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31/12/2020 | FRANCE | N°432679

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 31 décembre 2020, 432679


Vu la procédure suivante :

Le conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Ile-de-France et le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France ont porté plainte contre Mme A... B... devant la chambre de discipline du conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des pharmaciens. Par une décision du 19 juin 2017, la chambre de discipline a prononcé à l'encontre de Mme B... la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pour une durée de cinq ans.

Par une décision du 13 mai 2019, la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaci

ens a, sur l'appel de Mme B..., ramené la sanction prononcée contre elle...

Vu la procédure suivante :

Le conseil régional de l'ordre des pharmaciens d'Ile-de-France et le directeur général de l'agence régionale de santé d'Ile-de-France ont porté plainte contre Mme A... B... devant la chambre de discipline du conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des pharmaciens. Par une décision du 19 juin 2017, la chambre de discipline a prononcé à l'encontre de Mme B... la sanction de l'interdiction d'exercer la pharmacie pour une durée de cinq ans.

Par une décision du 13 mai 2019, la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens a, sur l'appel de Mme B..., ramené la sanction prononcée contre elle à une interdiction d'exercice d'une durée de trois ans, assortie d'un sursis de 6 mois et a fixé les dates d'exécution de cette sanction du 1er septembre 2019 au 28 février 2022.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 juillet et 1er août 2019 et le 27 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette décision ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge du conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des pharmaciens la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- l'arrêté du 1er août 1991 relatif au nombre de pharmaciens dont les titulaires d'officine doivent se faire assister en raison de l'importance de leur chiffre d'affaires ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat de Mme B... et à la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat du Conseil national de l'ordre des pharmaciens.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, sur deux plaintes émanant respectivement du conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des pharmaciens et du directeur de l'Agence régionale de santé d'Ile-de-France, la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens a, par une décision du 13 mai 2019, infligé à Mme B..., pharmacienne d'officine, la sanction de l'interdiction d'exercer sa profession pour une durée de trois ans, dont six mois avec sursis. Mme B... se pourvoit en cassation contre cette décision.

2. Si Mme B... soutient, en premier lieu, que la décision qu'elle attaque est irrégulière faute de comporter la signature du greffier d'audience exigée par les dispositions de l'article R. 4126-29 du code de la santé publique, ces dispositions ne sont pas applicables aux décisions de la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, dont la procédure, régie par l'article R. 4234-24 du même code, prévoit seulement la signature du président de la chambre de discipline. Par ailleurs, le moyen tiré de l'absence de signature de ce dernier manque en fait.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 5125-40 du code de la santé publique : " En cas de condamnation à une interdiction d'exercer la pharmacie en application de l'article L. 4234-6, le remplacement du pharmacien titulaire prévu à l'article L. 5125-21, ne peut être assuré que dans les conditions prévues au a du 1° de l'article R. 5125-39. " Aux termes du 1° de l'article R. 5125-39 : " Le remplacement d'un pharmacien titulaire d'une officine autre que celles mentionnées à l'article L. 5125-19 est effectué dans les conditions suivantes : / 1° Pour une absence comprise entre quatre mois et un an, le remplacement peut être effectué : / a) Par un pharmacien inscrit au tableau de la section D de l'ordre national des pharmaciens et n'ayant pas d'autre activité professionnelle pendant la durée du remplacement ; / (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'alors qu'elle faisait l'objet d'une précédente sanction d'interdiction d'exercer sa profession pour une durée de trois mois, et en vue de se faire remplacer, ainsi que le permettent les dispositions, citées ci-dessus, de l'article R. 5125-40 du code de la santé publique, Mme B... a recruté du 1er au 15 juillet 2014 une pharmacienne dont il est constant qu'elle ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions, également citées ci-dessus, de l'article R. 5125-39 du même code. En jugeant que ce comportement était constitutif d'une faute, la chambre de discipline a, alors même que la période en cause était brève et qu'il n'aurait pas été porté préjudice aux clients de l'officine, exactement qualifié les faits qui lui étaient soumis. Mme B... ne saurait, par ailleurs, utilement se prévaloir, pour s'exonérer du caractère fautif de son comportement, de ce qu'un retard des services du conseil central de la section D de l'ordre des pharmaciens l'aurait empêchée d'organiser un remplacement régulier.

5. En troisième lieu, aux termes du dernier alinéa de l'article L. 5125-20 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable : " Un arrêté du ministre chargé de la santé fixe, après avis du Conseil national de l'ordre des pharmaciens, le nombre des pharmaciens dont les titulaires d'officine doivent se faire assister en raison de l'importance de leur chiffre d'affaires. " Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 1 août 1991 relatif au nombre de pharmaciens dont les titulaires d'officine doivent se faire assister en raison de l'importance de leur chiffre d'affaires, pris pour l'application de ces dispositions : " Le nombre de pharmaciens dont les titulaires d'officine doivent se faire assister en raison de l'importance de leur chiffre d'affaires annuel est fixé : / - à un pharmacien adjoint pour un chiffre d'affaires annuel hors taxe à la valeur ajoutée compris entre 1 300 000 et 2 600 000 euros ". Aux termes de l'article 7 du même arrêté : " Les pharmaciens titulaires d'officine devront déclarer, en fin de chaque exercice et au plus tard au 30 avril de chaque année, leur chiffre d'affaires annuel global hors taxe à la valeur ajoutée au directeur général de l'agence régionale de santé ". Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment de la déclaration annuelle de chiffre d'affaires hors taxe effectuée auprès de l'agence régionale de santé par Mme B..., que le chiffre d'affaires de son officine s'élevait, pour l'exercice courant du 1er juillet 2012 au 30 juin 2013 à 1 489 462 euros. Par suite, la chambre disciplinaire nationale a pu, sans irrégularité, s'abstenir d'ordonner une mesure supplémentaire d'instruction destinée à établir ce chiffre. Elle a pu ensuite, sans erreur de droit et par une décision suffisamment motivée sur ce point, juger qu'il résultait de ce chiffre d'affaires que Mme B... devait se faire assister d'un pharmacien adjoint à temps plein au cours de la période du 1er au 10 août 2014, la circonstance qu'elle ait par erreur indiqué qu'elle se référait à l'exercice 2011-2012 étant, à cet égard, sans incidence. Enfin, en en déduisant que le fait, pour Mme B..., de s'être fait assister par un pharmacien adjoint à temps partiel pendant cette même période présentait un caractère fautif, elle a exactement qualifié les faits de l'espèce.

6. En quatrième lieu, en estimant que Mme B... avait procédé, pendant une période qui n'était pas une période de remplacement, à des facturations anormales par rapport aux achats de plusieurs spécialités pharmaceutiques soumises à la législation sur les substances vénéneuses, la chambre de discipline s'est livrée à une appréciation souveraine et exempte de dénaturation des faits qui lui étaient soumis. En jugeant ces facturations fautives au regard des article R. 4235-9 et R. 4235-12 du code de la santé publique, elle a exactement qualifié les faits.

7. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 4235-61 du code de la santé publique : " Lorsque l'intérêt de la santé du patient lui paraît l'exiger, le pharmacien doit refuser de dispenser un médicament. Si ce médicament est prescrit sur une ordonnance, le pharmacien doit informer immédiatement le prescripteur de son refus et le mentionner sur l'ordonnance ". En estimant, ainsi qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée, que Mme B... ne contestait pas avoir sciemment délivré une spécialité anticancéreuse à une patiente selon une posologie différente de celle figurant sur l'ordonnance, la chambre de discipline s'est livrée à une appréciation souveraine et exempte de dénaturation des pièces du dossier qui lui était soumis. En en déduisant que cette délivrance était fautive au regard des dispositions citées ci-dessus, alors même que la patiente concernée s'était plainte à Mme B... de ne pas supporter la posologie prescrite, elle a exactement qualifié les faits de l'espèce et n'a pas commis d'erreur de droit.

8. Enfin, compte tenu notamment du caractère réitéré de ses manquements aux dispositions relatives au remplacement des pharmaciens d'officine, sur le fondement desquelles l'intéressée avait déjà été sanctionnée, à l'existence de facturations anormales d'un grand nombre de spécialités pharmaceutiques et à la gravité d'une modification délibérée de la posologie d'une spécialité anticancéreuse, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la sanction prononcée par la chambre de discipline du Conseil national de l'ordre des pharmaciens serait hors de proportion avec les fautes reprochées.

9. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de Mme B... doit être rejeté, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de Mme B... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme A... B..., au conseil régional d'Ile-de-France de l'ordre des pharmaciens et à l'agence régionale de santé d'Ile-de-France.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 432679
Date de la décision : 31/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 31 déc. 2020, n° 432679
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : SCP THOUIN-PALAT, BOUCARD ; SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:432679.20201231
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