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18/11/2020 | FRANCE | N°431437

France | France, Conseil d'État, 1ère - 4ème chambres réunies, 18 novembre 2020, 431437


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 22 mai 2019, la cour d'appel de Nancy a sursis à statuer sur la demande de la société Nexans Power Accessories France relative au redressement d'un montant de 274 351 euros notifié par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Champagne-Ardenne, correspondant à des cotisations sociales patronales dues au titre des années 2013 à 2015, et saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité du III de l'article 8 du décret n° 2007-648 du 30 avril 2007 portant application du

VII de l'article 130 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de f...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt du 22 mai 2019, la cour d'appel de Nancy a sursis à statuer sur la demande de la société Nexans Power Accessories France relative au redressement d'un montant de 274 351 euros notifié par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Champagne-Ardenne, correspondant à des cotisations sociales patronales dues au titre des années 2013 à 2015, et saisi le Conseil d'Etat de la question de la légalité du III de l'article 8 du décret n° 2007-648 du 30 avril 2007 portant application du VII de l'article 130 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- le code de la sécurité sociale ;

- la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 ;

- la loi n° 2008-1258 du 3 décembre 2008 ;

- le décret n° 2007-648 du 30 avril 2007 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Champagne-Ardenne ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du VII de l'article 130 de la loi du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, dans sa rédaction modifiée en dernier lieu par la loi du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, applicable au litige : " Les gains et rémunérations au sens de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ou de l'article L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime, versés au cours d'un mois civil aux salariés employés par un établissement d'une entreprise exerçant les activités visées au deuxième alinéa du I de l'article 44 octies du code général des impôts qui s'implante entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2013 dans un bassin d'emploi à redynamiser définis au 3 bis de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée, sont exonérés des cotisations à la charge de l'employeur au titre des assurances sociales, des allocations familiales ainsi que du versement transport et des contributions et cotisations au Fonds national d'aide au logement, dans la limite du produit du nombre d'heures rémunérées par le montant du salaire minimum de croissance majoré de 40 %. / L'exonération est ouverte au titre de l'emploi de salariés dont l'activité réelle, régulière et indispensable à l'exécution du contrat de travail s'exerce en tout ou partie dans un bassin d'emploi à redynamiser. / (...) / Dans des conditions fixées par décret, l'exonération s'applique également aux gains et rémunérations versés aux salariés recrutés à l'occasion d'une extension d'établissement ouvrant droit à l'exonération de taxe professionnelle prévue au I quinquies A de l'article 1466 A du code général des impôts. / (...) / L'exonération est applicable pendant une période de sept ans à compter de la date d'implantation ou de la création. / En cas d'embauche de salariés dans les sept années suivant la date de l'implantation ou de la création, l'exonération est applicable, pour ces salariés, dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, à compter de la date d'effet du contrat de travail. / Le bénéfice de l'exonération mentionnée au premier alinéa du présent VII est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998 / 2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis. / (...) / Le droit à l'exonération prévue au premier alinéa est subordonné à la condition que l'employeur soit à jour de ses obligations à l'égard de l'organisme de recouvrement des cotisations patronales de sécurité sociale et d'allocations familiales ou ait souscrit un engagement d'apurement progressif de ses dettes. / (...) / Les conditions de mise en oeuvre du présent VII, notamment s'agissant des obligations déclaratives des employeurs, sont fixées par décret ".

2. Aux termes de l'article 3 du décret du 30 avril 2007 portant application du VII de l'article 130 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 : " Pour l'application du [quatrième] alinéa du VII de l'article 130 de la loi du 30 décembre 2006 susvisée, les salariés recrutés s'entendent des salariés recrutés, sous contrat de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée d'au moins douze mois, dans un délai de douze mois suivant la date d'effet de l'extension de l'établissement. Le bénéfice de l'exonération est subordonné à la condition que l'employeur n'ait pas procédé à un licenciement pour motif économique dans les douze mois précédant la même date d'effet. / Pour l'application de l'alinéa précédent, la date d'effet de l'extension s'entend de la date d'acquisition de l'immobilisation ou de la date de mise à disposition de la nouvelle installation, nécessaires à l'activité de l'établissement et ayant conduit à une augmentation des bases au sens du b du II de l'article 1466 A du code général des impôts. (...) ". Le I de l'article 8 de ce décret, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que, pour bénéficier de l'exonération prévue au VII de l'article 130 de la loi du 30 décembre 2006, l'employeur adresse à l'administration du travail et à l'organisme chargé du recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, pour chaque établissement implanté, créé ou étendu dans un bassin d'emploi à redynamiser, une déclaration annuelle des mouvements de main-d'oeuvre intervenus au cours de l'année précédente. Le II du même article prévoit, aux mêmes fins, que l'employeur adresse annuellement à l'organisme chargé du recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales un document comportant les éléments nécessaires à la vérification du respect des conditions et limites prévues par les règlements européens relatifs aux aides à finalité régionale et aux aides de minimis. Enfin, aux termes du III du même article : " Pour bénéficier de l'exonération prévue au VII de l'article 130 de la loi du 30 décembre 2006 susvisée, au titre des salariés recrutés à l'occasion d'une extension d'établissement réalisée dans un bassin d'emploi à redynamiser dans les conditions fixées au [quatrième] alinéa du VII du même article, l'employeur adresse, selon les modalités fixées aux 1° et 2° du I, une déclaration comportant : / a) Le nom et l'adresse de l'employeur ; / b) Le code APE et le numéro SIRET de l'établissement ; / c) L'effectif employé dans l'établissement au dernier jour du mois précédant la date d'effet de l'extension et l'effectif employé dans le même établissement à la date d'envoi de la déclaration ; / d) Le nombre de salariés recrutés dans les conditions fixées au premier alinéa de l'article 3 du présent décret ; / e) Le nom, l'adresse, la date de naissance des salariés visés au d et leur numéro de sécurité sociale ; / f) La date d'effet, la nature et la durée du contrat de travail de chacun des salariés visés au d ainsi que la durée de travail prévue au contrat de travail de chacun des mêmes salariés. / Cette déclaration, datée et signée par l'employeur, est envoyée avant la fin du douzième mois qui suit la date d'effet de l'extension de l'établissement ".

3. Par un arrêt du 22 mai 2019, la cour d'appel de Nancy, saisie d'un litige opposant la société Nexans Power Accessories France à l'URSSAF de Champagne-Ardenne, a sursis à statuer et soumis au Conseil d'Etat, à titre préjudiciel, la question de la légalité du III de l'article 8 du décret du 30 avril 2007 cité ci-dessus, en tant qu'il subordonne le bénéfice de l'exonération de cotisations sociales et de contributions prévue par le VII de l'article 130 de la loi du 30 décembre 2006 cité ci-dessus, au titre des salariés recrutés à l'occasion d'une extension d'établissement réalisée dans un bassin d'emploi à redynamiser, à l'envoi d'une déclaration par l'employeur avant la fin du douzième mois qui suit la date d'effet de cette extension.

4. En premier lieu, il résulte des dispositions du VII de l'article 130 de la loi du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 citées au point 1 que le législateur a institué une exonération de cotisations sociales patronales sur les rémunérations versées aux salariés employés dans l'établissement d'une entreprise exerçant certaines activités qui s'implante dans un bassin d'emploi à redynamiser et que cette exonération est applicable pendant une période de sept ans à compter de la date de l'implantation ou de la création. Ces mêmes dispositions ont posé le principe selon lequel cette exonération bénéficie également aux extensions d'établissement ouvrant droit à l'exonération de la taxe professionnelle et renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de fixer, d'une part, les conditions dans lesquelles l'exonération s'applique aux rémunérations versées aux salariés recrutés à l'occasion d'une telle extension et, d'autre part, les conditions de mise en oeuvre du dispositif d'exonération, notamment les obligations déclaratives des employeurs. Le législateur n'a, par ces dispositions, prévu aucune règle de déchéance en cas de défaut d'accomplissement par une entreprise procédant à une extension d'établissement de la déclaration spécifique lui incombant pour bénéficier de l'avantage en cause. Les dispositions précitées du décret du 30 avril 2007, qui ne définissent pas les conséquences de la tardiveté d'une telle déclaration, n'ont ni pour objet ni pour effet d'instituer un mécanisme de déchéance faisant perdre à l'entreprise le bénéfice de l'exonération pour la totalité de la période de sept années prévue par la loi, lorsque l'employeur procède à cette déclaration après l'expiration du délai de douze mois qu'elles prévoient. Dès lors, elles ne sont pas entachées, au motif qu'elles prévoiraient une telle déchéance, d'incompétence.

5. En second lieu, la cour d'appel ayant limité l'étendue de la question préjudicielle qu'elle entendait soumettre à la juridiction administrative au seul moyen tiré de l'incompétence du pouvoir réglementaire pour déterminer la sanction attachée au non-respect du délai imparti à l'employeur pour procéder à une déclaration d'extension d'établissement, la société Nexans Power Accessories France n'est pas recevable à soumettre au Conseil d'Etat le moyen tiré de ce que la disposition litigieuse méconnaîtrait le principe d'égalité entre les établissements nouvellement créés et ceux qui font l'objet d'une extension.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la société Nexans Power Accessories France n'est pas fondée à soutenir que le III de l'article 8 du décret du 30 avril 2007 portant application du VII de l'article 130 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 est entaché d'illégalité.

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre une somme à la charge de la société Nexans Power Accessories au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : Il est déclaré que l'exception d'illégalité du III de l'article 8 du décret du 30 avril 2007 portant application du VII de l'article 130 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006, soulevée par la société Nexans Power Accessories France devant la cour d'appel de Nancy, n'est pas fondée.

Article 2 : Les conclusions de l'URSSAF de Champagne-Ardenne présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Nexans Power Accessories France, à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Champagne-Ardenne et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée au Premier ministre et au premier président de la cour d'appel de Nancy.


Synthèse
Formation : 1ère - 4ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 431437
Date de la décision : 18/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Appréciation de la légalité

Analyses

01-02-01-04 ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS. VALIDITÉ DES ACTES ADMINISTRATIFS - COMPÉTENCE. LOI ET RÈGLEMENT. HABILITATIONS LÉGISLATIVES. - POSSIBILITÉ POUR LE POUVOIR RÉGLEMENTAIRE D'INSTITUER, HORS HABILITATION LÉGISLATIVE, UN MÉCANISME DE DÉCHÉANCE D'UN DROIT PRÉVU PAR LA LOI - ABSENCE [RJ1] - ESPÈCE.

01-02-01-04 Il résulte du VII de l'article 130 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 que le législateur a institué une exonération de cotisations sociales patronales sur les rémunérations versées aux salariés employés dans l'établissement d'une entreprise exerçant certaines activités qui s'implante dans un bassin d'emploi à redynamiser et que cette exonération est applicable pendant une période de sept ans à compter de la date de l'implantation ou de la création. Ces mêmes dispositions ont posé le principe selon lequel cette exonération bénéficie également aux extensions d'établissement ouvrant droit à l'exonération de la taxe professionnelle et renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de fixer, d'une part, les conditions dans lesquelles l'exonération s'applique aux rémunérations versées aux salariés recrutés à l'occasion d'une telle extension et, d'autre part, les conditions de mise en oeuvre du dispositif d'exonération, notamment les obligations déclaratives des employeurs.,,,Le législateur n'a, par ces dispositions, prévu aucune règle de déchéance en cas de défaut d'accomplissement, par une entreprise procédant à une extension d'établissement, de la déclaration spécifique lui incombant pour bénéficier de l'avantage en cause. L'article 8 du décret n° 2007-648 du 30 avril 2007, qui ne définit pas les conséquences de la tardiveté d'une telle déclaration, n'a ni pour objet ni pour effet d'instituer un mécanisme de déchéance faisant perdre à l'entreprise le bénéfice de l'exonération pour la totalité de la période de sept années prévue par la loi, lorsque l'employeur procède à cette déclaration après l'expiration du délai de douze mois qu'il prévoit. Dès lors, il n'est pas entaché, au motif qu'il prévoirait une telle déchéance, d'incompétence.


Références :

[RJ1]

Cf. CE, Assemblée, 1er décembre 1961, Société Jean Roques, n° 50019, p. 675 ;

CE, Assemblée, 23 octobre 1964, Commissaire du Gouvernement près la Commission régionale des dommages de guerre de Bordeaux c/ sieur Depo, n° 5342, p. 487.


Publications
Proposition de citation : CE, 18 nov. 2020, n° 431437
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Damien Pons
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 08/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:431437.20201118
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