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05/08/2020 | FRANCE | N°432010

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 05 août 2020, 432010


Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée E... Beaurecueil et M. et Mme B... et Fanny E... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 novembre 2017 par lequel le maire de Beaurecueil a accordé à M. F... C... le permis de construire une maison d'habitation comportant deux logements, ainsi que la décision implicite par laquelle ce maire a rejeté leur recours gracieux contre cet arrêté. Par une ordonnance n° 1902374 du 18 avril 2019, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Ma

rseille a rejeté cette demande.

Par une ordonnance n° 19MA02060 du 26 j...

Vu la procédure suivante :

La société à responsabilité limitée E... Beaurecueil et M. et Mme B... et Fanny E... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 28 novembre 2017 par lequel le maire de Beaurecueil a accordé à M. F... C... le permis de construire une maison d'habitation comportant deux logements, ainsi que la décision implicite par laquelle ce maire a rejeté leur recours gracieux contre cet arrêté. Par une ordonnance n° 1902374 du 18 avril 2019, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Par une ordonnance n° 19MA02060 du 26 juin 2019, enregistrée le même jour au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'articles R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 7 mai 2019 au greffe de cette cour, présenté par la société E... Beaurecueil et par M. et Mme E.... Par ce pourvoi, ainsi que par un nouveau mémoire et un mémoire en réplique enregistrés les 25 octobre 2019 et 14 mai 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société E... Beaurecueil et M. et Mme E... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler l'ordonnance du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 18 avril 2019 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Beaurecueil et de M. C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... D..., maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, Sebagh, avocat de la SARL E... Beaurecueil et de M. et Mme E..., et à la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la commune de Beaurecueil ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un arrêté du 28 novembre 2017, le maire de Beaurecueil a délivré à M. C... le permis de construire un immeuble à usage d'habitation, comportant deux logements. Par une ordonnance du 18 avril 2019, le président de la quatrième chambre du tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la société E... Beaurecueil et de M. et Mme E... tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ce permis de construire. La société E... Beaurecueil et M. et Mme E... se pourvoient en cassation contre cette ordonnance.

2. Il résulte de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme qu'en cas de recours contentieux à l'encontre d'un permis de construire, de même qu'en cas de demande tendant à l'annulation d'une décision juridictionnelle concernant un permis de construire, " l'auteur du recours est tenu, à peine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. (...) / La notification prévue au précédent alinéa doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception, dans un délai de quinze jours francs à compter du dépôt (...) du recours. / La notification du recours à l'auteur de la décision et, s'il y a lieu, au titulaire de l'autorisation est réputée accomplie à la date d'envoi de la lettre recommandée avec accusé de réception. Cette date est établie par le certificat de dépôt de la lettre recommandée auprès des services postaux ".

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Beaurecueil :

3. Aux termes de l'article R. 424-15 du code de l'urbanisme : " Mention du permis explicite ou tacite (...) doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite (...) est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...) / Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions avec celles mentionnées au point 2 que l'irrecevabilité tirée de l'absence d'accomplissement des formalités de notification requises par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ne peut être opposée, en première instance, en appel ou en cassation, qu'à la condition que l'affichage du permis de construire ait fait mention de cette obligation, conformément à l'article R. 424-15 du même code.

4. Il ressort du constat d'huissier, établi à la demande des requérants le 11 octobre 2018, que si un panneau destiné à l'affichage d'un permis de construire était érigé au niveau de la boîte aux lettres du n° 133 du chemin de la Calotte, celui-ci était vierge de toute inscription. Dès lors que l'affichage du permis de construire n'a pas fait mention de l'obligation de notification prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme, ainsi que les requérants peuvent valablement le faire valoir en cassation, la commune de Beaurecueil ne peut utilement soutenir que leur pourvoi serait irrecevable au motif qu'ils ne l'auraient pas notifié.

Sur le bien-fondé de l'ordonnance :

5. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...), les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens (...) ".

6. S'il appartient au juge, au besoin d'office, de rejeter le recours comme irrecevable lorsque son auteur, après y avoir été invité par lui, n'a pas justifié de l'accomplissement des formalités de notification requises par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme citées au point 2, la production du certificat de dépôt des lettres recommandées suffit à justifier de cet accomplissement lorsqu'il n'est pas soutenu devant le juge que ces lettres auraient eu un contenu insuffisant au regard de l'obligation d'information qui pèse sur l'auteur du recours.

7. Par suite, en se fondant, pour rejeter la demande de la société E... Beaurecueil et de M. et Mme E... comme manifestement irrecevable sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, sur la circonstance que les requérants n'avaient transmis au tribunal administratif que les certificats de dépôt des lettres recommandées qu'ils avaient envoyées à la commune et au bénéficiaire du permis de construire, sans les accompagner de la copie de ces lettres, alors que le contenu de la notification reçue n'avait pu être contesté par la commune et par le bénéficiaire de l'autorisation de construire auxquels la demande n'avait pas été communiquée, le président de la quatrième chambre du tribunal administratif de Marseille a entaché son ordonnance d'une erreur de droit.

8. Il résulte de ce qui précède que les requérants sont fondés à demander l'annulation de l'ordonnance qu'ils attaquent.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société E... Beaurecueil et de M. et Mme E..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Beaurecueil et de M. C... la somme que la société E... Beaurecueil et M. et Mme E... demandent au même titre.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du président de la quatrième chambre du tribunal administratif de Marseille du 18 avril 2019 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : Les conclusions de la société E... Beaurecueil, de M. et Mme E... et de la commune de Beaurecueil présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetée.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société à responsabilité limitée E... Beaurecueil, première requérante dénommée, à la commune de Beaurecueil et à M. F... C....


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 432010
Date de la décision : 05/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 05 aoû. 2020, n° 432010
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Marie Walazyc
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette
Avocat(s) : SCP BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS, SEBAGH ; SCP WAQUET, FARGE, HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:432010.20200805
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