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04/11/2020 | FRANCE | N°435295

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 04 novembre 2020, 435295


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société BNP Paribas Securities Services a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 et du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. Par un jugement n° 1307739 et 1308039 du 15 décembre 2014 et un jugement n° 1600070 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.r>
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société BNP Paribas Securities Services a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des périodes allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 et du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. Par un jugement n° 1307739 et 1308039 du 15 décembre 2014 et un jugement n° 1600070 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses demandes.

Par un arrêt n° 15VE00454 et 17VE01071 du 19 septembre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a annulé ces jugements et prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société BNP Paribas Securities Services à concurrence, en principal, de 7 643 013 euros au titre de la période allant du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2011 et de 5 598 923 euros au titre de la période allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Procédures devant le Conseil d'Etat

1° Sous le numéro 435295, par un pourvoi et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 octobre 2019 et 17 janvier 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'action et des comptes publics demande au Conseil d'Etat d'annuler l'article 2 de cet arrêt.

2° Sous le numéro 436082, par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 19 novembre 2019 et 17 février 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société BNP Paribas Securities Services demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'article 3 de cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

....................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la directive n°2006/112/C6 du 28 novembre 2006 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pauline Berne, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de société BNP Paribas Securities Services ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société BNP Paribas Securities Services, qui exerce une activité d'intermédiation financière, a fait l'objet de vérifications de comptabilité portant, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur les périodes du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2011 et du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. A l'occasion de ces contrôles, l'administration fiscale a estimé que la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé l'acquisition des biens et services utilisés exclusivement pour les opérations internes réalisées avec les succursales établies dans les pays membres de l'Union européenne ne pouvait ouvrir droit à déduction au motif que ces opérations étaient situées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, mais a toutefois admis, par mesure de tempérament, la déduction d'une fraction de la taxe en cause en tenant compte des proportions d'opérations imposables à la taxe sur la valeur ajoutée de ces exploitations dans leur pays d'implantation. L'analyse ainsi retenue par l'administration fiscale l'a conduite, outre des rappels concernant le droit à déduction, à procéder à des corrections de crédit de taxe sur la valeur ajoutée non spontanément effectuées par la société. Par deux jugements du 15 décembre 2014 et du 9 février 2017, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté les demandes en décharge présentées par la société BNP Paribas Securities Services. Sous le numéro 435295, le ministre se pourvoit en cassation contre l'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 19 septembre 2019 en tant qu'il a, après avoir annulé ces jugements, déchargé la société BNP Paribas Securities Services des rappels de taxe sur la valeur ajoutée afférents aux crédits de cette taxe reportée à tort aux 1er janvier 2007, 2010 et 2012. Sous le numéro 436082, la société se pourvoit en cassation contre l'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 19 septembre 2019 en tant qu'il a, après avoir annulé ces jugements et déchargé la société d'une partie des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, refusé la décharge des rappels résultant des opérations effectuées, entre 2007 et 2013, avec ses succursales de Francfort, Londres et Madrid. Il y a lieu de joindre ces deux pourvois pour statuer par une seule décision.

Sur les conclusions du pourvoi du ministre :

2. La cour administrative d'appel, après avoir jugé que l'administration avait pu légalement procéder, pour la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2009, au rappel du crédit de taxe sur la valeur ajoutée que la société n'avait pas spontanément corrigé à la suite du rehaussement de cette taxe à hauteur de 2 995 157 euros résultant de la vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2005, a néanmoins prononcé la décharge de ce rappel. En statuant ainsi, la cour a entaché sa décision d'une contradiction de motifs.

3. La société BNP Paribas Securities Services soutient cependant que le rappel de ce crédit de taxe était atteint par la prescription et demande que ce motif soit substitué à celui qu'a retenu la cour. Elle conteste l'arrêt en ce qu'il juge que l'administration, pour la détermination du montant de la taxe due au cours de la période soumise à vérification, est en droit de contrôler toutes les opérations qui ont concouru à la formation du crédit de taxe déductible quelles qu'en puissent être les dates, sans que le contrôle ainsi exercé constitue, eu égard à son objet et aux limites qui lui sont assignées, une extension irrégulière de la procédure de vérification de la comptabilité à des années atteintes par la prescription prévue à l'article L. 176 du livre des procédures fiscales. Mais, en jugeant ainsi, la cour, qui a au demeurant nécessairement répondu, par ce motif, au moyen invoqué, n'a pas commis d'erreur de droit.

4. Enfin, si la société BNP Paribas Securities Services conteste ce rappel de crédit de taxe soit en se référant aux règles dégagées par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-165/17 du 24 janvier 2019, la substitution de motifs qu'elle demande sur ce point, qui implique l'appréciation de circonstances de faits, ne peut être accueillie.

5. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'action et des comptes publics est fondé à demander l'annulation de l'article 2 de l'arrêt qu'il attaque en tant qu'il a prononcé la décharge de la somme de 2 995 157 euros correspondant au rappel de crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2007 et relatif à l'imputation erronée d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée résultant du contrôle de la société au titre des années 2004 et 2005.

Sur les conclusions du pourvoi de la société BNP Paribas Securities Services :

6. D'une part, aux termes de l'article 2 de la directive 2006/112 : " 1. Sont soumises à la TVA les opérations suivantes : (...) c) les prestations de service, effectuées à titre onéreux sur le territoire d'un Etat-membre par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 11 de la même directive : " (...) chaque Etat membre peut considérer comme un seul assujetti les personnes établies sur le territoire de ce même Etat membre qui sont indépendantes du point de vue juridique mais qui sont étroitement liées entre elles sur les pans financiers, économique et de l'organisation ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-7/13 du 17 septembre 2014, que les prestations de services fournies par un établissement principal à sa succursale établie dans un autre État membre constituent des opérations imposables quand cette dernière est membre d'un groupement de TVA.

7. D'autre part, aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes du V de l'article 271 du même code, " ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que s'ils étaient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée / d) Les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France (...) ".

8. Pour refuser de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée liées aux refacturations de coûts effectuées par la société vers ses succursales sises à Francfort, Londres et Madrid au titre de la période du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2011 et au titre de celle allant du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, la cour, après avoir relevé que ces succursales sont membres de groupements de taxe sur la valeur ajoutée et bénéficient donc de la qualité d'assujetties distinctes de la société BNP Paribas Securities Services, a jugé que cette dernière ne fournissait aucune précision sur les opérations réalisées par les groupements respectifs permettant de déterminer le caractère déductible de la taxe grevant les dépenses supportées par elle selon qu'elles sont affectées à des opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ou à des opérations exonérées. En statuant ainsi, alors que le caractère déductible de la taxe grevant les dépenses réalisées par la société mère dépendait de l'opération de refacturation aux groupements auxquels appartiennent ces succursales et non pas des opérations ultérieures réalisées par ces groupements, la cour a commis une erreur de droit.

9. Il résulte de ce qui précède que la société BNP Paribas Securities Services est fondée à demander l'annulation de l'article 3 de l'arrêt en tant qu'il a refusé de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur mis à sa charge en raison des opérations de réallocations de coûts réalisées avec ses succursales de Francfort, Madrid et Londres au titre des périodes allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2011 et du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.

10. Au titre du pourvoi numéro 435295, les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans cette instance. Au titre du pourvoi numéro 436082, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la société BNP Paribas Securities Services.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 19 septembre 2019 est annulé en tant qu'il prononce la décharge de la somme de 2 995 157 euros correspondant au rappel de crédit de taxe sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2007 et relatif à l'imputation erronée d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée résultant du contrôle de la société BNP Paribas Securities Services au titre des années 2004 et 2005.

Article 2 : L'article 3 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Versailles du 19 septembre 2019 est annulé en tant qu'il refuse de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société BNP Paribas Securities Services en raison des opérations de réallocations de coûts réalisées avec ses succursales de Francfort, Madrid et Londres au titre des périodes allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2011 et du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013.

Article 3 : L'affaire est renvoyée, dans cette double mesure, à la cour administrative d'appel de Versailles.

Article 4 : L'Etat versera à la société BNP Paribas Securities Services la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions présentées par cette société, sous le numéro 435295, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'économie, des finances et de la relance et à la société BNP Paribas Securities Services.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 435295
Date de la décision : 04/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 04 nov. 2020, n° 435295
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pauline Berne
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:435295.20201104
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