiables, sans les assortir d'éléments de justification. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de la demande de justifications du 11 octobre 2010 relative à l'année 2007, Mme B... a justifié divers crédits bancaires mais s'est bornée à indiquer dans son courrier du 9 décembre 2010, s'agissant d'un montant global de 75 450 euros correspondant à deux remises de chèques et à une trentaine de versements en espèces, que ces crédits provenaient de prêts consentis par M. D... A..., sans assortir cette allégation du moindre document. En réponse à la demande du 24 mai 2011, Mme B... a également apporté des éléments d'explication regardés comme suffisants pour certains crédits bancaires par le vérificateur mais, à hauteur de 93 850 euros au titre de l'année 2008 et de 164 208 euros au titre de l'année 2009, elle s'est bornée à expliquer les discordances relevées par le service en évoquant une nouvelle fois des prêts consentis par M. A... et en indiquant qu'elle poursuivait ses recherches, s'agissant d'une remise de chèque présentée comme une restitution de dépôt de garantie. Compte tenu de l'absence de justifications jointes aux réponses ainsi apportées par la requérante et au caractère invérifiable de ses allégations, c'est à bon droit que l'administration les a assimilées à une absence de réponse et, par voie de conséquence, sans avoir mis en demeure Mme B... de compléter ses explications, a taxé d'office les sommes figurant au crédit de ses comptes bancaires dont l'origine demeurait indéterminée.
8. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 19 mars 2019 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par Mme B... devant la cour administrative d'appel de Lyon est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de Mme B... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme E... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.