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28/09/2020 | FRANCE | N°423120

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 28 septembre 2020, 423120


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir, à titre principal, la délibération du 28 mars 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune du Lavandou a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune et, à titre subsidiaire, ce même plan en tant qu'il classe en zone 1Nr et dans le périmètre des espaces boisés classés la parcelle cadastrée AX n° 26 dont il est propriétaire. Par un jugement n° 1301350 du 25 juillet 2016, le tribunal administratif du Toulon a annulé le plan local d'urbanisme

en tant seulement qu'il classe la parcelle au sein des parcs et ensembl...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir, à titre principal, la délibération du 28 mars 2013 par laquelle le conseil municipal de la commune du Lavandou a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune et, à titre subsidiaire, ce même plan en tant qu'il classe en zone 1Nr et dans le périmètre des espaces boisés classés la parcelle cadastrée AX n° 26 dont il est propriétaire. Par un jugement n° 1301350 du 25 juillet 2016, le tribunal administratif du Toulon a annulé le plan local d'urbanisme en tant seulement qu'il classe la parcelle au sein des parcs et ensembles boisés les plus significatifs au sens de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme.

Par un arrêt n° 16MA03744 du 12 juin 2018, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par M. B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 13 août et 8 novembre 2018 et 6 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Lavandou la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Coralie Albumazard, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Olivier Fuchs, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouvenin, Coudray, Grevy, avocat de M. B... et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la commune du Lavandou ;

Vu les notes en délibéré enregistrées les 16 et 21 septembre 2020, présentées par M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une délibération du 28 mars 2013, le conseil municipal du Lavandou a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune. M. B..., propriétaire d'une parcelle cadastrée AX n° 26, située au nord du quartier d'Aiguebelle et classée dans le secteur 1Nr " espaces remarquables " ainsi que dans le périmètre des espaces boisés classés de la commune, a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler pour excès de pouvoir cette délibération. Par un jugement du 25 juillet 2016, le tribunal administratif n'a fait droit à sa demande qu'en tant que cette délibération classe cette parcelle dans le périmètre des espaces boisés classés de la commune, confirmant en revanche son classement en zone 1Nr correspondant aux espaces remarquables à préserver en application du premier alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme alors applicable. Par un arrêt du 12 juin 2018 contre lequel M. B... se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel a rejeté son appel contre ce jugement.

2. En premier lieu, si le requérant reproche à la cour d'avoir omis de répondre au moyen tiré de ce que l'ampleur des espaces boisés classés " restaurés " après l'avis de la commission des sites rendait nécessaire l'organisation d'une nouvelle enquête publique, il ressort des pièces de la procédure devant la cour administrative d'appel que cet élément n'était invoqué qu'à titre d'argument au soutien du moyen tiré de ce que les modifications apportées au projet de plan à l'issue de l'enquête publique étaient de nature à bouleverser l'économie générale de celui-ci, auquel la cour a répondu. Par suite, le moyen d'insuffisance de motivation doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction alors applicable : " Le projet de plan local d'urbanisme est soumis à enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement par le président de l'établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 123-6, le maire. Le dossier soumis à l'enquête comprend, en annexe, les avis des personnes publiques consultées. / Après l'enquête publique réalisée conformément au chapitre III du titre II du livre Ier du code de l'environnement, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié, est approuvé par délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale ou, dans le cas prévu par le deuxième alinéa de l'article L. 123-6, du conseil municipal (...) ". Il résulte de ces dispositions que le projet de plan ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations de la commission d'enquête, des observations du public et des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête.

4. En relevant, d'une part, que le requérant ne contestait pas utilement que les modifications n° 2, n° 5, n° 6, n° 7 et n° 12 apportées au projet de plan procédaient de l'enquête, ne remettaient pas en cause le parti d'aménagement de la commune et ne bouleversaient pas l'économie générale du PLU, et, d'autre part, que la modification opérée aux fins de prise en compte du risque inondation, résultant des recommandations du commissaire enquêteur, et les modifications de zonage sur les plages de Cavalière et de Pramousquier, qui résultaient des observations du représentant de l'Etat, concernaient des terrains de superficie limitée, la cour a, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, estimé que les modifications apportées au plan local d'urbanisme à l'issue de l'enquête publique procédaient de cette dernière et ne remettaient pas en cause le parti d'aménagement de la commune ni ne bouleversaient l'économie générale du plan local d'urbanisme. Par suite, le moyen tiré de ce qu'elle aurait dénaturé les pièces du dossier ne peut qu'être écarté.

5. En troisième lieu, d'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, dans sa version alors applicable : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages et, dans les départements d'outre-mer, les récifs coralliens, les lagons et les mangroves ". L'article R. 146-1 du même code, dans sa version applicable, définit une liste d'espaces à préserver en application de ces dispositions.

6. D'autre part, le règlement du plan local d'urbanisme litigieux prévoit que la zone 1N est une zone à protéger en raison de la présence de boisements intéressants et de sa qualité paysagère et patrimoniale, dans laquelle sont interdites notamment les constructions à usage d'habitation ou d'hôtellerie. Elle comprend notamment un secteur 1Nr correspondant aux espaces naturels remarquables au titre de la loi littoral présentant une grande qualité et nécessitant une protection renforcée, dans lesquels seuls les aménagements légers définis à l'article R. 146-2 du code de l'urbanisme sont autorisés.

7. Après avoir relevé que la parcelle AX n° 26, située au nord de la pointe urbanisée du quartier d'Aiguebelle, d'une part, était vierge de toute construction et recouverte de végétation méditerranéenne, d'autre part, s'intégrait sur ses côtés sud-est et nord-ouest aux contreforts du massif des Maures, site exceptionnel et espace remarquable bénéficiant de la protection prévue par le premier alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme précité, avec lequel elle formait une unité paysagère, la cour a pu, sans entacher son arrêt d'erreur de qualification juridique, juger que cette parcelle bénéficiait elle-même de cette protection et en déduire la légalité du classement de cette parcelle en zone 1Nr, alors même que cette parcelle fait partie d'un lotissement dont les quatre autres parcelles sont déjà construites et classées en zone UD. La cour a pu, sans erreur de droit ni dénaturation des pièces du dossier, en déduire que le classement de cette parcelle ne méconnaissait pas le principe d'égalité.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international (...) ". Par l'arrêt attaqué, la cour a jugé que le classement en zone 1Nr dédiée aux espaces remarquables auquel procède le plan local d'urbanisme litigieux n'apparaissait pas, compte tenu de sa justification et de ses effets, comme apportant des limites à l'exercice du droit de propriété de M. B... qui seraient disproportionnées au regard du but d'intérêt général poursuivi par la préservation des espaces naturels de la commune du Lavandou. En statuant ainsi, la cour n'a ni commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Par suite, son pourvoi doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme au titre de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : Le pourvoi de M. B... est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune du Lavandou au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et à la commune du Lavandou.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 28 sep. 2020, n° 423120
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Coralie Albumazard
Rapporteur public ?: M. Olivier Fuchs
Avocat(s) : SCP THOUVENIN, COUDRAY, GREVY ; SCP NICOLAY, DE LANOUVELLE, HANNOTIN

Origine de la décision
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Date de la décision : 28/09/2020
Date de l'import : 06/10/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 423120
Numéro NOR : CETATEXT000042375604 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-09-28;423120 ?
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