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14/05/2019 | FRANCE | N°17BX00462

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre - formation à 3, 14 mai 2019, 17BX00462


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 9 mai 2016 par lequel le maire de la commune de Saint-Clément-des-Baleines a accordé un permis de construire à Mme E...pour la construction d'une maison d'habitation avec un garage accolé et une clôture.

Par un jugement n° 1601651 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés

le 9 février 2017 et le 11 août 2017, le préfet de la Charente-Maritime demande à la cour :

1°)...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet de la Charente-Maritime a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 9 mai 2016 par lequel le maire de la commune de Saint-Clément-des-Baleines a accordé un permis de construire à Mme E...pour la construction d'une maison d'habitation avec un garage accolé et une clôture.

Par un jugement n° 1601651 du 15 décembre 2016, le tribunal administratif de Poitiers rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 9 février 2017 et le 11 août 2017, le préfet de la Charente-Maritime demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 15 décembre 2016 ;

2°) d'annuler le permis de construire accordé à MmeE... ;

Il soutient que :

- la commune de Saint-Clément-des-Baleines comprend trois façades littorales : côte nord, côte ouest et Fier d'Ars ; elle est située essentiellement dans le marais à des altitudes comprises entre 2,30 m et 3,00 m A...à l'exception des cordons dunaires et du bourg ancien ; la submersion liée à l'événement Xynthia s'est révélée très importante, les entrées d'eau ont rapidement provoqué une submersion importante des terres ;

- le projet de construction autorisé méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il est de nature à porter atteinte à la sécurité publique ;

- selon les études menées dans le cadre de la révision du plan de prévention des risques naturels (PPRN) de l'Ile de Ré, le terrain d'assiette du projet est exposé à un risque de submersion marine variant de 3,60 m A...à 3,80 mA..., soit un aléa très fort à court et long terme avec une hauteur d'eau supérieure à 1 m à court et long terme et une vitesse d'écoulement fort à court et long terme ;

- la hauteur d'eau sur le terrain est établie au vu des cartes communiquées, à une hauteur de 1,24 m au plus favorable et 1,44 m au plus défavorable ; en effet, la hauteur de submersion se calcule par rapport à la côte du terrain naturel et non à celle du plancher de la construction ;

- l'ensemble des ouvrages de défense a été identifié et pris en compte dans les études relatives à la révision du PPRN de l'Ile de Ré ;

- les ouvrages existants et les projets de travaux ne sauraient être considérés comme un moyen de protection suffisant pour écarter l'application de l'article R. 111-2.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 8 juin 2017 et le 6 novembre 2017, Mme E..., représentée par la SCP Pielberg-Kolenc, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le terrain d'assiette de la construction n'est soumis à aucun risque dès lors qu'il n'a pas été affecté par les inondations liées à la tempête Xynthia ; dans ces conditions, c'est seulement au regard des cartographies établies dans le cadre du projet de révision du plan de prévention des risques naturels de l'Ile de Ré que la préfecture considère que le terrain court un risque de submersion le rendant inconstructible ; or cette cartographie correspond à une mise en place d'un principe de précaution qui n'établit pas la réalité d'un risque avéré au sens de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- en l'espèce, la preuve du risque allégué n'est pas rapportée ; la cote de plancher bas est à 3,60 mètresA... ; en retenant les niveaux d'eau entre 3,60 et 3,80 mètresA..., la construction n'encourrait qu'une inondation de 0,20 mètres ; sont également prévus un vide sanitaire sous la construction afin de permettre le libre écoulement des eaux et assurer une hauteur de plancher bas permettant de prévenir un éventuel risque de submersion marine et une atteinte à la sécurité des personnes et un étage situé à 6,22 m A...qui pourrait servir de refuge ;

- il n'est pas établi que les hauteurs des constructions voisines risqueraient au regard du remblaiement de connaître une inondation aggravée par le projet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 février 2018, la commune de Saint-Clément-des-Baleines, représentée par MeF..., conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le terrain d'assiette de la construction n'est soumis à aucun risque dès lors qu'il n'a pas été affecté par les inondations liées à la tempête Xynthia ainsi que le démontre la carte de retours d'expériences établie par le préfecture en juin 2014, la submersion la plus proche relevée à l'occasion de cet élément de référence l'ayant été à plus de 600 mètres ;

- la cote de plancher bas est à 3,60 mètresA... ; en retenant les niveaux d'eau entre 3,60 et 3,80 mètresA..., la construction n'encourrait qu'une inondation de 0,20 mètres ; sont également prévus un vide sanitaire et un étage qui pourrait servir de refuge

- les ouvrages de défense contre la mer ont fait l'objet de nombreux travaux.

Par ordonnance du 21 juin 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 26 octobre 2018 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florence Madelaigue,

- les conclusions de Mme Sabrina Ladoire, rapporteur public,

- et les observations de MmeD..., représentant le préfet de la Charente-Maritime, de MeB..., représentant la commune de Saint-Clément-des-Baleines, et de MeC..., représentant MmeE....

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de la commune de Saint-Clément-des-Baleines a, par un arrêté du 9 mai 2016, délivré à Mme E...un permis de construire une maison d'habitation de 182 m2 située chemin du clos sur le territoire de cette commune avec un garage accolé et une clôture. Le préfet de la Charente-Maritime relève appel du jugement du 15 décembre 2016, par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce permis de construire.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente et au juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent. Pour l'application de cet article en matière de risque de submersion marine, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, en l'état des données scientifiques disponibles, ce risque de submersion, en prenant en compte notamment la situation de la zone du projet au regard du niveau de la mer, sa situation à l'arrière d'un ouvrage de défense contre la mer, le cas échéant, le risque de rupture ou de submersion de cet ouvrage en tenant compte notamment de son état, de sa solidité et des précédents connus de rupture ou de submersion.

3. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrale n° AS 161 en litige est classée en zone UBs2 du plan d'occupation des sols de la commune de Saint-Clément-des-Baleines correspondant aux quartiers d'extension des bourgs anciens de la commune. L'indice " s " identifie les zones soumises au risque de submersion et d'érosion marine qui sont assujetties aux règles particulières du plan de prévention des risques naturels sur l'Ile de Ré. Au regard du Plan Prévention des Risques Naturels (PPRN) approuvé par arrêté préfectoral en date du 19 juillet 2002, la parcelle cadastrée n° AS 161 supportant le projet est classée en zone Bleu Foncé (BF).

4. La cartographie des niveaux d'eau maximaux établie par l'Etat à la suite des phénomènes de submersion observés au cours de la tempête dénommée Xynthia, qui est survenue dans la nuit du 27 au 28 février 2010, inclut le terrain d'assiette du projet de Mme E... dans un secteur où les niveaux d'eau maximaux peuvent atteindre entre 3,60 et 3,80 mètresA..., soit un aléa fort de submersion ainsi qu'une vitesse d'écoulement des eaux alentours qui serait rapide, rendant difficile la progression des secours sur la voie d'accès, située à 2,49 mètresA.... Le niveau altimétrique de la parcelle étant située à 2,36 mètresA..., le risque de submersion est de 1,44 m au plus défavorable compte tenu de la cote du terrain naturel. Toutefois, la parcelle du projet, située à plus de 500 mètres en arrière du rivage, n'a pas été inondée lors de la tempête Xynthia, non plus que le secteur urbanisé avoisinant. Le projet de construction prévoit le remblaiement de l'intégralité du terrain d'une hauteur de 60 centimètres. Du fait de l'aménagement d'un vide sanitaire sous la construction, son plancher sera porté à 3,60 mètresA..., soit un risque de submersion, au plus défavorable, à l'extérieur d'environ 80 centimètres d'eau, et à l'intérieur de 20 centimètres. Enfin, alors que le projet prévoit l'aménagement d'un vide sanitaire et de barbacanes destinées à faciliter l'écoulement des eaux, le risque avancé par le préfet que ces travaux puissent modifier les conditions de cet écoulement dans le voisinage n'est pas matériellement établi. Dans ces conditions, compte tenu des caractéristiques propres au projet, en accordant le permis litigieux, le maire de la commune de Saint-Clément-des-Baleines n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Charente-Maritime n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté son déféré dirigé contre l'arrêté du 9 mai 2016.

Sur les frais exposés par les parties à l'occasion du litige :

6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la commune de Saint-Clément-des-Baleines et à Mme E...de la somme de 800 euros chacune au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Charente-Maritime est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à la commune de Saint-Clément-des-Baleines et à Mme E...la somme de 800 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Charente-Maritime, à la commune de Saint-Clément-des-Baleines et à Mme G... E....

Délibéré après l'audience du 2 avril 2019 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, premier conseiller,

Mme Florence Madelaigue, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 14 mai 2019.

Le rapporteur,

Florence MadelaigueLe président,

Elisabeth JayatLe greffier,

Florence Deligey

La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 17BX00462


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17BX00462
Date de la décision : 14/05/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Légalité interne du permis de construire. Légalité au regard de la réglementation nationale. Règlement national d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Florence MADELAIGUE
Rapporteur public ?: M. de la TAILLE LOLAINVILLE
Avocat(s) : SCP PIELBERG KOLENC

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-05-14;17bx00462 ?
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