Vu la procédure suivante :
M. A... D..., Mme B... F..., Mme C... I..., M. G... E... et Mme J... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, l'arrêté du préfet de l'Hérault du 11 mars 2015 fixant la liste des communes et des établissements publics de coopération intercommunale signataires d'un projet éducatif territorial, en tant qu'il vise la commune de Montpellier, et, d'autre part, le projet éducatif territorial de la commune de Montpellier du 11 mars 2015. Par un jugement n° 1503013 du 7 février 2017, le tribunal administratif a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 17MA01506 du 23 mai 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de M. D..., Mme F... et Mme H..., annulé ce jugement en tant qu'il concerne le projet éducatif territorial de la commune de Montpellier ainsi que cet acte et rejeté le surplus de leur appel.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique enregistrés les 23 juillet 2018, 23 octobre 2018 et 21 mai 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Montpellier demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il lui fait grief ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. D..., Mme F... et Mme H... ;
3°) de mettre à la charge de M. D..., Mme F... et Mme H... la somme de 2 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 ;
- le décret n° 2013-707 du 2 août 2013 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Céline Roux, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lyon-Caen, Thiriez, avocat de la commune de Montpellier et à la SCP Spinosi, Sureau, avocat de M. D... et de Mme H... ;
Considérant ce qui suit :
1. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République : " Des activités périscolaires prolongeant le service public de l'éducation, et en complémentarité avec lui, peuvent être organisées dans le cadre d'un projet éducatif territorial associant notamment aux services et établissements relevant du ministre chargé de l'éducation nationale d'autres administrations, des collectivités territoriales, des associations et des fondations, sans toutefois se substituer aux activités d'enseignement et de formation fixées par l'Etat. (...) / Le projet éducatif territorial vise notamment à favoriser, pendant le temps libre des élèves, leur égal accès aux pratiques et activités culturelles et sportives et aux nouvelles technologies de l'information et de la communication (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 2 août 2013 relatif au projet éducatif territorial et portant expérimentation relative à l'encadrement des enfants scolarisés bénéficiant d'activités périscolaires dans ce cadre : " I. - Le projet éducatif territorial dans le cadre duquel peuvent être organisées, en application de l'article L. 551-1 du code de l'éducation, des activités périscolaires pour les enfants scolarisés dans les écoles maternelles ou élémentaires, dans le prolongement du service public de l'éducation et en complémentarité avec lui, est élaboré conjointement par la commune, siège de ces écoles, ou l'établissement public de coopération intercommunale lorsque les dépenses de fonctionnement des écoles lui ont été transférées, par les services de l'Etat et les autres partenaires locaux, notamment associatifs ou autres collectivités territoriales. / Le projet éducatif territorial prend la forme d'une convention conclue entre le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, le préfet, le directeur académique des services de l'éducation nationale, agissant sur délégation du recteur d'académie, et, le cas échéant, les autres partenaires signataires, qui coordonnent leurs interventions pour organiser, dans l'enceinte de l'école ou dans les locaux de l'un des signataires, des activités périscolaires répondant aux besoins des enfants et dont la liste est annexée à la convention (...) ".
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un jugement du 7 février 2017, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande présentée par des parents d'élèves, en particulier M. D... et Mme H..., tendant à ce que soit annulé le projet éducatif territorial que la commune de Montpellier avait conclu le 11 mars 2015 avec l'Etat et la caisse d'allocations familiales de l'Hérault en application des dispositions citées au point 1. Par un arrêt du 23 mai 2018 contre lequel la commune de Montpellier se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement ainsi que le projet éducatif territorial de la commune de Montpellier.
3. Indépendamment du recours de pleine juridiction dont disposent les tiers à un contrat administratif pour en contester la validité, un tiers à un contrat est recevable à demander, par la voie du recours pour excès de pouvoir, l'annulation des clauses réglementaires contenues dans un contrat administratif qui portent une atteinte directe et certaine à ses intérêts. Revêtent un caractère réglementaire les clauses d'un contrat qui ont, par elles-mêmes, pour objet l'organisation ou le fonctionnement d'un service public.
4. Il ressort des écritures présentées devant les juges du fond que les requérants de première instance ont demandé l'annulation des clauses du projet éducatif territorial, conclu le 11 mars 2015 entre la commune de Montpellier, l'Etat et la caisse d'allocations familiales de l'Hérault, ayant pour objet de définir les instances d'élaboration et de coordination du projet ainsi que la composition de son comité de pilotage, d'établir la liste des types d'activités périscolaires, d'en prévoir les horaires et la fréquence selon que les écoles relèvent ou non des réseaux d'éducation prioritaire et de déterminer les personnels et les associations susceptibles d'y participer. Eu égard à leur objet, ces clauses revêtent un caractère réglementaire. Il suit de là qu'elles peuvent être contestées devant le juge administratif par la voie du recours pour excès de pouvoir. Par suite, en s'estimant saisie d'un litige de plein contentieux, la cour administrative d'appel de Marseille a commis une erreur sur l'étendue de ses pouvoirs, laquelle doit être relevée d'office par le juge de cassation. L'arrêt attaqué doit donc être annulé, dans la mesure de la cassation demandée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les moyens du pourvoi de la commune de Montpellier.
5. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. D... et Mme H... une somme au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Montpellier qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Les articles 1er, 2 et 3 de l'arrêt de la cour d'appel administrative de Marseille du 23 mai 2018 sont annulés.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans la mesure de la cassation prononcée, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Montpellier et par M. D... et Mme H... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Montpellier, à M. A... D..., à Mme J... et à Mme B... F....
Copie en sera adressée au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.