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07/10/2020 | FRANCE | N°422836

France | France, Conseil d'État, 4ème chambre, 07 octobre 2020, 422836


Vu la procédure suivante :

M. C... D..., d'une part, et Mme B... E..., épouse D..., d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Paris a rejeté leur demande en date du 2 janvier 2014 tendant au passage anticipé de leur fille A... en classe de troisième au titre de l'année scolaire 2013-2014, ainsi que les décisions en ce sens du directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) chargé du second degré en date des 12 juillet 2013, 9 septembre 2013,

15 novembre 2013, 19 décembre 2013 et 6 février 2014 et la décision...

Vu la procédure suivante :

M. C... D..., d'une part, et Mme B... E..., épouse D..., d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Paris a rejeté leur demande en date du 2 janvier 2014 tendant au passage anticipé de leur fille A... en classe de troisième au titre de l'année scolaire 2013-2014, ainsi que les décisions en ce sens du directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN) chargé du second degré en date des 12 juillet 2013, 9 septembre 2013, 15 novembre 2013, 19 décembre 2013 et 6 février 2014 et la décision de la principale du collège du 19 juin 2013 tendant à ce que leur fille A... passe en classe de quatrième au titre de l'année scolaire 2013-2014, d'enjoindre sous astreinte l'admission immédiate de leur fille A... en classe de troisième dans un établissement public local d'enseignement au titre de l'année scolaire 2013-2014 et de condamner l'Etat à les indemniser des préjudices nés de ces décisions. Par un jugement n° 1406260 du 4 avril 2016, le tribunal administratif a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 16PA03580, 16PA03598 du 13 mars 2018, la cour administrative d'appel de Paris a rejeté les requêtes d'appel formées par M. D... et par Mme E..., épouse D..., contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 1er août et 30 octobre 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... et Mme E... épouse D... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs appels ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, leur avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Edouard Solier, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. et Mme D... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une lettre du 14 mars 2013, M. et Mme D... ont sollicité le passage anticipé de leur fille A..., née le 17 septembre 2000, scolarisée en classe de cinquième au collège Lucie et Raymond Aubrac à Paris, en classe de troisième pour l'année scolaire 2013-2014. A la suite de la proposition du conseil de classe, réuni le 18 juin 2013, tendant au passage de l'élève en classe de quatrième, la principale du collège a informé verbalement M. et Mme D..., lors d'un entretien le 19 juin 2013, de sa décision de faire passer leur fille A... en classe de quatrième et non en classe de troisième. Saisi par les requérants d'une demande tendant à ce que la commission d'appel des décisions d'orientation prévue aux articles D. 331-34 et D. 331-35 du code de l'éducation soit saisie du refus leur ayant été opposé, le directeur académique des services de l'éducation nationale chargé du second degré de l'académie de Paris a, par une décision du 12 juillet 2013, rejeté cette demande et refusé d'autoriser le passage de la jeune A... en classe de troisième. Le même directeur, saisi d'une nouvelle demande des requérants tendant aux mêmes fins, a confirmé sa décision par une décision du 9 septembre 2013. Par une lettre du 2 janvier 2014, les requérants ont demandé au recteur de l'académie de Paris d'examiner à nouveau la situation de leur fille et de l'admettre en classe de troisième. Par une lettre du 6 février 2014, le directeur académique des services de l'éducation nationale chargé du second degré de l'académie de Paris a rejeté leur demande. M. et Mme D... ont demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler pour excès de pouvoir l'ensemble de ces décisions ainsi que de condamner l'Etat à les indemniser des préjudices qu'ils estiment qu'elles leur ont causés. M. et Mme D... se pourvoient en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté leurs requêtes d'appel respectives tendant à l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris avait rejeté leurs demandes.

En ce qui concerne l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur la requête d'appel de M. D... :

2. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, pour demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris qu'il attaquait, M. D... soutenait dans sa requête d'appel, enregistrée le 6 décembre 2016 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris sous le n° 16PA03598, que ce jugement était entaché d'irrégularité faute pour le tribunal d'avoir fait droit à sa demande de report de l'audience, motivée par la circonstance que l'intéressé avait saisi le bâtonnier d'une demande tendant à la désignation d'un nouvel avocat au titre de l'aide juridictionnelle et qu'il était ainsi dépourvu d'avocat dans l'attente de la décision du bâtonnier. Toutefois, il ressort des termes de l'arrêt attaqué que la cour a rejeté la requête de M. D... sans répondre à ce moyen, qui n'était pas inopérant. Dès lors, elle a insuffisamment motivé son arrêt.

3. Il résulte de ce qui précède que sans qu'il soit besoin de se prononcer sur ses autres moyens, M. D... est fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il statue sur sa requête d'appel.

En ce qui concerne l'arrêt attaqué en tant qu'il a statué sur la requête d'appel de Mme D... :

4. En premier lieu, l'arrêt attaqué se prononce, contrairement à ce qui est soutenu, sur le moyen tiré de ce que le jugement était irrégulier en ce que les premiers juges avaient refusé de faire droit à la demande de report de la clôture de l'instruction. Dès lors, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêt attaqué est insuffisamment motivé sur ce point.

5. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué aurait omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que le jugement était irrégulier en ce que les premiers juges avaient refusé de faire droit à sa demande de report de l'audience est inopérant, dès lors qu'il ressort des pièces soumises aux juges du fond que Mme D... n'avait pas présenté un tel moyen dans sa requête d'appel, enregistrée le 5 décembre 2016 au greffe de la cour administrative d'appel de Paris sous le n° 16PA03580 ou dans son mémoire en réplique.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 332-4 du code de l'éducation dans sa rédaction alors applicable : " Dans les collèges, des aménagements particuliers (...) sont prévus au profit des élèves intellectuellement précoces ou manifestant des aptitudes particulières, afin de leur permettre de développer pleinement leurs potentialités. La scolarité peut être accélérée en fonction du rythme d'apprentissage de l'élève (...) ". Aux termes de l'article D. 332-6 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " A tout moment de la scolarité, une aide spécifique est apportée aux élèves qui (...) manifestent des besoins éducatifs particuliers. Elle prend notamment les formes suivantes : (...) / 3° Des aménagements au profit des élèves intellectuellement précoces ou manifestant des aptitudes particulières. En accord avec les parents ou le représentant légal, leur scolarité peut être accélérée en fonction de leur rythme d'apprentissage (...) ".

7. Aux termes de l'article L. 331-8 du code de l'éducation : " La décision d'orientation est préparée par une observation continue de l'élève. / Le choix de l'orientation est de la responsabilité de la famille ou de l'élève quand celui-ci est majeur. Tout désaccord avec la proposition du conseil de classe fait l'objet d'un entretien préalable à la décision du chef d'établissement. Si cette dernière n'est pas conforme à la demande de l'élève ou de sa famille, elle est motivée. / La décision d'orientation peut faire l'objet d'une procédure d'appel ". Aux termes de l'article D. 331-30 du code de l'éducation, dans sa rédaction alors applicable : " Au cours de l'année terminale des cycles des collèges, le conseil de classe procède à un bilan afin de déterminer si l'élève a atteint les objectifs du cycle considéré. Le résultat de ce bilan est communiqué à l'élève et à ses parents par le professeur principal ". Aux termes de l'article D. 331-31 du même code : " En fonction du bilan, de l'information fournie et des résultats du dialogue avec les membres de l'équipe éducative, les parents de l'élève ou l'élève majeur formulent des demandes d'orientation, dans le cadre des voies d'orientation définies par l'arrêté mentionné à l'article D. 331-36, ou de redoublement ". Aux termes de l'article D. 331-32 de ce code : " Les demandes d'orientation sont examinées par le conseil de classe (...). Le conseil de classe émet des propositions d'orientation, dans le cadre des voies d'orientation définies par l'arrêté mentionné à l'article D. 331-36, ou de redoublement (...) ". Aux termes de l'article D. 331-34 du même code : " Lorsque les propositions ne sont pas conformes aux demandes, le chef d'établissement, ou son représentant, reçoit l'élève et ses parents ou l'élève majeur, afin de les informer des propositions du conseil de classe et de recueillir leurs observations. (...) Le chef d'établissement prend ensuite les décisions d'orientation ou de redoublement, dont il informe l'équipe pédagogique, et les notifie aux parents de l'élève ou à l'élève majeur (...) Les décisions non conformes aux demandes font l'objet de motivations signées par le chef d'établissement. / Les motivations comportent des éléments objectifs ayant fondé les décisions, en termes de connaissances, de capacités et d'intérêts. Elles sont adressées aux parents de l'élève ou à l'élève majeur qui font savoir au chef d'établissement s'ils acceptent les décisions ou s'ils en font appel, dans un délai de trois jours ouvrables à compter de la réception de la notification de ces décisions ainsi motivées ".

8. En jugeant, après avoir constaté que la jeune A..., fille de M. et Mme D..., était, lors de l'année scolaire 2012-2013, scolarisée au collège Lucie et Raymond Aubrac de Paris en classe de cinquième, que la décision verbale de la principale de ce collège, en date du 19 juin 2013, indiquant que la jeune A... poursuivrait sa scolarité lors de l'année scolaire suivante en classe de quatrième et non, comme ses parents le lui demandaient, en classe de troisième, avait été prise en application des dispositions du code de l'éducation relatives aux élèves intellectuellement précoces ou manifestant des aptitudes particulières citées au point 6 et non en application des dispositions du même code relatives à l'orientation des élèves en fin de cycle de collège citées au point 7, la cour administrative d'appel de Paris n'a pas entaché son arrêt d'erreur de droit.

9. En dernier lieu, en estimant que la scolarité de la jeune A... avait fait l'objet d'un suivi conforme aux dispositions de l'article L. 332-4 du code de l'éducation, la cour administrative d'appel de Paris a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation souveraine exempte de dénaturation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi, en tant qu'il est dirigé contre l'arrêt en tant qu'il a statué sur la requête d'appel de Mme D..., ne peut qu'être rejeté.

Sur les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à cette société.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris du 13 mars 2018 est annulé en tant qu'il statue sur la requête d'appel de M. D....

Article 2 : L'affaire est renvoyée dans cette mesure à la cour administrative d'appel de Paris.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat de M. D..., une somme de 2 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi est rejeté.

Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. C... D..., à Mme B... E..., épouse D... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.


Synthèse
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 422836
Date de la décision : 07/10/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 07 oct. 2020, n° 422836
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Edouard Solier
Rapporteur public ?: M. Raphaël Chambon
Avocat(s) : SCP GATINEAU, FATTACCINI, REBEYROL

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:422836.20201007
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