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20/10/2020 | FRANCE | N°433404

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 20 octobre 2020, 433404


Vu la procédure suivante :

L'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Amiens, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de prononcer la suspension de l'exécution de l'arrêté du 7 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Oise a modifié son arrêté du 15 janvier 2016 portant autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement pour la création d'un stade de football dans la commune de Chambly. Par une ordonnance n° 1901827 du 4 juillet 2019, le juge des

référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi, un mémoire en réplique ...

Vu la procédure suivante :

L'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Amiens, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de prononcer la suspension de l'exécution de l'arrêté du 7 décembre 2018 par lequel le préfet de l'Oise a modifié son arrêté du 15 janvier 2016 portant autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement pour la création d'un stade de football dans la commune de Chambly. Par une ordonnance n° 1901827 du 4 juillet 2019, le juge des référés a rejeté sa demande.

Par un pourvoi, un mémoire en réplique et un nouveau mémoire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 7 août 2019 et les 13 février et 4 août 2020, l'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au profit de la SCP Baraduc-Duhamel-Rameix, son avocat, au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 2018-435 du 4 juin 2018 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Joachim Bendavid, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de l'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches et à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la commune de Chambly.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par un arrêté du 15 janvier 2016, le préfet de l'Oise a autorisé, au titre des dispositions du I de l'article L. 214-3 du code de l'environnement, le projet de construction par la commune de Chambly d'un complexe sportif comprenant notamment la réalisation, sur une parcelle cadastrée AR n° 36, d'un terrain de football, que la préfète de la région Picardie a dispensé d'évaluation environnementale par arrêté du 4 août 2015. La commune de Chambly a souhaité apporter des modifications à son projet en prévoyant notamment l'extension de sa superficie de 4,4 à 10,2 hectares. Par un arrêté du 7 décembre 2018 modifiant l'arrêté du 15 janvier 2016, le préfet de l'Oise a autorisé ces modifications. L'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 4 juillet 2019 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens, statuant sur le fondement des dispositions de l'article L. 522-3 du code de justice administrative, a rejeté sa demande de suspension de ce second arrêté.

Sur le pourvoi :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ".

3. En premier lieu, aux termes du I de l'article L. 214-3 du code de l'environnement : " I. - Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. / Cette autorisation est l'autorisation environnementale régie par les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier, sans préjudice de l'application des dispositions du présent titre ". Aux termes de l'article R. 214-6 du même code : " L'autorisation instituée par le I de l'article L. 214-3 est délivrée dans les conditions prévues par le chapitre unique du titre VIII du livre Ier ". Aux termes de l'article L. 188-1 du même code ainsi rendu applicable : " Le pétitionnaire fournit un dossier (...) qui comprend notamment l'étude d'impact prévue par le III de l'article L. 122-1 " relatif à l'évaluation environnementale " ou une étude d'incidence environnementale lorsque le projet n'est pas soumis à évaluation environnementale ".

4. En deuxième lieu, aux termes du II de l'article L. 122-1 du code de l'environnement : " II. - Les projets qui, par leur nature, leur dimension ou leur localisation, sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine font l'objet d'une évaluation environnementale en fonction de critères et de seuils définis par voie réglementaire et, pour certains d'entre eux, après un examen au cas par cas effectué par l'autorité environnementale (...) ". Aux termes des I et II de l'article R. 122-2 du même code : " I. - Les projets relevant d'une ou plusieurs rubriques énumérées dans le tableau annexé au présent article font l'objet d'une évaluation environnementale, de façon systématique ou après un examen au cas par cas, en application du II de l'article L. 122-1, en fonction des critères et des seuils précisés dans ce tableau. / (...) II. - Les modifications ou extensions de projets déjà autorisés, qui font entrer ces derniers, dans leur totalité, dans les seuils éventuels fixés dans le tableau annexé ou qui atteignent en elles-mêmes ces seuils font l'objet d'une évaluation environnementale ou d'un examen au cas par cas (...) ". En vertu de la rubrique n° 39 du tableau annexé à cet article, dans sa rédaction applicable au présent litige, postérieurement à l'entrée en vigueur du décret du 4 juin 2018 modifiant des catégories de projets, plans et programmes relevant de l'évaluation environnementale, sont soumises à évaluation environnementale les " opérations d'aménagement dont le terrain d'assiette est supérieur ou égal à 10 ha ".

5. Enfin, aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'environnement : " Si une requête déposée devant la juridiction administrative contre une autorisation ou une décision d'approbation d'un projet visé au I de l'article L. 122-1 est fondée sur l'absence d'étude d'impact, le juge des référés, saisi d'une demande de suspension de la décision attaquée, y fait droit dès que cette absence est constatée ".

6. Il résulte des termes mêmes de l'ordonnance attaquée que, pour rejeter la demande de suspension présentée par l'association requérante, alors qu'il était constant que l'arrêté contesté portait sur un projet visé au I de l'article L.122-1 du code de l'environnement et qu'il ne comportait pas d'étude d'impact, le juge des référés a jugé que l'étude d'impact n'était en l'espèce pas requise, alors même qu'il portait sur une opération dont le terrain d'assiette dépassait 10 hectares, en se fondant sur une réserve figurant à la rubrique n° 39 du tableau annexé à l'article R. 122-2 du code de l'environnement. En statuant ainsi, alors que le décret du 4 juin 2018 modifiant des catégories de projets, plans et programmes relevant de l'évaluation environnementale a abrogé cette réserve prévue à la rubrique n° 39, le juge des référés du tribunal administratif d'Amiens a commis une erreur de droit. Ce moyen, qui est né de l'ordonnance attaquée et présente, au surplus, le caractère d'un moyen d'ordre public, n'est, contrairement à ce que soutient en défense la commune de Chambly, pas nouveau en cassation.

7. Si la commune de Chambly soutient en défense que le dispositif de l'ordonnance attaquée est en tout état de cause justifié par l'autre motif retenu par le juge des référés, tiré de ce que le bénéfice des dispositions de l'article L. 122-2 du code de l'environnement ne peut être utilement invoqué pour obtenir la suspension d'un arrêté pris sur le fondement de l'article L. 214-3 du même code, il résulte toutefois des dispositions citées ci-dessus des articles L. 214-3, L. 181-8 et R. 214-6 du code de l'environnement que l'autorisation prévue par le I de l'article L. 214-3 de ce code est la même autorisation environnementale que celle prévue par les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier du code de l'environnement, dont l'obtention est conditionnée par la fourniture, le cas échéant, de l'étude d'impact prévue par le III de l'article L. 122-1. Le moyen tiré de ce que ce motif justifierait le dispositif de l'ordonnance attaquée doit, par suite, être écarté.

8. Il résulte de ce qui précède que l'association requérante est fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque, sans que la commune de Chambly puisse sérieusement et utilement soutenir que le principe de sécurité juridique fait obstacle à l'annulation d'une ordonnance de rejet entachée d'erreur de droit.

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au titre de la procédure de référé engagée, en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

Sur la demande de suspension :

10. Il résulte de l'instruction que la modification apportée par la commune de Chambly au projet qui avait été autorisé au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement par l'arrêté du préfet de l'Oise du 15 janvier 2016 prévoit, ainsi qu'il a été dit, l'extension de la superficie totale du projet à 10,2 hectares. Le projet ainsi modifié constitue par suite une modification ou extension d'un projet déjà autorisé qui le fait entrer, pris dans sa totalité, parmi les travaux, constructions et opérations dont le terrain d'assiette couvre une superficie supérieure ou égale à 10 hectares, que les dispositions de l'article R. 122-2 citées ci-dessus soumettent à évaluation environnementale systématique par application de la rubrique n° 39 du tableau qui leur est annexé.

11. En l'absence d'une nouvelle évaluation environnementale, il résulte des dispositions de l'article L. 122-2 du code de l'environnement citées ci-dessus que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa demande, l'association requérante est fondée à demander la suspension de l'exécution de l'arrêté du préfet de l'Oise du 7 décembre 2018.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Baraduc-Duhamel-Rameix, avocat de l'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance n° 1902827 du 4 juillet 2019 du juge des référés du tribunal administratif d'Amiens est annulée.

Article 2 : L'exécution de l'arrêté du préfet de l'Oise du 7 décembre 2018 modifiant l'arrêté préfectoral du 15 janvier 2016 portant autorisation au titre de l'article L. 214-3 du code de l'environnement est suspendue.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Baraduc-Duhamel-Rameix la somme de 3 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Chambly au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à l'association pour l'aménagement de la vallée de l'Esches, à la commune de Chambly, à la ministre de la transition écologique et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 20 oct. 2020, n° 433404
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Joachim Bendavid
Rapporteur public ?: M. Nicolas Polge
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP DELAMARRE, JEHANNIN

Origine de la décision
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 20/10/2020
Date de l'import : 03/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 433404
Numéro NOR : CETATEXT000042451972 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-10-20;433404 ?
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