Vu la procédure suivante :
L'association Bel CV l'unité citoyenne a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler pour excès de pouvoir quatre délibérations du conseil municipal de Belz du 28 février 2014, dont celle approuvant le plan local d'urbanisme de la commune. Par un jugement n°s 1403858, 1403859, 1403862, 1403867 du 14 avril 2017, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette délibération en tant que le plan local d'urbanisme créait les emplacements réservés n° 21 et 73 et rejeté le surplus des conclusions des demandes de l'association.
Par un arrêt n° 17NT01802 du 21 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la commune de Belz contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 21 février et 21 mai 2019 et le 14 mai 2020, la commune de Belz demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'association Bel CV l'unité citoyenne la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment ses articles 61-1 et 72 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de l'urbanisme, et notamment son article L. 122-11 dans sa rédaction issue de l'article 17 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 ;
- la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Boussaroque, conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Didier, Pinet, avocat de la commune de Belz ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le conseil municipal de la commune littorale de Belz, dans le Morbihan, a approuvé par une délibération du 28 février 2014 son plan local d'urbanisme. L'association Bel CV l'unité citoyenne a saisi de cette délibération le tribunal administratif de Rennes, qui l'a annulée en tant qu'elle approuvait le plan local d'urbanisme en ce qu'il créait deux emplacements réservés n°s 21 et 73 destinés à accueillir des aires de stationnement. La commune se pourvoit contre l'arrêt du 21 décembre 2018 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.
Sur la question prioritaire de constitutionalité :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.
3. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 122-11 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de l'article 17 de la loi du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, applicable au litige : " La délibération publiée approuvant le schéma [de cohérence territoriale] devient exécutoire deux mois après sa transmission au préfet. Toutefois, si dans ce délai le préfet notifie, par lettre motivée, au président de l'établissement public les modifications qu'il estime nécessaire d'apporter au schéma lorsque les dispositions de celui-ci ne sont pas compatibles avec les directives territoriales d'aménagement et, en l'absence de celles-ci, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral mentionnées à l'article L. 111-1-1, compromettent gravement les principes énoncés aux articles L. 110 et L. 121-1, sont contraires à un projet d'intérêt général, autorisent une consommation excessive de l'espace, notamment en ne prévoyant pas la densification des secteurs desservis par les transports ou les équipements collectifs, ou ne prennent pas suffisamment en compte les enjeux relatifs à la préservation ou à la remise en bon état des continuités écologiques, le schéma de cohérence territoriale est exécutoire dès publication et transmission au préfet de la délibération apportant les modifications demandées ".
4. Pour demander au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité de l'article L. 122-11 du code de l'urbanisme aux droits et libertés garantis par la Constitution, la commune de Belz soutient qu'en permettant que l'acte approuvant le schéma de cohérence territoriale ne devienne exécutoire que deux mois après sa transmission au préfet et, lorsque le préfet a demandé d'y apporter des modifications, à la date de publication et de transmission au préfet de la délibération apportant les modifications demandées, ces dispositions méconnaissent le principe de libre administration des collectivités territoriales garanti par l'article 72 de la Constitution.
5. Si, en vertu de cet article, les collectivités territoriales " s'administrent librement par des conseils élus ", chacune d'elles le fait " dans les conditions prévues par la loi ". " Aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre " et " le représentant de l'Etat, représentant de chacun des membres du Gouvernement, a la charge des intérêts nationaux, du contrôle administratif et du respect des lois ". Les dispositions de l'article L. 122-11 du code de l'urbanisme poursuivent un objectif d'intérêt général, consistant à assurer la compatibilité du schéma de cohérence territoriale avec les principes et documents d'urbanisme qu'elles mentionnent, les plans locaux d'urbanisme devant ensuite être compatibles avec le schéma. Par la faculté qu'elles ouvrent à cette fin au préfet, dont la décision peut être soumise au contrôle du juge, ces dispositions ne portent pas à la libre administration des collectivités territoriales une atteinte qui excèderait la réalisation de l'objectif d'intérêt général poursuivi. Par suite, la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré de ce que l'article L. 123-11 du code de l'urbanisme porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution doit être écarté.
Sur les autres moyens du pourvoi :
6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération litigieuse : " (...) Les plans locaux d'urbanisme doivent être compatibles avec les schémas de cohérence territoriale et les schémas de secteur. En l'absence de schéma de cohérence territoriale, ils doivent être compatibles, s'il y a lieu, avec les dispositions particulières aux zones de montagne et au littoral prévues aux articles L. 145-1 à L. 146-9 (...) ". Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que si le territoire de la commune de Belz est inclus dans le schéma de cohérence territoriale du pays d'Auray, celui-ci a été approuvé par le comité syndical du syndicat mixte du pays d'Auray le 14 février 2014. En vertu de l'article L. 122-11 du code de l'urbanisme, alors applicable, il est devenu exécutoire au plus tôt à l'issue d'un délai de deux mois après sa transmission au préfet et n'était ainsi pas entré en vigueur le 28 février 2014, date à laquelle la délibération litigieuse a été adoptée. Par suite, la cour, dont l'arrêt est suffisamment motivé, n'a pas commis d'erreur de droit en appréciant la compatibilité du plan local d'urbanisme de la commune de Belz avec les articles L. 146-4 et L. 146-6 du code de l'urbanisme sans tenir compte des dispositions du schéma de cohérence territoriale du pays d'Auray relatives à l'application des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral.
7. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, alors applicable : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage (...) / Cette interdiction ne s'applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau (...) ".
8. D'une part, c'est au terme d'une appréciation souveraine des pièces du dossier exempte de dénaturation que la cour a jugé que les emplacements réservés litigieux, occupant des terrains dépourvus de toute construction, étaient voisins de parcelles qui, pour certaines, supportaient des constructions, sans que leur nombre et leur densité confèrent au voisinage immédiat le caractère d'un espace urbanisé. D'autre part, la cour n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en jugeant que les aires de stationnement en vue desquelles les emplacements litigieux étaient créés, alors même qu'elles ne supposeraient que des aménagements d'ampleur modeste, devraient être regardées comme des installations au sens des dispositions du III de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme. Eu égard à la nature de l'interdiction posée par ces dispositions, la cour a pu en déduire, sans commettre d'erreur de droit ni insuffisamment motiver son arrêt, que la création des emplacements réservés litigieux, situés dans la bande littorale des cent mètres, n'était pas compatible avec elles.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, alors applicable : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. (...) / Toutefois, des aménagements légers peuvent y être implantés lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public. (...) ". Aux termes de l'article R. 146-1 du même code : " En application du premier alinéa de l'article L. 146-6, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : (...) / d) Les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps (...) ". Aux termes de l'article R. 146-2 du même code : " En application du deuxième alinéa de l'article L. 146-6, peuvent être implantés dans les espaces et milieux mentionnés à cet article, après enquête publique dans les cas prévus par les articles R. 123-1 à R. 123-33 du code de l'environnement, les aménagements légers suivants, à condition que leur localisation et leur aspect ne dénaturent pas le caractère des sites, ne compromettent pas leur qualité architecturale et paysagère et ne portent pas atteinte à la préservation des milieux : (...) / b) Les aires de stationnement indispensables à la maîtrise de la fréquentation automobile et à la prévention de la dégradation de ces espaces par la résorption du stationnement irrégulier, sans qu'il en résulte un accroissement des capacités effectives de stationnement, à condition que ces aires ne soient ni cimentées ni bitumées et qu'aucune autre implantation ne soit possible (...) ".
10. En jugeant que les emplacements réservés en litige, par leurs surfaces respectives de 6 606 et 2 529 mètres carrés, permettaient de réaliser des aires de stationnement importantes, pouvant accueillir, pour la première d'entre elles, jusqu'à 150 véhicules, et que ces emplacements couvraient, pour le premier, la plus grande partie du secteur naturel situé à cet endroit de la commune, en bordure de la Ria d'Etel, et, pour le second, la plus grande partie des espaces libres de la petite île de Saint Cado, et qu'ainsi les aménagements envisagés porteraient atteinte à des espaces remarquables du littoral, la cour administrative d'appel a souverainement apprécié les faits de l'espèce sans les dénaturer. Eu égard à la nature de la règle fixée par l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, dans le but de préserver les espaces remarquables du littoral et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques, elle a pu en déduire, sans erreur de droit, que la création de tels espaces réservés par le plan local d'urbanisme n'était pas compatible avec les dispositions de cet article.
11. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Belz n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes qu'elle attaque.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code justice administrative font obstacle à ce que l'association Bel CV l'unité citoyenne, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la commune de Belz la somme qu'elle demande à ce titre. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Belz une somme de 3 000 euros à verser à l'association Bel CV l'unité citoyenne au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la commune de Belz.
Article 2 : Le pourvoi de la commune de Belz est rejeté.
Article 3 : La commune de Belz versera une somme de 3 000 euros à l'association Bel CV l'unité citoyenne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la commune de Belz et à l'association Bel CV l'unité citoyenne.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.