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18/11/2020 | FRANCE | N°427839

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 18 novembre 2020, 427839


Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 29 octobre 2019, le président de la 1e chambre de la section du contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la SARL Pharmacie D..., de M. C... D... et de la succession de Mme B... D... dirigées contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes n° 16NT04076 du 7 décembre 2018 en tant seulement que cet arrêt s'est prononcé sur l'indemnisation de la perte de valeur vénale de la pharmacie D....

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2020, le ministre des solidarités et de la sa

nté conclut au rejet du pourvoi. Il soutient que les moyens soulevés par ...

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance du 29 octobre 2019, le président de la 1e chambre de la section du contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la SARL Pharmacie D..., de M. C... D... et de la succession de Mme B... D... dirigées contre l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes n° 16NT04076 du 7 décembre 2018 en tant seulement que cet arrêt s'est prononcé sur l'indemnisation de la perte de valeur vénale de la pharmacie D....

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet du pourvoi. Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 25 septembre 2020, la SARL Pharmacie D..., M. D... et la succession de Mme D... reprennent les conclusions de leur pourvoi et les mêmes moyens.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... E..., auditeurice,

- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la SARL Pharmacie D..., de M. D... et de la succession Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il résulte des énonciations de l'arrêt du 7 décembre 2018 de la cour administrative d'appel de Nantes, définitif sur ce point, que l'illégalité des arrêtés préfectoraux des 6 octobre 2005 et 8 octobre 2009 ayant autorisé le transfert de la pharmacie de Mme F... au sein d'un centre commercial de Saint-Cyr-sur Loire est la cause directe de la détérioration de la situation financière de la SARL Pharmacie D..., qui exploitait une officine à Membrolle-sur-Choisille, à l'égard de laquelle la responsabilité de l'Etat est ainsi engagée. Par une ordonnance du 29 octobre 2019, le président de la première chambre de la section du contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de la SARL Pharmacie D..., de M. D... et de la succession de Mme D... dirigées contre cet arrêt en tant seulement qu'il se prononce sur l'indemnisation de la perte de valeur vénale de la pharmacie D....

2. L'indemnité susceptible d'être allouée à la victime d'un dommage causé par la faute de l'administration a pour vocation de replacer la victime, autant que faire se peut, dans la situation qui aurait été la sienne si le dommage ne s'était pas produit, c'est-à-dire, lorsque la faute résulte d'une décision illégale, si celle-ci n'était pas intervenue. Ainsi que l'a jugé la cour administrative d'appel de Nantes, le moindre niveau du prix de cession de l'officine exploitée par la SARL D..., en mars 2016, par rapport au prix de cession qui aurait été enregistré si le chiffre d'affaires de l'officine n'avait pas été affecté par la concurrence exercée par la pharmacie F..., constitue un préjudice indemnisable, pour autant qu'il ne soit pas dû à d'autres facteurs. Pour évaluer le montant de ce préjudice, la cour a relevé qu'il ressortait du rapport de l'expert mandaté par le tribunal administratif d'Orléans que la valeur vénale du fonds de commerce de la pharmacie D... se serait élevée à 1 099 000 euros en l'absence du transfert illégal de la pharmacie F.... Elle a toutefois jugé que ce montant ne pouvait être retenu en totalité, eu égard à l'incidence, sur le chiffre d'affaires de l'officine, des travaux de voirie effectués au centre-ville de la commune entre septembre 2008 et mai 2009 et à la moindre dynamique de croissance de ce chiffre d'affaires, au regard de la moyenne du secteur, avant même le transfert de l'officine F.... En statuant ainsi, alors que ces éléments avaient déjà été pris en compte par l'expert pour reconstituer le chiffre d'affaires permettant d'apprécier la valeur vénale de l'officine, et en estimant à 200 000 euros la perte de valeur vénale indemnisable sans justifier ce montant, la cour a dénaturé les pièces du dossier et insuffisamment motivé son arrêt sur ce point. Les requérants sont, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés à l'appui des mêmes conclusions, fondés à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation de la perte de valeur vénale de l'officine.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, dans cette mesure, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

4. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise mentionné au point 2, que la valeur vénale de la pharmacie D... peut être appréciée, en appliquant à l'excédent brut d'exploitation le rapport moyen de 5,3 alors constaté dans la profession entre cet excédent et la valeur vénale, à 422 908 euros pour l'exercice 2014-2015, alors qu'elle aurait pu atteindre 1 099 418 euros en l'absence des décisions illégales de transfert de la pharmacie F.... Compte tenu du montant effectif de la transaction réalisée en 2015, s'élevant à 570 000 euros, et de la baisse de valeur vénale estimée, à 1 080 336 euros, résultant de la clause d'augmentation de loyer contractée à cette occasion, la différence entre le produit retiré de la cession et celui qui aurait pu en être retiré en l'absence des décisions illégales peut être appréciée à 510 000 euros. Si le ministre des solidarités et de la santé soutient qu'il convient de retenir une valeur vénale réelle nettement supérieure, compte tenu du ratio de 80 % constaté en 2015 entre prix de cession et chiffre d'affaires des officines, il résulte des documents qu'il produit que ce ratio varie selon la taille de l'officine et n'était, en 2016, que de 53 % pour les officines de moins d'un million d'euros. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la méthode de valorisation par l'excédent brut d'exploitation retenue par le rapport d'expertise aboutirait à des résultats sensiblement différents de la méthode de valorisation par le chiffre d'affaires également courante dans la profession. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la SARL Pharmacie D... du fait de l'ouverture illégale de la pharmacie de Mme F... en fixant à 510 000 euros le montant de l'indemnité qui lui est due au titre de la perte de valeur vénale de l'officine qu'elle exploitait. Contrairement à ce que soutient le ministre des solidarités et de la santé, il n'en résulte pas une réparation excédant le montant total demandé devant les premiers juges.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros à verser à la SARL Pharmacie D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 7 décembre 2018 est annulé en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation de la perte de valeur vénale de la pharmacie D....

Article 2 : L'Etat versera à la SARL Pharmacie D... une somme de 510 000 euros au titre de la perte de valeur vénale de l'officine qu'elle exploitait, portant ainsi le total de la somme due à cette société à 699 517 euros.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 20 octobre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par la SARL Pharmacie D... devant la cour administrative d'appel de Nantes au titre de l'indemnisation du même chef de préjudice est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera une somme de 2 500 euros à la SARL Pharmacie D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à la SARL Pharmacie D..., première dénommée, pour l'ensemble des requérants, et au ministre des solidarités et de la santé.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 18 nov. 2020, n° 427839
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Manon Chonavel
Rapporteur public ?: Mme Marie Sirinelli
Avocat(s) : SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 18/11/2020
Date de l'import : 24/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 427839
Numéro NOR : CETATEXT000042538293 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-11-18;427839 ?
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