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10/12/2020 | FRANCE | N°432641

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 10 décembre 2020, 432641


Vu la procédure suivante :

Le préfet de la Charente-Maritime a déféré au tribunal administratif de Poitiers l'arrêté du 9 mai 2016 par lequel le maire de Saint-Clément-des-Baleines a accordé un permis de construire à Mme D... B... pour la construction d'une maison d'habitation. Par un jugement n° 1601651 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ce déféré.

Par un arrêt n° 17BX00462 du 14 mai 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le préfet de la Charente-Maritime contre ce jugement.

Par un

pourvoi, enregistré le 15 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Eta...

Vu la procédure suivante :

Le préfet de la Charente-Maritime a déféré au tribunal administratif de Poitiers l'arrêté du 9 mai 2016 par lequel le maire de Saint-Clément-des-Baleines a accordé un permis de construire à Mme D... B... pour la construction d'une maison d'habitation. Par un jugement n° 1601651 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ce déféré.

Par un arrêt n° 17BX00462 du 14 mai 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par le préfet de la Charente-Maritime contre ce jugement.

Par un pourvoi, enregistré le 15 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à l'appel du préfet.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme C... A..., maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la commune de Saint-Clément-des-Baleines.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le maire de Saint-Clément-des-Baleines a, par un arrêté du 9 mai 2016, délivré à Mme B... un permis de construire une maison d'habitation de 170 m² au sol avec un garage et une clôture. Par un jugement du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté le déféré du préfet de la Charente-Maritime formé contre cet arrêté. Par un arrêt du 14 mai 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel du préfet de la Charente-Maritime tendant à l'annulation de ce jugement. La ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ".

3. En vertu de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, l'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles, en particulier pour les inondations, qui ont notamment pour objet de délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de leur nature et de leur intensité, d'y interdire les constructions ou la réalisation d'aménagements ou d'ouvrages ou de prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités. L'article L. 562-4 du même code précise que " le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan d'occupation des sols, conformément à l'article L. 126-1 du code de l'urbanisme (...) ".

4. Les prescriptions d'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, destinées notamment à assurer la sécurité des personnes et des biens exposés aux risques en cause et valant servitude d'utilité publique, s'imposent directement aux autorisations de construire, sans que l'autorité administrative soit tenue de reprendre ces prescriptions dans le cadre de la délivrance du permis de construire. Il incombe à l'autorité compétente pour délivrer une autorisation d'urbanisme de vérifier que le projet respecte les prescriptions édictées par le plan de prévention et, le cas échéant, de préciser dans l'autorisation les conditions de leur application. Si les particularités de la situation l'exigent et sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d'une nouvelle demande, il peut subordonner la délivrance du permis de construire sollicité à des prescriptions spéciales, s'ajoutant aux prescriptions édictées par le plan de prévention dans cette zone, si elles lui apparaissent nécessaires pour assurer la conformité de la construction aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Ce n'est que dans le cas où l'autorité compétente estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation d'espèce qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation de construire est sollicitée, y compris d'éléments déjà connus lors de l'élaboration du plan de prévention des risques naturels, qu'il n'est pas légalement possible d'accorder le permis en l'assortissant de prescriptions permettant d'assurer la conformité de la construction aux dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, qu'elle peut refuser, pour ce motif, de délivrer le permis.

5. Pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement des dispositions de l'article R. 111- 2 du code de l'urbanisme, il appartient à l'autorité compétente en matière d'urbanisme, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. Pour l'application de cet article en matière de risque de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ce risque de submersion en prenant en compte les caractéristiques de la zone du projet et de la construction projetée.

6. L'arrêt attaqué retient que l'arrêté contesté n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions citées ci-dessus de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme compte tenu de la situation et de la configuration du projet ainsi que des risques de submersion connus, notamment à la suite des études réalisées à la suite de la tempête Xynthia. Il ressort toutefois des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le terrain d'assiette du projet, situé à proximité de la mer, est soumis à un risque de submersion marine d'environ 1,44 mètres et que les données scientifiques déjà connues au moment de la délivrance du permis de construire ont justifié le classement ultérieur du terrain du projet en zone inconstructible dans le plan de prévention des risques naturels prévisibles révisé. Si, ainsi que l'a relevé la cour, le projet prévoit un remblaiement de l'ensemble du terrain pour une hauteur de 60 cm ainsi que l'aménagement d'un vide sanitaire sous la construction d'une hauteur de 60 cm, il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que le terrain d'assiette est situé en zone d'aléa très fort à court et long terme, que la voie d'accès est soumise à un risque de submersion marine d'environ 1,30 mètre avec une vitesse d'écoulement des eaux pouvant atteindre 0,5 mètre par seconde, susceptible d'être encore accélérée par l'effet de la construction projetée, d'une surface au sol de 170 m², ainsi que cela a été illustré lors de la tempête Xynthia dans des zones proches et comparables. Ainsi, en estimant, en dépit de ces éléments, que le maire de Saint-Clément-des-Baleines n'avait pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions citées plus haut de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, la cour administrative d'appel de Bordeaux a entaché son arrêt d'une dénaturation des pièces du dossier. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales est fondée à demander l'annulation de l'arrêt du 14 mai 2019.

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 14 mai 2019 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Bordeaux.

Article 3 : Les conclusions présentées par Mme B... et par la commune de Saint-Clément-des-Baleines au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à la commune de Saint-Clément-des-Baleines et à Mme D... B....


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 10 déc. 2020, n° 432641
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine Calothy
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Formation : 6ème chambre
Date de la décision : 10/12/2020
Date de l'import : 15/12/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 432641
Numéro NOR : CETATEXT000042659643 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-12-10;432641 ?
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