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30/12/2020 | FRANCE | N°428053

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 30 décembre 2020, 428053


Vu la procédure suivante :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de réformer l'ordonnance du 20 janvier 2016 par laquelle le président du tribunal administratif de Montpellier a mis à sa charge les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés le 10 juillet 2015, liquidés et taxés à la somme de 1 320 euros. Sa requête a été transmise au tribunal administratif de Nîmes en application des dispositions de l'article R. 761-4 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600713 du 29 septembre 2016, le tribunal administratif

de Nîmes, auquel la demande de M. C... a été transmise en application de l'a...

Vu la procédure suivante :

M. F... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de réformer l'ordonnance du 20 janvier 2016 par laquelle le président du tribunal administratif de Montpellier a mis à sa charge les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés le 10 juillet 2015, liquidés et taxés à la somme de 1 320 euros. Sa requête a été transmise au tribunal administratif de Nîmes en application des dispositions de l'article R. 761-4 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600713 du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes, auquel la demande de M. C... a été transmise en application de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, a ramené le montant des frais d'expertise à la somme de 1 300 euros.

Par un arrêt n° 16MA04266 du 14 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 février et 15 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de M. D..., expert, la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de justice administrative, l'ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... E..., auditrice,

- les conclusions de M. Frédéric Dieu, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Boulloche, avocat de M. C... et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une ordonnance du 10 juillet 2015, le président du tribunal administratif de Montpellier a désigné M. D... comme expert avec mission de se prononcer sur la qualité de la prise en charge de la mère de M. C... par l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes les Cascades à Béziers et de déterminer les causes de son décès. Par une ordonnance du 20 janvier 2016, le président du tribunal administratif de Montpellier a taxé à la somme de 1 320 euros les frais et honoraires de l'expertise, mise à la charge de M. C.... Par un jugement du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de Nîmes, faisant partiellement droit à la requête de M. C..., a ramené le montant des frais et honoraires de l'expertise à la somme de 1 300 euros. Par l'arrêt attaqué du 14 décembre 2018, la cour administrative de Marseille a rejeté l'appel de M. C... contre ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-11 du code de justice administrative : " Les requêtes et les mémoires doivent, à peine d'irrecevabilité, être présentés soit par un avocat, soit par un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ". L'article R. 811-7 du même code dispose par ailleurs que " (...) lorsque la notification de la décision soumise à la cour administrative d'appel ne comporte pas la mention prévue au deuxième alinéa de l'article R. 751-5, le requérant est invité par la cour à régulariser sa requête ". Il résulte du deuxième alinéa de l'article R. 751-5 que " Lorsque la décision rendue relève de la cour administrative d'appel (...), la notification mentionne que l'appel ne peut être présenté que par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 ". Il en résulte qu'en principe, un mémoire présenté sans avocat devant la cour administrative d'appel, alors que son auteur a été informé par le courrier de notification de la décision rendue en première instance de l'obligation de constituer avocat, est irrecevable.

3. Il résulte des pièces de la procédure devant les juges du fond que M. D... a produit le 17 janvier 2017, sans avoir constitué avocat, un mémoire en défense tendant au rejet de l'appel de M. C... alors qu'il résulte des termes de la notification du jugement du tribunal administratif de Nîmes, reçue le 30 septembre 2016, qu'il avait été informé de l'obligation de constituer avocat en appel. Dès lors, ce mémoire en défense était irrecevable. Par suite, la cour administrative d'appel de Marseille n'a commis aucune irrégularité en s'abstenant de le communiquer à M. C....

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la présidente du tribunal administratif de Montpellier a présenté des " observations ", par lesquelles elle s'est bornée à indiquer " s'en remettre à la sagesse de la cour administrative ". Cette circonstance ne peut, en tout état de cause, être regardée comme ayant pu avoir une influence sur l'issue du litige. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que cet arrêt a été rendu au terme d'une procédure irrégulière, faute de communication à son égard de ces observations.

6. En troisième lieu, si l'article R. 221-9 du code de justice administrative dispose qu'" il est établi, chaque année, par le président de la cour administrative d'appel, un tableau des experts auprès de la cour et des tribunaux administratifs du ressort, selon une nomenclature arrêtée par le vice-président du Conseil d'Etat correspondant aux domaines d'activité dans lesquels les juridictions administratives sont susceptibles de recourir à une expertise. ", et si, aux termes de l'article R. 621-2 du même code, " le président du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel, selon le cas, (...) choisit les experts parmi les personnes figurant sur l'un des tableaux établis en application de l'article R. 221-9 ", ces dispositions n'ont ni pour objet ni pour effet d'instaurer entre les experts et la juridiction auprès de laquelle ils sont placés un lien de nature à entacher l'impartialité de la juridiction lorsqu'elle est amenée, afin de taxer et liquider les frais d'une expertise, à porter une appréciation, notamment, sur l'utilité et la nature du travail fourni par l'expert. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que la cour administrative d'appel de Marseille ne pouvait régulièrement statuer sur la requête de M. C... tendant à la contestation de l'ordonnance de taxation d'une mesure d'expertise réalisée par un expert placé auprès d'elle, sans méconnaître les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En quatrième lieu, il n'appartient pas au président de juridiction, taxant et liquidant les frais d'une expertise par décision administrative sur le fondement de l'article R. 621-11 du code de justice administrative, ni au juge saisi d'un recours contre cette ordonnance, de se prononcer sur la régularité de l'expertise. Il leur incombe toutefois, dans l'appréciation portée sur l'utilité et la nature du travail fourni par l'expert, de prendre en considération, le cas échéant, les décisions juridictionnelles rendues sur une action en récusation de l'expert ou statuant au fond sur le litige ayant donné lieu à l'expertise. Par suite, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que, faute de décision juridictionnelle intervenue sur une demande de récusation de l'expert ou au fond, M. C... ne pouvait demander à être déchargé de toute condamnation au paiement des frais et honoraires de l'expertise au motif qu'elle n'aurait pas été réalisée contradictoirement.

8. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 611-11 du code de justice administrative : " Les experts et sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours. / Chacun d'eux joint au rapport un état de ses vacations, frais et débours. / Dans les honoraires sont comprises toutes sommes allouées pour étude du dossier, frais de mise au net du rapport, dépôt du rapport et, d'une manière générale, tout travail personnellement fourni par l'expert ou le sapiteur et toute démarche faite par lui en vue de l'accomplissement de sa mission. / Le président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement, ou, au Conseil d'Etat, le président de la section du contentieux fixe par ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 761-4, les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert ou le sapiteur et des diligences mises en oeuvre pour respecter le délai mentionné à l'article R. 621-2. Il arrête sur justificatifs le montant des frais et débours qui seront remboursés à l'expert. " Il appartient au juge de vérifier, au regard de ces dispositions, la nature des travaux effectivement réalisés par l'expert et de s'assurer que les honoraires qui ont pour objet de les rémunérer ainsi que le remboursement des frais et débours auxquels ils donnent droit sont fixés en fonction de leur difficulté, de leur importance et de leur utilité. En jugeant en l'espèce, au vu des travaux réalisés, notamment de la convocation des parties à une réunion d'expertise ainsi que de l'établissement et de la communication d'un rapport d'expertise dactylographié comportant trente-neuf pages, que M. C... ne démontrait pas que la somme forfaitaire de cent euros allouée à l'expert au titre de ses frais de secrétariat serait excessive, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé sa décision, n'a ni commis d'erreur de droit, ni dénaturé les pièces du dossier, ni méconnu son office en s'abstenant de demander à l'expert des justificatifs détaillés de ses frais de secrétariat.

9. Enfin, en sixième lieu, la cour administrative d'appel, qui a suffisamment motivé son arrêt, n'a ni inexactement qualifié les faits ni dénaturé les pièces du dossier en jugeant, après avoir relevé que le rapport d'expertise répondait de manière précise et argumentée à chacun des chefs de la mission assignée à l'expert, que M. C... n'était pas fondé à soutenir que l'expert n'aurait pas exécuté sa mission. Par suite, ces moyens seront écartés.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi de M. C... doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme de 3 500 euros à verser à M. D..., au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. C... est rejeté.

Article 2 : M. C... versera à M. D... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. F... C... et à M. B... D....


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 428053
Date de la décision : 30/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 30 déc. 2020, n° 428053
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Yaël Treille
Rapporteur public ?: M. Frédéric Dieu
Avocat(s) : SCP BOULLOCHE ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Date de l'import : 08/01/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:428053.20201230
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