La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/11/2020 | FRANCE | N°439558

France | France, Conseil d'État, 2ème chambre, 27 novembre 2020, 439558


Vu la procédure suivante :

Le préfet du Doubs a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion de Mme A... B... du logement qu'elle occupe au centre d'accueil de demandeurs d'asile situé 16 rue Gambetta à Besançon, au besoin avec le concours de la force publique.

Par une ordonnance n° 2000101 du 5 février 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Par un pourvoi enregistré le 16 mars 2020 au sec

rétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Co...

Vu la procédure suivante :

Le préfet du Doubs a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, d'ordonner l'expulsion de Mme A... B... du logement qu'elle occupe au centre d'accueil de demandeurs d'asile situé 16 rue Gambetta à Besançon, au besoin avec le concours de la force publique.

Par une ordonnance n° 2000101 du 5 février 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a rejeté cette demande.

Par un pourvoi enregistré le 16 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit aux demandes présentées par le préfet du Doubs.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François Weil, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Sophie Roussel, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Zribi, Texier, avocat de Mme B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 744-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, issu de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile applicable au litige, les lieux d'hébergement pour demandeurs d'asile " accueillent les demandeurs d'asile pendant la durée d'instruction de leur demande d'asile ou jusqu'à leur transfert effectif vers un autre Etat européen. Cette mission prend fin à l'expiration du délai de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou à la date de la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) Lorsque, après une décision de rejet définitive, le délai de maintien dans un lieu d'hébergement mentionné audit article L. 744-3 prend fin, l'autorité administrative compétente peut, après mise en demeure restée infructueuse, demander en justice qu'il soit enjoint à cet occupant sans titre d'évacuer ce lieu (...) La demande est portée devant le président du tribunal administratif, qui statue sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative et dont l'ordonnance est immédiatement exécutoire ". Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Il résulte de ces dispositions que, saisi par le préfet d'une demande tendant à ce que soit ordonnée l'expulsion d'un lieu d'hébergement pour demandeurs d'asile d'un demandeur d'asile dont la demande a été définitivement rejetée, le juge des référés du tribunal administratif y fait droit dès lors que la demande d'expulsion ne se heurte à aucune contestation sérieuse et que la libération des lieux présente un caractère d'urgence et d'utilité.

2. Il ressort des pièces du dossier du juge des référés que Mme B..., ressortissante ukrainienne, a vu sa demande d'asile rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides en date du 30 décembre 2016. Le recours contre cette décision a été rejeté par la Cour nationale du droit d'asile le 26 juin 2018. La demande de réexamen présentée par l'intéressée le 8 avril 2019 a également été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 29 novembre 2019. Le gestionnaire du centre d'accueil pour demandeurs d'asile situé 16, rue Gambetta, à Besançon, dans lequel Mme B... était hébergée avec sa fille mineure, a informé celle-ci de la fin de sa prise en charge. Néanmoins, l'intéressée s'est maintenue dans son logement. Après l'avoir mise en demeure de quitter les lieux, le préfet du Doubs a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon d'ordonner l'expulsion de Mme B... et de sa fille mineure, au besoin avec le concours de la force publique. Par l'ordonnance du 5 février 2020, contre laquelle le ministre de l'intérieur se pourvoit en cassation, le juge des référés a rejeté sa demande.

3. Pour juger que la demande d'expulsion ne présentait pas un caractère d'urgence, le juge des référés s'est fondé sur la circonstance que le centre d'accueil pour demandeurs d'asile dans lequel Mme B... était hébergée disposait de deux places disponibles, une fois décomptés les places déjà attribuées et les locaux en travaux, et sur la possibilité en découlant de loger à brève échéance une autre famille. En statuant ainsi, sans tenir compte, ainsi que l'y invitait le préfet du Doubs, de l'ensemble des demandes d'hébergement encore en attente et de l'évolution prévisible des besoins d'accueil en vue du bon fonctionnement du service de l'hébergement des demandeurs d'asile dans le département, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a commis une erreur de droit. Le ministre de l'intérieur est, dès lors et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque.

4. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et

37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Besançon du 5 février 2020 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Besançon.

Article 3 : Les conclusions de la requête de Mme B... présentées au titre des

articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à

Mme A... B....

Copie en sera adressée au préfet du Doubs.


Synthèse
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 439558
Date de la décision : 27/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 27 nov. 2020, n° 439558
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François Weil
Rapporteur public ?: Mme Sophie Roussel
Avocat(s) : SCP ZRIBI, TEXIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:439558.20201127
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award