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02/12/2020 | FRANCE | N°431030

France | France, Conseil d'État, 6ème chambre, 02 décembre 2020, 431030


Vu la procédure suivante :

L'association pour la protection des sites d'Erquy et des environs - Erquy environnement, l'association Bien vivre à Plurien, l'association Fréhel environnement et la fédération Union du Penthièvre et de l'Emeraude pour l'environnement et le littoral ont demandé à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2017 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a modifié l'arrêté préfectoral du 18 avril 2017 autorisant la société Ailes Marines à aménager et exploiter un parc éolien en mer et sa sous-station électrique

en baie de Saint-Brieuc. Par un arrêt n° 18NT01657 du 26 mars 2019, la cour...

Vu la procédure suivante :

L'association pour la protection des sites d'Erquy et des environs - Erquy environnement, l'association Bien vivre à Plurien, l'association Fréhel environnement et la fédération Union du Penthièvre et de l'Emeraude pour l'environnement et le littoral ont demandé à la cour administrative d'appel de Nantes d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2017 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a modifié l'arrêté préfectoral du 18 avril 2017 autorisant la société Ailes Marines à aménager et exploiter un parc éolien en mer et sa sous-station électrique en baie de Saint-Brieuc. Par un arrêt n° 18NT01657 du 26 mars 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté la requête de l'association pour la protection des sites d'Erquy et des environs - Erquy environnement et autres.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux mémoires en réplique, enregistrés les 24 mai et 29 juillet 2019 et les 16 mars et 5 novembre 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association pour la protection des sites d'Erquy et des environs - Erquy environnement et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur requête ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'énergie ;

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... B..., conseillère d'Etat,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association pour la protection des sites d'Erquy et des environs - Erquy Environnement, de l'association Fréhel Environnement et de la fédération Union du Penthièvre et de L'émeraude pour l'environnement et le littoral et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la société Ailes Marines ;

Considérant ce qui suit :

1. Le désistement de l'association Bien vivre à Plurien est pur et simple. Rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 18 avril 2012, le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement et le ministre délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique ont autorisé la société Ailes Marines, sur le fondement de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, à exploiter un parc éolien d'une capacité de production de 500 MW, situé sur le domaine public maritime au large de la commune de Saint-Brieuc. Le préfet des Côtes-d'Armor a, par arrêté du 18 avril 2017, autorisé, en application de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, la société Ailes Marines à réaliser et exploiter un parc éolien en mer et sa sous-station électrique en baie de Saint-Brieuc. Cet arrêté a été modifié par un arrêté du préfet des Côtes-d'Armor du 20 décembre 2017 autorisant les modifications apportées au projet par la société Ailes Marines s'agissant des aérogénérateurs, de leurs fondations et du système de refroidissement de la sous-station électrique. Par un arrêt du 26 mars 2019 rendu en premier et dernier ressort, contre lequel l'association pour la protection des sites d'Erquy et des environs - Erquy environnement et autres se pourvoient en cassation, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 décembre 2017.

Sur la régularité de l'arrêt attaqué, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi :

3. Aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...) / Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application / (...) / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier de la cour administrative d'appel que l'association pour la protection des sites d'Erquy et des environs - Erquy environnement et autres ont produit une note en délibéré, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes le 8 mars 2019. Faute d'avoir fait mention de cette note, l'arrêt attaqué est entaché d'irrégularité.

5. Il résulte de ce qui précède que les associations requérantes sont fondées à demander l'annulation de l'arrêt qu'elles attaquent.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté préfectoral du 20 décembre 2017 :

En ce qui concerne la légalité externe :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ".

8. L'arrêté attaqué précise qu'il est pris par le préfet des Côtes-d'Armor et comporte la signature de son auteur ainsi que ses nom et prénom. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, faute pour l'arrêté litigieux de comporter la mention de la qualité de son signataire, manque en fait.

9. En second lieu, il résulte de l'instruction que les modifications du projet initial envisagées et portées à la connaissance de l'administration par la société Ailes Marines consistent, d'une part, à remplacer les éoliennes prévues à l'origine par des modèles Siemens-Gamesa D8 comportant une hauteur en bout de pale plus faible (207 mètres contre 216 mètres pour les éoliennes initialement envisagées), une hauteur en bas de pale légèrement plus élevée (40,2 mètre contre 36 mètres), un diamètre de rotor plus faible (167 mètres contre 180 mètres), et une vitesse maximale en bout de pale plus importante (340 km/h contre 288 km/h), d'autre part, à substituer aux fondations à base carrée des fondations à base triangulaire, ayant pour conséquence la réduction du nombre de pieux d'ancrage (193 contre 256 pour le projet initial), de l'emprise au sol des fondations (2,6 hectares contre 4 hectares) et de l'emprise des enrochements, enfin, à remplacer par un système de refroidissement de la sous-station électrique par l'air le système envisagé à l'origine, fondé sur le prélèvement d'eau de mer et le rejet, dans l'océan, des eaux chaudes. Par ailleurs, le dossier porté à la connaissance du préfet des Côtes-d'Armor comportait plusieurs études relatives, d'une part, aux incidences des modifications envisagées sur les impacts en phase de construction et en phase d'exploitation, d'autre part, aux effets acoustiques terrestres, appliquant les normes NF S 31-010 pour la caractérisation et la mesure du bruit dans l'environnement, et ISO 9613-2 pour l'atténuation du son lors de sa propagation à l'air libre, et enfin, aux effets acoustiques sous-marins, après mesure de transmission acoustique sur la zone, et utilisant une méthode de modélisation du bruit ambiant sous-marin. Il ne résulte pas de l'instruction que ces études, du fait notamment qu'elles reposent pour partie sur des modèles et données théoriques, ne permettent pas d'apprécier les effets des modifications envisagées. Par suite, le moyen tiré de ce que les informations portées à la connaissance de l'administration par la société Ailes Marines auraient comporté des insuffisances l'ayant empêchée d'évaluer les conséquences, inconvénients et dangers susceptibles de résulter des modifications envisagées, en particulier s'agissant de l'augmentation du niveau sonore des nouveaux aérogénérateurs, doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

10. Aux termes de l'article L. 181-14 du code de l'environnement : " Toute modification substantielle des activités, installations, ouvrages ou travaux qui relèvent de l'autorisation environnementale est soumise à la délivrance d'une nouvelle autorisation, qu'elle intervienne avant la réalisation du projet ou lors de sa mise en oeuvre ou de son exploitation. En dehors des modifications substantielles, toute modification notable intervenant dans les mêmes circonstances est portée à la connaissance de l'autorité administrative compétente pour délivrer l'autorisation environnementale dans les conditions définies par le décret prévu à l'article L. 181-31. L'autorité administrative compétente peut imposer toute prescription complémentaire nécessaire au respect des dispositions des articles L. 181-3 et L. 181-4 à l'occasion de ces modifications, mais aussi à tout moment s'il apparaît que le respect de ces dispositions n'est pas assuré par l'exécution des prescriptions préalablement édictées ". Aux termes de l'article R. 181-46 du même code : " I. - Est regardée comme substantielle, au sens de l'article L. 181-14, la modification apportée à des activités, installations, ouvrages et travaux soumis à autorisation environnementale qui : 1° En constitue une extension devant faire l'objet d'une nouvelle évaluation environnementale en application du II de l'article R. 122-2 ; 2° Ou atteint des seuils quantitatifs et des critères fixés par arrêté du ministre chargé de l'environnement ; 3° Ou est de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3. La délivrance d'une nouvelle autorisation environnementale est soumise aux mêmes formalités que l'autorisation initiale. II. - Toute autre modification notable apportée aux activités, installations, ouvrages et travaux autorisés, à leurs modalités d'exploitation ou de mise en oeuvre ainsi qu'aux autres équipements, installations et activités mentionnés au dernier alinéa de l'article L. 181-1 inclus dans l'autorisation doit être portée à la connaissance du préfet, avant sa réalisation, par le bénéficiaire de l'autorisation avec tous les éléments d'appréciation. S'il y a lieu, le préfet, après avoir procédé à celles des consultations prévues par les articles R. 181-18 et R. 181-21 à R. 181-32 que la nature et l'ampleur de la modification rendent nécessaires, fixe des prescriptions complémentaires ou adapte l'autorisation environnementale dans les formes prévues à l'article R. 181-45 ".

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment des études mentionnées au point 9, que les modifications portées à la connaissance de l'administration n'auront pas pour effet d'aggraver les risques du projet pour l'avifaune, la légère réduction de la section balayée par les pales pouvant induire une réduction du risque de collision malgré l'augmentation de la vitesse de rotation des pales, que les impacts sur les mammifères marins ne sont pas significativement modifiés et que les impacts sur les biocénoses planctoniques et benthiques, les ressources halieutiques et la qualité de l'eau sont identiques, voire plus faibles, du fait en particulier du changement du système de refroidissement de la sous-station électrique. Il résulte également de l'instruction que l'incidence sur les chiroptères ne devrait pas être aggravée, la disposition spatiale des éoliennes restant la même, tout comme les impacts liés à la photo-attraction, à la perte d'habitats de chasse et au déplacement des couloirs de vol. Par ailleurs, si en phase de construction, la durée globale du forage pour la pose des pieux est supérieure à celle du projet initial, la durée consacrée aux opérations de battage, qui sont les plus bruyantes, est réduite de 25%, passant de 24 à 18 heures par fondation, soit, compte tenu de la réduction du nombre de pieux, une durée totale de 612 heures contre 916 heures pour le projet initial. Enfin, en phase d'exploitation, la perception visuelle des éoliennes depuis le rivage ne devrait pas être significativement modifiée et si la puissance acoustique des nouvelles éoliennes est estimée à 117,5 décibels alors qu'elle était estimée à 111,7 décibels pour le projet initial, la conséquence en est que l'émergence globale, qui était initialement nulle pour tous les points à terre et dans toutes les conditions de vent, est susceptible d'être de l'ordre de un à deux décibels de nuit, à Erquy, dans la configuration la plus défavorable de vent et de régime de fonctionnement des éoliennes, ces valeurs étant inférieures au seuil réglementaire de trois décibels. Ces modifications ne sont, en conséquence, pas de nature de nature à entraîner des dangers et inconvénients significatifs pour les intérêts mentionnés à l'article L. 181-3 du code de l'environnement et ne peuvent, dès lors, être regardées comme substantielles au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 181-14 du même code. Par suite, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté litigieux serait entaché d'illégalité en ce qu'il n'a pas été précédé d'une nouvelle autorisation environnementale.

12. En second lieu, les associations requérantes soutiennent que les modifications portées à la connaissance de l'administration appelaient de la part de celle-ci des prescriptions complémentaires visant à réduire les effets néfastes sur les chiroptères, et à mieux évaluer, puis prévenir, les nuisances acoustiques. D'une part, il résulte de l'instruction que, s'agissant des chiroptères, sur lesquels l'incidence du changement apporté à l'installation est résumée au point 11, l'arrêté initial du 18 avril 2017 prescrit un suivi acoustique spécifique de ces espèces, en particulier de la pipistrelle de Nathusius, avant le début des travaux, pendant la construction du parc éolien et durant ses trois premières années de fonctionnement, le comité de gestion et de suivi mis en place pouvant, à ce titre, proposer des mesures de réduction des impacts. Les modifications envisagées n'imposaient donc pas que soient prises, dans l'arrêté attaqué, des prescriptions complémentaires pour la protection des chiroptères. D'autre part, il résulte de l'instruction que si les modifications envisagées augmentent l'émergence acoustique terrestre dans des proportions rappelées au point 12, celle-ci reste limitée, et estimée en deçà des seuils réglementaires applicables à l'installation. La campagne de mesure du bruit engendré par le fonctionnement des installations, prescrite par l'arrêté initial du 18 avril 2017, et qui concernera à la fois le niveau maximum d'émissions sonores sur le site et les nuisances sonores éventuelles en zone à émergence réglementée, que la société Ailes Marines devra effectuer dans le délai d'un an suivant la mise en exploitation du parc éolien, apparaît, dans ces conditions, suffisante au regard des règles applicables à l'installation. Si cette campagne de mesure révélait des nuisances acoustiques susceptibles de porter atteinte à la santé ou à la tranquillité publiques, il appartiendrait à l'administration de fixer de nouvelles prescriptions relatives à la réduction de ces nuisances. Par suite, le moyen tiré de l'absence de prescriptions complémentaires doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'association pour la protection des sites d'Erquy et des environs - Erquy environnement et autres doit être rejetée.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demandent à ce titre l'association pour la protection des sites d'Erquy et des environs - Erquy environnement et autres. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux demandes présentées par la société Ailes Marines au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Il est donné acte du désistement du pourvoi de l'association Bien vivre à Plurien.

Article 2 : L'arrêt du 26 mars 2019 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.

Article 3 : La requête de l'association pour la protection des sites d'Erquy et des environs - Erquy environnement et autres est rejetée.

Article 4 : Les conclusions de la société Ailes Marines présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association pour la protection des sites d'Erquy et des environs - Erquy environnement, première requérante dénommée, à la ministre de la transition écologique et à la société Ailes Marines.

Copie en sera adressée au ministre de l'économie, des finances et de la relance.


Synthèse
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 431030
Date de la décision : 02/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 02 déc. 2020, n° 431030
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Carine Chevrier
Rapporteur public ?: M. Olivier Fuchs
Avocat(s) : SCP MARLANGE, DE LA BURGADE ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:431030.20201202
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