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31/12/2020 | FRANCE | N°428297

France | France, Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 31 décembre 2020, 428297


Vu la procédure suivante :

La SCI Calme a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer le report des déficits constatés à la clôture de l'exercice 2009. Par un jugement n° 1601086 du 16 octobre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17MA04833 du 21 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la SCI Calme contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 22 mai 2019 au secrétariat du contentieux du C

onseil d'Etat, la SCI Calme demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;
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Vu la procédure suivante :

La SCI Calme a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer le report des déficits constatés à la clôture de l'exercice 2009. Par un jugement n° 1601086 du 16 octobre 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17MA04833 du 21 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la SCI Calme contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 février et 22 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI Calme demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Cécile Viton, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Céline Guibé, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de la SCI Calme ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité dont a fait l'objet la SCI Calme, qui possède un bien immobilier à Prades (Pyrénées-Orientales) donné en location à une société qui y exploite un fonds de commerce de gîtes et tables d'hôtes, l'administration fiscale a remis en cause l'application du régime d'imposition des sociétés de personnes pour soumettre cette société, au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, à l'impôt sur les sociétés en raison de son objet commercial. Après avoir demandé en vain à l'administration fiscale la prise en compte du déficit constaté à la clôture de l'exercice 2009 sur les résultats du premier exercice soumis à l'impôt sur les sociétés, la SCI Calme a saisi le tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande. Elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 21 décembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel contre ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " (...) en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice (...) ".

3. D'autre part, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Pour l'application des dispositions de l'article 209 du code général des impôts citées au point 2, il appartient, dès lors, au contribuable de justifier l'existence d'un déficit reportable et son montant. Il s'acquitte de cette obligation par la production d'une comptabilité régulière et probante ou, à défaut, par toute autre preuve extracomptable suffisamment probante. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation en produisant une comptabilité, il incombe alors à l'administration, si elle s'y croit fondée, soit de critiquer les écritures ayant conduit à la constatation d'un déficit, soit de demander au contribuable de justifier de la régularité de ces écritures. Il appartient alors au juge de l'impôt d'apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, dans le cadre du débat contradictoire devant la cour administrative d'appel, la SCI Calme a, en réponse aux critiques formulées par le ministre qui lui reprochait de ne pas justifier du déficit qu'elle invoquait, produit des documents comptables se rapportant à la période allant de 2003 à 2011, qui n'ont pas été critiqués en réplique par le ministre. En jugeant que la SCI Calme ne justifiait pas de l'existence et du montant des déficits en litige au seul motif qu'elle n'avait pas assorti ces documents comptables de justifications des écritures comptables qu'ils retraçaient et de précisions sur l'origine des déficits, la cour a méconnu les règles de preuve rappelées au point 3 et a, par suite, commis une erreur de droit. Dès lors, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen du pourvoi, la SCI Calme est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, une somme de 3 000 euros à verser à la SCI Calme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt du 21 décembre 2018 de la cour administrative d'appel de Marseille est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Marseille.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la SCI Calme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SCI Calme et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 9ème - 10ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 428297
Date de la décision : 31/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - RÈGLES GÉNÉRALES - IMPÔT SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS ET AUTRES PERSONNES MORALES - DÉTERMINATION DU BÉNÉFICE IMPOSABLE - IMPUTATION D'UN DÉFICIT ANTÉRIEUR REPORTABLE SUR LE BÉNÉFICE NET DE L'EXERCICE - CHARGE DE LA PREUVE PESANT - SAUF LOI CONTRAIRE - SUR LE CONTRIBUABLE [RJ1] - 1) A) OBLIGATIONS PESANT SUR LE CONTRIBUABLE - JUSTIFICATION DE L'EXISTENCE D'UN DÉFICIT REPORTABLE ET DE SON MONTANT [RJ2] - B) MOYENS DE PREUVE [RJ3] - 2) OBLIGATIONS PESANT - LE CAS ÉCHÉANT - SUR L'ADMINISTRATION [RJ4].

19-04-01-04-03 En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.,,,1) a) Pour l'application des dispositions de l'article 209 du code général des impôts (CGI) selon lesquelles, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice, il appartient, dès lors, au contribuable de justifier l'existence d'un déficit reportable et son montant.,,,b) Il s'acquitte de cette obligation par la production d'une comptabilité régulière et probante ou, à défaut, par toute autre preuve extracomptable suffisamment probante.,,,2) Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation en produisant une comptabilité, il incombe alors à l'administration, si elle s'y croit fondée, soit de critiquer les écritures ayant conduit à la constatation d'un déficit, soit de demander au contribuable de justifier de la régularité de ces écritures.,,,Il appartient alors au juge de l'impôt d'apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPÔTS SUR LES REVENUS ET BÉNÉFICES - REVENUS ET BÉNÉFICES IMPOSABLES - RÈGLES PARTICULIÈRES - BÉNÉFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - ÉTABLISSEMENT DE L'IMPÔT - BÉNÉFICE RÉEL - QUESTIONS CONCERNANT LA PREUVE - IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS - IMPUTATION D'UN DÉFICIT ANTÉRIEUR REPORTABLE SUR LE BÉNÉFICE NET DE L'EXERCICE - CHARGE DE LA PREUVE PESANT - SAUF LOI CONTRAIRE - SUR LE CONTRIBUABLE [RJ1] - 1) A) OBLIGATIONS PESANT SUR LE CONTRIBUABLE - JUSTIFICATION DE L'EXISTENCE D'UN DÉFICIT REPORTABLE ET DE SON MONTANT [RJ2] - B) MOYENS DE PREUVE [RJ3] - 2) OBLIGATIONS PESANT - LE CAS ÉCHÉANT - SUR L'ADMINISTRATION [RJ4].

19-04-02-01-06-01-04 En vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci.,,,1) a) Pour l'application des dispositions de l'article 209 du code général des impôts (CGI) selon lesquelles, en cas de déficit subi pendant un exercice, ce déficit est considéré comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant ledit exercice, il appartient, dès lors, au contribuable de justifier l'existence d'un déficit reportable et son montant.,,,b) Il s'acquitte de cette obligation par la production d'une comptabilité régulière et probante ou, à défaut, par toute autre preuve extracomptable suffisamment probante.,,,2) Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation en produisant une comptabilité, il incombe alors à l'administration, si elle s'y croit fondée, soit de critiquer les écritures ayant conduit à la constatation d'un déficit, soit de demander au contribuable de justifier de la régularité de ces écritures.,,,Il appartient alors au juge de l'impôt d'apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Section, 20 juin 2003, Société Etablissements Lebreton - Comptoir général de peintures et annexes, n° 232832, p. 273 ;

CE, 21 mai 2007, Min. c/ Sté Sylvain Joyeux, n° 284719, p. 212.,,

[RJ2]

Cf. CE, 6 janvier 1984, S.A.R.L. Le restaurant rose, n° 36659, inédite au Recueil ;

CE, 11 janvier 1993, SA Georges Best (aux droits de la société Merlet), n°s 78985 78986, aux Tables sur d'autres points.,,

[RJ3]

Cf. CE, 31 octobre 1984, SA Interparc, n°s 23117 35965, aux Tables sur d'autres points.,,

[RJ4]

Cf., en cas de production d'une comptabilité régulière, CE, 7 janvier 1985, SARL Le vrai produit breton, n° 42202, aux Tables sur d'autres points.


Publications
Proposition de citation : CE, 31 déc. 2020, n° 428297
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Cécile Viton
Rapporteur public ?: Mme Céline Guibé
Avocat(s) : SCP BUK LAMENT - ROBILLOT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:428297.20201231
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