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16/10/2020 | FRANCE | N°429283

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 16 octobre 2020, 429283


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des aéroports français et francophones associés demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 1807 du 25 octobre 2018 de l'Autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires et la décision implicite de rejet de son recours gracieux présenté le 20 décembre 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice adminis

trative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2009/12/CE du Parl...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'Union des aéroports français et francophones associés demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision n° 1807 du 25 octobre 2018 de l'Autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires et la décision implicite de rejet de son recours gracieux présenté le 20 décembre 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2009/12/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2009 sur les redevances aéroportuaires ;

- le code des transports ;

- le code de l'aviation civile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Fabio Gennari, auditeur,

- les conclusions de M. Guillaume Odinet, rapporteur public,

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de l'Autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires ;

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision n° 1807 du 25 octobre 2018 " relative aux éléments nécessaires à l'examen par l'autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires des demandes d'homologation tarifaire ", l'Autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires, dont les attributions sont désormais exercées par l'Autorité de régulation des transports, a, d'une part, dressé la liste des documents conditionnant la recevabilité de la notification de tarifs des redevances aéroportuaires et, d'autre part, fixé une liste des autres éléments qu'elle estime nécessaires à l'instruction de la demande d'homologation de ces tarifs aéroportuaires. L'Union des aéroports français et francophones associés demande l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision.

Sur le cadre juridique :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 6325-1 du code des transports, dans sa rédaction alors applicable : " Les services publics aéroportuaires rendus sur les aérodromes ouverts à la circulation aérienne publique donnent lieu à la perception de redevances pour services rendus (...) ". Selon l'article R. 224-8 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction alors applicable, " Une autorité de supervision indépendante (...) est chargée (...) d'homologuer, dans les conditions fixées aux articles R. 224-3-2 à R. 224-3-4, les tarifs des redevances mentionnées à l'article R. 224-2 ".

3. D'autre part, aux termes du troisième alinéa de l'article R. 224-3-3 du code de l'aviation civile dans sa rédaction applicable, la notification par l'exploitant des tarifs des redevances à l'Autorité de supervision en vue de leur homologation " est accompagnée des éléments mentionnés à l'article R. 224-3-1 et au IV de l'article R. 224-3, de l'avis de la commission consultative économique de l'aérodrome (...) ". L'article R. 224-3-1 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction applicable au litige a prévu que : " Les tarifs des redevances sont fixés en tenant compte des prévisions d'évolution du trafic de passagers et de marchandises sur l'aérodrome ou les aérodromes considérés ainsi que des éléments suivants : - les objectifs d'évolution des charges, tenant compte notamment de l'évolution de la qualité des services fournis aux usagers et de celle de la productivité de l'exploitant ; - les prévisions d'évolution des recettes ; - les programmes d'investissements et leur financement. / Il peut être aussi tenu compte des profits dégagés par des activités de l'exploitant autres que les services mentionnés à l'article R. 224-1. / L'exploitant d'aérodrome reçoit, compte tenu de ces éléments, une juste rémunération des capitaux investis, appréciée au regard du coût moyen pondéré de son capital calculé sur le périmètre d'activités mentionné à l'alinéa suivant. / Un arrêté du ministre chargé de l'aviation civile précise les conditions d'application du présent article, notamment pour la définition du périmètre des activités et services pris en compte ". Les éléments mentionnés au IV de l'article R. 224-3 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, sont les suivants : " a) Des informations sur les résultats et les prévisions de trafic sur l'aérodrome ou les aérodromes concernés ; / b) Des informations sur les éléments servant de base à la détermination des tarifs des redevances sur l'aérodrome ou les aérodromes concernés ; / c) Des éléments sur les résultats et les prévisions d'investissement sur l'aérodrome ou les aérodromes concernés. ".

4. Enfin, le II de l'article R. 224-3-4 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction en vigueur, dispose que " L'autorité administrative chargée de l'homologation peut demander à l'exploitant d'aérodrome de lui transmettre tout élément permettant de justifier sa proposition tarifaire. (...) " et le III du même article prévoit que les tarifs sont réputés homologués à moins que l'autorité n'y fasse opposition dans un délai d'un mois suivant la réception de la notification et de l'ensemble des documents qui en conditionnent la recevabilité. Il résulte de ce même article que, lorsqu'elle homologue les tarifs, l'Autorité s'assure notamment de ce que les tarifs respectent les règles générales applicables aux redevances, qu'ils sont non discriminatoires, que leur évolution est modérée et, en l'absence de contrat de régulation, que l'exploitant d'aérodrome reçoit une juste rémunération des capitaux investis appréciée au regard du coût moyen pondéré de son capital calculé sur le périmètre d'activités précisé par l'arrêté mentionné à l'article R. 224-3-1.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

5. Les documents de portée générale émanant d'autorités publiques, matérialisés ou non, tels que les circulaires, instructions, recommandations, notes, présentations ou interprétations du droit positif peuvent être déférés au juge de l'excès de pouvoir lorsqu'ils sont susceptibles d'avoir des effets notables sur les droits ou la situation d'autres personnes que les agents chargés, le cas échéant, de les mettre en oeuvre. Ont notamment de tels effets ceux de ces documents qui ont un caractère impératif ou présentent le caractère de lignes directrices.

6. Il appartient au juge d'examiner les vices susceptibles d'affecter la légalité du document en tenant compte de la nature et des caractéristiques de celui-ci ainsi que du pouvoir d'appréciation dont dispose l'autorité dont il émane. Le recours formé à son encontre doit être accueilli notamment s'il fixe une règle nouvelle entachée d'incompétence, si l'interprétation du droit positif qu'il comporte en méconnaît le sens et la portée ou s'il est pris en vue de la mise en oeuvre d'une règle contraire à une norme juridique supérieure.

En ce qui concerne la liste des documents conditionnant la recevabilité de la notification :

7. La liste des documents conditionnant la recevabilité de la notification que comporte la décision litigieuse présente, en en détaillant le contenu, les différents documents ou informations dont les dispositions du code de l'aviation civile mentionnées au point 3 prévoient qu'ils accompagnent la notification par l'exploitant des tarifs des redevances à l'Autorité de supervision en vue de leur homologation.

8. Si l'union requérante soutient qu'en exigeant des informations portant sur " les profits et les actifs relatifs aux activités autres que les services publics aéroportuaires ", l'Autorité a ajouté à ces dispositions, il résulte des termes mêmes de l'article R. 224-3-1 du code de l'aviation civile que, parmi les éléments devant être adressés à l'Autorité pour que le délai d'opposition commence à courir, figurent les éléments ayant servi à l'élaboration de proposition tarifaire, y compris s'ils sont relatifs à des services qui ne sont pas financés par les redevances. Par suite, les conclusions de la requête dirigées contre cette liste ne peuvent qu'être rejetées.

En ce qui concerne les autres éléments nécessaires à l'instruction de la demande d'homologation :

9. En vertu des dispositions du II de l'article R. 224-3-4 du code de l'aviation civile citées au point 4, l'Autorité de supervision indépendante peut demander à l'exploitant tout élément permettant de justifier sa proposition tarifaire. En établissant la seconde liste de documents prévue par la décision attaquée, l'Autorité a entendu déterminer et faire connaître à l'avance les éléments complémentaires dont elle juge devoir disposer pour procéder à l'examen des demandes d'homologation. Eu égard aux prérogatives qu'elle tient des dispositions de l'article R. 224-3-4 du code de l'aviation civile, l'Autorité avait compétence pour établir ainsi, sous forme de lignes directrices, la liste des documents qui lui apparaissent nécessaires afin d'assurer la mission qui est la sienne.

10. Il en résulte, en premier lieu, que l'Autorité pouvait, sans erreur de droit, inclure dans cette seconde liste des éléments ne se limitant pas aux informations qui doivent obligatoirement accompagner les notifications en vertu des dispositions combinées des articles R. 224-3-3 et R. 224-3-1 du code de l'aviation civile. Si l'Autorité a inclus dans cette liste " l'ensemble des informations financières devant, en application de l'article 75 du cahier des charges type applicable aux concessions aéroportuaires de l'Etat, être transmises chaque année aux ministres chargés de l'aviation civile et de l'économie ", la seule circonstance que ces informations doivent être transmises à ces ministres ne saurait impliquer que l'Autorité aurait commis une erreur de droit en jugeant leur connaissance également nécessaire à l'exercice de son pouvoir d'homologation.

11. En deuxième lieu, l'Autorité a pu, sans erreur de droit, en particulier pour s'assurer que l'exploitant reçoit une juste rémunération des capitaux investis appréciée au regard du coût moyen pondéré de son capital calculé sur le périmètre d'activités précisé par l'arrêté mentionné à l'article R. 224-3-1, inclure dans cette liste des éléments relatifs aux activités hors périmètre régulé.

12. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier, en l'absence notamment de tout élément apporté en ce sens par l'organisation requérante, que l'Autorité aurait fait peser une charge excessive sur les exploitants d'aérodromes concernés en exigeant que les données relatives à l'évolution du trafic, au produit des redevances de service public aéroportuaire, aux charges et aux bases d'actifs correspondantes soient présentées " sur les cinq derniers exercices dans la mesure où elles sont disponibles " et que soient fournis des éléments prévisionnels pour les deux exercices à venir et estimés pour l'exercice en cours sur les activités hors périmètres régulés, incluant le compte d'exploitation, les éléments constitutifs de la base d'actifs immobilisés et l'estimation du besoin en fonds de roulement.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de l'Union des aéroports français et francophones associés ne peut qu'être rejetée, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à sa charge le versement d'une somme au même titre.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de l'Union des aéroports français et francophones associés est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par l'Autorité de supervision indépendante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à l'Union des aéroports français et francophones associés, à la ministre de la transition écologique et à l'Autorité de régulation des transports.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

ACTES LÉGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - DIFFÉRENTES CATÉGORIES D'ACTES - ACTES ADMINISTRATIFS - NOTION - INSTRUCTIONS ET CIRCULAIRES - DIRECTIVES ADMINISTRATIVES - COMPÉTENCE DE L'ASI POUR FIXER - PAR VOIE DE LIGNES DIRECTRICES - LA LISTE DES ÉLÉMENTS NÉCESSAIRES À L'INSTRUCTION D'UNE DEMANDE D'HOMOLOGATION DE TARIFS AÉROPORTUAIRES - EXISTENCE - EU ÉGARD À SES PRÉROGATIVES (ART - R - 224-3-4 DU CAC) - CONSÉQUENCE - POSSIBILITÉ D'INCLURE DANS CETTE LISTE DES ÉLÉMENTS AUTRES QUE CEUX DEVANT OBLIGATOIREMENT ACCOMPAGNER LES NOTIFICATIONS EN VERTU DES DISPOSITIONS DU CAC [RJ1].

01-01-05-03-03 Décision de l'Autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI), d'une part, dressant la liste des documents conditionnant la recevabilité de la notification de tarifs des redevances aéroportuaires et, d'autre part, fixant une liste des autres éléments qu'elle estime nécessaires à l'instruction de la demande d'homologation de ces tarifs aéroportuaires.,,,En vertu du II de l'article R. 224-3-4 du code de l'aviation civile (CAC), l'ASI peut demander à l'exploitant tout élément permettant de justifier sa proposition tarifaire. En établissant la seconde liste de documents prévue par la décision attaquée, l'Autorité a entendu déterminer et faire connaître à l'avance les éléments complémentaires dont elle juge nécessaire de devoir disposer pour procéder à l'examen des demandes d'homologation. Eu égard aux prérogatives qu'elle tient des dispositions de l'article R. 224-3-4 du CAC, l'Autorité avait compétence pour établir ainsi, sous forme de lignes directrices, la liste des documents qui lui apparaissent nécessaires afin d'assurer la mission qui est la sienne.,,,Il en résulte que l'Autorité pouvait, sans erreur de droit, inclure dans cette seconde liste des éléments ne se limitant pas aux informations qui doivent obligatoirement accompagner les notifications en vertu des dispositions combinées des articles R. 224-3-3 et R. 224-3-1 du CAC.

TRANSPORTS - TRANSPORTS AÉRIENS - AÉROPORTS - REDEVANCES ET TAXES AÉROPORTUAIRES - COMPÉTENCE DE L'ASI POUR FIXER - PAR VOIE DE LIGNES DIRECTRICES - LA LISTE DES ÉLÉMENTS NÉCESSAIRES À L'INSTRUCTION D'UNE DEMANDE D'HOMOLOGATION DE TARIFS AÉROPORTUAIRES - EXISTENCE - EU ÉGARD À SES PRÉROGATIVES (ART - R - 224-3-4 DU CAC) - CONSÉQUENCE - POSSIBILITÉ D'INCLURE DANS CETTE LISTE DES ÉLÉMENTS AUTRES QUE CEUX DEVANT OBLIGATOIREMENT ACCOMPAGNER LES NOTIFICATIONS EN VERTU DES DISPOSITIONS DU CAC [RJ1].

65-03-04-07 Décision de l'Autorité de supervision indépendante des redevances aéroportuaires (ASI), d'une part, dressant la liste des documents conditionnant la recevabilité de la notification de tarifs des redevances aéroportuaires et, d'autre part, fixant une liste des autres éléments qu'elle estime nécessaires à l'instruction de la demande d'homologation de ces tarifs aéroportuaires.,,,En vertu du II de l'article R. 224-3-4 du code de l'aviation civile (CAC), l'ASI peut demander à l'exploitant tout élément permettant de justifier sa proposition tarifaire. En établissant la seconde liste de documents prévue par la décision attaquée, l'Autorité a entendu déterminer et faire connaître à l'avance les éléments complémentaires dont elle juge nécessaire de devoir disposer pour procéder à l'examen des demandes d'homologation. Eu égard aux prérogatives qu'elle tient des dispositions de l'article R. 224-3-4 du CAC, l'Autorité avait compétence pour établir ainsi, sous forme de lignes directrices, la liste des documents qui lui apparaissent nécessaires afin d'assurer la mission qui est la sienne.,,,Il en résulte que l'Autorité pouvait, sans erreur de droit, inclure dans cette seconde liste des éléments ne se limitant pas aux informations qui doivent obligatoirement accompagner les notifications en vertu des dispositions combinées des articles R. 224-3-3 et R. 224-3-1 du CAC.


Références :

[RJ1]

Cf., sur la recevabilité du recours direct contre les lignes directrices et sur les cas d'illégalité de ces documents, CE, Section, 12 juin 2020, Groupe d'Information et de Soutien des Immigré.e.s (GISTI), n° 418142, à publier au Recueil.


Publications
Proposition de citation: CE, 16 oct. 2020, n° 429283
Mentionné aux tables du recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Fabio Gennari
Rapporteur public ?: M. Guillaume Odinet
Avocat(s) : SCP LYON-CAEN, THIRIEZ

Origine de la décision
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Date de la décision : 16/10/2020
Date de l'import : 05/11/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 429283
Numéro NOR : CETATEXT000042434230 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-10-16;429283 ?
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