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05/11/2020 | FRANCE | N°429770

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 05 novembre 2020, 429770


Vu la procédure suivante :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'établissement public administratif (EPA) La Masse des douanes à lui verser les sommes de 87 322,79 euros et de 30 000 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable, en réparation des préjudices matériel et moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant pour lui des conditions dans lesquelles cet établissement a émis et recouvré divers titres de recette. Par un jugement n° 1400149 du 13 juillet 2016, le tribunal admi

nistratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°16BX02789 du 13 février ...

Vu la procédure suivante :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers de condamner l'établissement public administratif (EPA) La Masse des douanes à lui verser les sommes de 87 322,79 euros et de 30 000 euros, assorties des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable, en réparation des préjudices matériel et moral et des troubles dans les conditions d'existence résultant pour lui des conditions dans lesquelles cet établissement a émis et recouvré divers titres de recette. Par un jugement n° 1400149 du 13 juillet 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un arrêt n°16BX02789 du 13 février 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux, a rejeté l'appel formé par M. C... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire enregistrés les 15 avril 2019, 15 juillet 2019 et 30 septembre 2020 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'EPA La Masse des douanes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 97-1181 du 24 décembre 1997 ;

- le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme B... A..., auditrice,

- les conclusions de Mme Cécile Barrois de Sarigny, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Colin-Stoclet, avocat de M. C... et à la SCP Foussard, Froger, avocat de l'EPA La Masse des douanes.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 22 janvier 1990, le directeur interrégional des douanes d'Ile-de-France a attribué à M. D... C..., agent des douanes, un logement situé Cité de Tremblay I, 13 allée Berthelot à Tremblay-en-France (Seine Saint-Denis). Le directeur de l'établissement public administratif (EPA) La Masse des douanes, venu aux droits de l'Etat, a émis et rendu exécutoire des titres de recettes pour le paiement par M. C... de redevances d'occupation et de charges dues par ce dernier au titre du solde des années 1993 et 1994 et de la période du 1er janvier 1995 au 31 mai 2000, pour un montant total de 25 822,79 euros. L'EPA La Masse des douanes a rejeté la réclamation du 21 octobre 2013 de M. C... tendant à la réparation des préjudices matériels et moraux ainsi que des troubles dans les conditions d'existence qu'il estime avoir subis. Par un arrêt du 13 février 2019, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par M. C... contre le jugement par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'établissement public à l'indemniser de ces préjudices. M. C... se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Pour rejeter les conclusions indemnitaires de M. C..., la cour administrative d'appel de Bordeaux a jugé que ce dernier n'était pas fondé à exciper de l'illégalité des titres exécutoires émis à son encontre par l'EPA La Masse des douanes. En se déterminant ainsi, alors que l'illégalité d'une décision non réglementaire constitutive d'une faute peut être invoquée à l'appui d'une demande d'indemnité tendant à la réparation du préjudice causé par cette décision, sans qu'y fasse obstacle la circonstance qu'elle soit devenue définitive, la cour a commis une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé.

3. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

4. Aux termes de l'article 1er du décret du 24 décembre 1997 portant statut de La Masse des douanes, alors en vigueur : " Il est créé un établissement public national à caractère administratif doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière appelé la Masse des douanes. La Masse des douanes est placée sous la tutelle du ministre chargé des douanes. (...) ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " La Masse des douanes a pour mission de pourvoir au logement des agents des services déconcentrés de la direction générale des douanes et droits indirects, dans les localités où les nécessités du service l'exigent et où les logements font défaut ou sont d'un prix trop élevé (...) ". Aux termes de l'article 35 du même décret : " Les droits et obligations de l'Etat relatifs au service de la Masse des douanes sont transférés à l'établissement public (...) ".

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le directeur interrégional des douanes d'Ile-de-France a, par une décision du 22 janvier 1990, attribué un logement à M. C.... La circonstance que cette attribution a résulté d'un acte unilatéral et non d'une convention ne dispensait pas l'intéressé de l'obligation de payer le montant des redevances, loyers ou charges afférents à cette occupation.

6. En deuxième lieu, si antérieurement à la création de l'établissement public national à caractère administratif doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière par le décret du 24 décembre 1997 visé au point 4, La Masse des douanes était un service de l'Etat, les droits et obligations de l'Etat relatifs à ce service ont été, en application de l'article 35 du décret précité, transférés à l'EPA. S'agissant des créances d'occupation des logements détenues antérieurement par l'Etat sur ses agents des douanes logés par le service, ces dispositions ne limitent pas la substitution qu'elles prévoient aux seules créances nées de convention d'occupation de logement. En outre, la seule circonstance que La Masse des Douanes était antérieurement à la création de l'établissement public un service de l'Etat ne privait pas celui-ci de la possibilité d'émettre des titres exécutoires pour obtenir le paiement des créances dues au titre de l'occupation d'un logement géré par ce service. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'EPA La Masse des douanes ne pouvait légalement détenir à son encontre aucune créance à recouvrer à raison de l'occupation d'un logement attribué antérieurement à 1998.

7. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que M. C... a été placé en disponibilité d'office pour raisons de santé à compter du 7 novembre 1992 par un arrêté du 7 mai 1993 et a réintégré son administration le 7 décembre 1993. Si, comme il le fait valoir, se trouvant ainsi placé, pendant la période de disponibilité, hors de son administration ou service d'origine en vertu de l'article 51 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, il ne pouvait prétendre au maintien dans son logement de fonction, il ne s'en déduit pas, contrairement à ce qu'il soutient, ni qu'il devait être regardé comme l'ayant libéré, ni comme étant dispensé de son obligation de donner congé de cette occupation.

8. En quatrième lieu, si M. C... soutient qu'il disposait d'une autre résidence connue de l'administration, qu'il n'aurait pas été vu dans son logement de fonction ou qu'il aurait résilié auprès des fournisseurs les abonnements de gaz et d'électricité de ce logement, ces circonstances sont, en tout état de cause, sans influence sur le bien-fondé des créances aussi longtemps que ce logement a pu être regardé, en l'absence de préavis, de congé ou d'état des lieux de sortie ou de toute autre procédure attestant la libération du logement, comme occupé irrégulièrement par l'agent, soit en l'espèce jusqu'au 31 mai 2000, date à laquelle il a été vidé les derniers effets lui appartenant.

9. En dernier lieu, il ne résulte pas de l'instruction que les quelques erreurs matérielles vénielles relatives à l'adresse de l'intéressé figurant sur certains titres exécutoires relevées par ce dernier aient pu compromettre l'identification du débiteur de la créance. M. C... n'établit pas davantage que les titres ne comportaient pas de base de liquidation en se bornant à relever que la mention de la redevance d'occupation était erronée dès lors que, selon lui, il n'occupait plus son logement depuis le 7 novembre 1992. Il se borne par ailleurs à alléguer que les signataires des titres exécutoires ne disposaient d'aucune délégation de signature. Enfin, et alors qu'il ne conteste pas avoir reçu notification des titres exécutoires, la seule circonstance que l'administration n'aurait pas usé de son adresse à La Rochelle connue d'elle est sans influence sur la validité des titres eux-mêmes. M. C... n'est, par suite, pas fondé à soutenir que les titres exécutoires contestés seraient entachés d'irrégularité. Au demeurant, ainsi qu'il a été dit, M. C... n'établit pas que la créance de l'administration était dépourvue de bien-fondé.

10. Ainsi, M. C..., qui n'établit pas que l'administration aurait commis une faute, n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande indemnitaire.

11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la substitution de motifs demandée par l'EPA La Masse des douanes, que la requête de M. C... doit être rejetée.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EPA La masse des douanes le versement d'une somme à M. C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. C... la somme de 2 000 euros à verser à l'EPA La Masse des Douanes au même titre.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.

Article 2 : La requête de M. C... devant la cour administrative d'appel de Bordeaux est rejetée.

Article 3 : M. C... versera à l'EPA la Masse des douanes la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. D... C... et à l'établissement public administratif La Masse des douanes.


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 429770
Date de la décision : 05/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 nov. 2020, n° 429770
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Louise Cadin
Rapporteur public ?: Mme Cécile Barrois de Sarigny
Avocat(s) : CABINET COLIN-STOCLET ; SCP FOUSSARD, FROGER

Origine de la décision
Date de l'import : 11/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:429770.20201105
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