Vu la procédure suivante :
La société Antarès a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Paris, sur le fondement des articles L. 551-1 et suivants du code de justice administrative, d'une part, d'annuler la décision par laquelle la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France a rejeté son offre et attribué à la société Infodis le marché de prestation d'infogérance d'un centre d'appels et d'assistance téléphonique aux utilisateurs et du support informatique de proximité et, d'autre part, d'enjoindre à la chambre de commerce et d'industrie de reprendre la procédure au stade de l'examen des offres et de procéder à un nouvel examen de l'offre qu'elle a présentée dans des conditions régulières.
Par une ordonnance n° 2001560/3-5 du 24 février 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Paris a fait droit à sa demande.
Par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 10 mars et 25 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) statuant en référé, de rejeter la demande de la société Antarès ;
3°) de mettre à la charge de la société Antarès la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour la procédure suivie devant le Conseil d'Etat et devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative et le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Didier Ribes, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Mireille Le Corre, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Antares ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un avis d'appel public à la concurrence publié au Bulletin officiel des annonces des marchés publics, la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France (CCIR) a lancé un appel d'offres en vue de la conclusion d'un accord-cadre en matière de prestation d'infogérance d'un centre d'appels et d'assistance téléphonique aux utilisateurs et d'un support de proximité pour une durée d'un an, reconductible trois fois. Dans le cadre de cette procédure, les candidats devaient prévoir, en plus de l'offre de base, une prestation supplémentaire éventuelle (PSE) liée notamment à la mise en oeuvre, à l'acquisition et aux redevances de licences d'un nouvel outil de gestion informatique ITSM en ligne (outil de gestion informatique). Cinq candidats, dont la société Antarès, ont présenté une offre. Par un courrier du 17 janvier 2020, la CCIR a informé la société Antarès du rejet de son offre comme irrégulière au motif que la prestation supplémentaire éventuelle " proposée par le candidat n'est pas chiffrée dans tous les éléments attendus, elle ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation. / En effet, le candidat Antarès a proposé un prix pour une volumétrie dite 'volumétrie actuelle' non définie contractuellement alors que les documents de la consultation exigeaient un prix par tranche de quantité ". Par ce même courrier, la CCIR l'a informée de l'attribution du marché à la société Infodis. Par une ordonnance du 24 février 2020 contre laquelle la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France se pourvoit en cassation, le juge des référés a annulé, à la demande de la société Antarès, les décisions par lesquelles la CCIR a rejeté son offre et attribué le marché à la société Infodis et a enjoint à la chambre, si elle entendait poursuivre la passation du contrat, de reprendre la procédure au stade de l'analyse des offres, en y intégrant l'offre de la société Antarès.
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 2152-1 du code de la commande publique : " L'acheteur écarte les offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées ". L'article L. 2152-2 du même code précise qu'une offre irrégulière est " une offre qui ne respecte pas les exigences formulées dans les documents de la consultation, en particulier parce qu'elle est incomplète, ou qui méconnaît la législation applicable notamment en matière sociale et environnementale ". L'article R. 2152-2 dispose : " Dans toutes les procédures, l'acheteur peut autoriser tous les soumissionnaires concernés à régulariser les offres irrégulières dans un délai approprié, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses. / La régularisation des offres irrégulières ne peut avoir pour effet d'en modifier des caractéristiques substantielles ". L'article R. 2165-5 du même code prévoit que " l'acheteur ne peut négocier avec les soumissionnaires. Il lui est seulement possible de leur demander de préciser la teneur de leur offre ".
3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés et des énonciations de l'ordonnance attaquée qu'en vertu de l'article 5.2 du règlement de consultation : " En sus de la solution de base, les candidats doivent impérativement présenter la Prestation supplémentaire éventuelle exigée par le pouvoir adjudicateur et définie ci-après, sous peine d'irrégularité de leur offre : Prestation supplémentaire éventuelle : Prestations liées à la mise en oeuvre, à l'acquisition et redevance des licences, formation de l'outil ITSM proposé par le candidat. Il s'agit d'une prestation supplémentaire que le pouvoir adjudicateur se réserve le droit de retenir au moment de l'attribution de l'accord-cadre. Cette prestation supplémentaire éventuelle est obligatoire. Les soumissionnaires sont obligés de la chiffrer dans l'onglet dédié à la PSE dans le cadre financier, et ce, en complément de l'offre de base ". La société Antarès a remis, à l'appui de son offre, un bordereau des prix unitaires et un détail quantitatif estimatif dont les cases relatives aux prix des licences pour la PSE indiquaient des prix unitaires et totaux de zéro euro pour chacune des tranches de quantité de licences demandées. A la suite d'une première demande de complément puis d'une nouvelle demande de précision adressées par la CCIR, la société a maintenu son prix de zéro euro pour les licences en précisant qu'en cas de migration sur l'outil Ivanti Service Manager, la CCIR n'aurait pas à payer de licences pour l'utilisation de cet outil.
4. En jugeant que la seule référence, dans la réponse de la société, à la volumétrie des licences actuelles du marché n'avait pu, dans les circonstances de l'espèce et compte tenu de l'ensemble des réponses apportées par la société Antarès, créer une ambiguïté sur le prix de zéro euro proposé pour les licences dans le cadre de la PSE et en déduisant que l'offre de la société ne pouvait être regardée comme irrégulière, le juge des référés n'a entaché son ordonnance ni d'une erreur de droit, ni d'une dénaturation des pièces du dossier.
5. En second lieu, après avoir jugé que l'offre de la société Antarès était dénuée d'ambiguïté, le juge des référés a relevé, par un motif surabondant, qu'en réponse à une mesure d'instruction qu'il avait ordonnée, la société avait confirmé que le prix de zéro euro indiqué par tranches de licences dans son offre serait maintenu en cas d'augmentation du volume des licences dans le cadre de la PSE pouvant être mise en oeuvre dans le nouveau marché. Il s'ensuit que la CCIR n'est pas fondée à soutenir que le juge des référés aurait, en diligentant une telle mesure qui, selon elle, s'apparente à une demande de régularisation de l'offre de la société Antarès, entaché son ordonnance d'une erreur de droit, d'une méconnaissance de son office et d'une irrégularité.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Antarès qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France le versement à la société Antarès d'une somme de 3 000 euros au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France est rejeté.
Article 2 : La chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France versera à la société Antarès une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France et à la société Antarès.
Copie en sera adressée à la société Infodis.