Vu les procédures suivantes :
L'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 février 2014 par lequel le maire de Ramatuelle a délivré aux sociétés Immobilière Méditerranée et Urban Coop Ramatuelle un permis de construire valant division parcellaire en vue de la création d'un hameau nouveau intégré à l'environnement sur un terrain situé au lieu-dit " Les Combes Jauffret ".
Par un jugement n° 1401537 du 27 septembre 2016, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 16MA04349 du 13 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a, sur appel de l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez ", annulé ce jugement ainsi que l'arrêté attaqué du 14 février 2014.
I° Sous le n° 427701, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un autre mémoire, enregistrés les 5 février, 3 mai 2019 et 13 juin 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Ramatuelle demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
II° Sous le n° 428068, par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire, un mémoire en réplique et un mémoire enregistrés les 15 février et 15 mai 2019 et les 28 janvier et 15 avril 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, les sociétés 3F Immobilière Méditerranée et Urban Coop Ramatuelle demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le même arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Catherine Calothy, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de la commune de Ramatuelle, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de l'association Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez et à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de la société 3 F Immobilière Méditerranée et de la société Urban Coop Ramatuelle ;
Considérant ce qui suit :
1. Les pourvois de la commune de Ramatuelle et des sociétés 3F Immobilière Méditerranée et Urban Coop Ramatuelle sont dirigés contre le même arrêt. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 14 février 2014, le maire de Ramatuelle a délivré à la société Immobilière Méditerranée, devenue 3F Immobilière Méditerranée, et à l'EURL Urban Coop Ramatuelle, un permis de construire pour la réalisation d'un hameau nouveau intégré à l'environnement au lieu-dit des " Combes Jauffret ", destiné à des logements accessibles aux foyers à revenus modestes ou moyens. Par un arrêt du 13 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce permis de construire au motif que le projet en litige ne présentait pas les caractéristiques d'un hameau nouveau intégré à l'environnement au sens des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors applicable.
3. Aux termes des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme alors applicables : " L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. (...) ". Un permis de construire ne peut être délivré sur le fondement de ces dispositions pour la réalisation d'une construction qui n'est pas en continuité avec les agglomérations et villages existants qu'à la condition que le projet soit conforme à la destination d'une zone délimitée par le document local d'urbanisme, dans laquelle celui-ci prévoit la possibilité d'une extension de l'urbanisation de faible ampleur intégrée à l'environnement par la réalisation d'un petit nombre de constructions de faible importance, proches les unes des autres et formant un ensemble dont les caractéristiques et l'organisation s'inscrivent dans les traditions locales.
4. Après avoir relevé que, bien que le projet litigieux soit conforme à la destination du secteur institué par le plan local d'urbanisme de la commune, il porte sur la réalisation de 8 corps de bâtiments collectifs d'une hauteur allant jusqu'à 12 mètres comportant 106 logements pour une surface de plancher de 7 351,73 m², et entraîne le défrichement de la partie du terrain qui constitue l'assiette des constructions, faisant ainsi obstacle à la bonne intégration de ces constructions dans l'environnement, la cour s'est fondée sur l'importance physique du projet en litige et le nombre de logements qu'il prévoit pour estimer qu'il ne présente pas les caractéristiques d'un hameau nouveau intégré à l'environnement au sens des dispositions précitées, sans répondre aux arguments tirés de ce que le site a été choisi pour permettre une bonne intégration du projet dans le paysage et que la taille du programme et l'organisation des bâtiments s'inspirent des traditions locales, et sans tenir compte de ces éléments pour apprécier si le projet peut être regardé comme un hameau nouveau intégré à l'environnement. Ce faisant, la cour a insuffisamment motivé son arrêt et l'a entaché d'une erreur de droit. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, la commune de Ramatuelle et les sociétés 3F Immobilière Méditerranée et Urban Coop Ramatuelle sont fondées à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Ramatuelle et des sociétés 3F Immobilière Méditerranée et Urban Coop Ramatuelle qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association " Vivre sur la presqu'île de Saint-Tropez " la somme de 2 000 euros à verser à la commune de Ramatuelle et la somme de 1000 euros à verser à la société 3F Immobilière Méditerranée et l'EURL Urban Coop Ramatuelle chacune, au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt n° 16MA04349 de la cour administrative d'appel de Marseille du 13 décembre 2018 est annulé.
Article 2 : Les affaires sont renvoyées à la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : L'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " versera la somme de 2 000 euros à la commune de Ramatuelle, la somme de 1 000 euros à la société 3F Immobilière Méditerranée et la somme de 1 000 euros à l'EURL Urban Coop Ramatuelle, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez " présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Ramatuelle, à l'association " Vivre dans la presqu'île de Saint-Tropez ", à la société 3F Immobilière Méditerranée et à l'EURL Urban Coop Ramatuelle.