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25/11/2020 | FRANCE | N°439587

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 25 novembre 2020, 439587


Vu la procédure suivante :

M. C... A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

- de suspendre l'exécution de la décision du 6 janvier 2020 par laquelle le président du conseil départemental du Pas-de-Calais a mis fin à sa prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance ;

- d'enjoindre au président du conseil départemental, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre principal, de le faire bénéficier

, dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, d'une mesure d'accompagnement consi...

Vu la procédure suivante :

M. C... A... B... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lille, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative :

- de suspendre l'exécution de la décision du 6 janvier 2020 par laquelle le président du conseil départemental du Pas-de-Calais a mis fin à sa prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance ;

- d'enjoindre au président du conseil départemental, dans un délai de quinze jours et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, à titre principal, de le faire bénéficier, dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance, d'une mesure d'accompagnement consistant en un soutien financier et un soutien socio-éducatif ou, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande tendant au bénéfice d'une prolongation de son " contrat jeune majeur ".

Par une ordonnance n° 2001225 du 4 mars 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a suspendu l'exécution de la décision du 6 janvier 2020 jusqu'à l'intervention de la décision administrative prise sur le recours administratif présenté par M. A... B... et enjoint au président du conseil départemental du Pas-de-Calais de statuer de nouveau sur sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de son ordonnance.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 et 31 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département du Pas-de-Calais demande au Conseil d'Etat d'annuler cette ordonnance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Eric Buge, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à Me Le Prado, avocat du département du Pas-de-Calais, et à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de M. A... B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés du tribunal administratif de Lille que M. A... B..., ressortissant soudanais né le 2 janvier 1999, a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département du Pas-de-Calais par une ordonnance de placement provisoire du 23 octobre 2015 puis par un jugement du juge des enfants du tribunal de grande instance de Saint-Omer du 8 décembre 2015, jusqu'au 2 janvier 2017. Le département du Pas-de-Calais a maintenu sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance au-delà de sa majorité, en application des dispositions du sixième alinéa de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles, jusqu'au 2 janvier 2020. Le 30 octobre 2019, M. A... B... a sollicité une nouvelle mesure d'accompagnement jusqu'au mois de juillet 2020, afin de terminer l'année scolaire engagée. Par une décision du 6 janvier 2020, le président du conseil départemental du Pas-de-Calais a toutefois mis fin à sa prise en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance, au motif qu'il avait atteint l'âge de vingt et un ans. Par une ordonnance du 4 mars 2020, le juge des référés du tribunal administratif de Lille, saisi par M. A... B... sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, a suspendu l'exécution de cette décision et enjoint au département du Pas-de-Calais de statuer à nouveau sur sa demande. Le département du Pas-de-Calais se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. En vertu du quatrième alinéa de l'article L. 112-3 du code de l'action sociale et des familles, les interventions au titre de la protection de l'enfance peuvent également être destinées à des majeurs de moins de vingt et un ans connaissant des difficultés susceptibles de compromettre gravement leur équilibre. Aux termes de l'article L. 221-1 du même code : " Le service de l'aide sociale à l'enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : / 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l'autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu'aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre (...) ". L'article L. 222-5 du même code détermine les personnes susceptibles, sur décision du président du conseil départemental, d'être prises en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance, parmi lesquelles, au titre du 1° de cet article, les mineurs qui ne peuvent demeurer provisoirement dans leur milieu de vie habituel et dont la situation requiert un accueil à temps complet ou partiel et, au titre de son 3°, les mineurs confiés au service par le juge des enfants parce que leur protection l'exige. Aux termes du sixième alinéa de cet article : " Peuvent être également pris en charge à titre temporaire par le service chargé de l'aide sociale à l'enfance les mineurs émancipés et les majeurs âgés de moins de vingt et un ans qui éprouvent des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants ". La loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant a complété cet article par un septième alinéa prévoyant que : " Un accompagnement est proposé aux jeunes mentionnés au 1° du présent article devenus majeurs et aux majeurs mentionnés à l'avant-dernier alinéa, au-delà du terme de la mesure, pour leur permettre de terminer l'année scolaire ou universitaire engagée ".

4. Si la loi du 14 mars 2016 a complété l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles pour prévoir qu'un accompagnement doit être proposé au jeune précédemment pris en charge par l'aide sociale à l'enfance, au-delà du terme de la mesure, pour lui permettre de terminer l'année scolaire ou universitaire engagée, elle n'a pas pour effet d'étendre la prise en charge des jeunes majeurs par l'aide sociale à l'enfance au-delà de leur vingt et unième anniversaire.

5. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que pour mettre fin, par la décision du 6 janvier 2020, à la prise en charge de M. A... B..., le président du conseil départemental du Pas-de-Calais s'est fondé sur ce qu'il avait atteint l'âge de vingt et un ans. En jugeant que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles était de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité d'une décision mettant fin pour ce motif à une prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, le juge des référés a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède que le département du Pas-de-Calais est fondé à demander l'annulation de l'ordonnance qu'il attaque. Le moyen retenu suffisant à entraîner cette annulation, il n'est pas nécessaire d'examiner les autres moyens du pourvoi.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée par M. A... B..., en application des dispositions de l'article L. 8212 du code de justice administrative.

8. Pour demander la suspension de l'exécution de la décision du 6 janvier 2020 mettant fin à sa prise en charge par l'aide sociale à l'enfance, M. A... B... soutient qu'elle a été prise par une autorité incompétente, qu'elle méconnaît l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qu'elle est insuffisamment motivée, qu'elle méconnaît les dispositions du dernier alinéa de 1'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à ses conséquences sur sa situation personnelle. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus qu'aucun de ces moyens n'est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité d'un défaut de prise en charge par l'aide sociale à l'enfance.

9. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de nonrecevoir soulevée par le département ni de vérifier si la condition d'urgence est remplie, la demande de M. A... B... tendant à la suspension de l'exécution de la décision mettant fin à sa prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance doit être rejetée. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.

10. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D E C I D E :

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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lille du 4 mars 2020 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. A... B... devant le tribunal administratif de Lille, ainsi que les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 devant le Conseil d'Etat sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. C... A... B... et au département du Pas-de-Calais.

Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 439587
Date de la décision : 25/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 25 nov. 2020, n° 439587
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Eric Buge
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette
Avocat(s) : LE PRADO ; SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:439587.20201125
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