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29/07/2020 | FRANCE | N°439627

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 29 juillet 2020, 439627


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Octapharma France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir :

- l'avis rendu le 11 juillet 2018 et modifié le 8 janvier 2020 par la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé sur sa demande d'inscription de la spécialité Eqwilate sur la liste des médicaments agréés à l'usage de certaines collectivités publiques, en tant qu'il se prononce sur la place de cette spécialité dans la strat

gie thérapeutique dans les termes suivants : " Du fait d'un apport plus important de ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Octapharma France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir :

- l'avis rendu le 11 juillet 2018 et modifié le 8 janvier 2020 par la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé sur sa demande d'inscription de la spécialité Eqwilate sur la liste des médicaments agréés à l'usage de certaines collectivités publiques, en tant qu'il se prononce sur la place de cette spécialité dans la stratégie thérapeutique dans les termes suivants : " Du fait d'un apport plus important de FVIII à chaque injection par rapport à Voncento (FVIII/FVW 1:1 pour Eqwilate contre 1:2,4 pour Voncento), Eqwilate pourrait avoir un intérêt en prophylaxie essentiellement chez les patients de type 3, mais pourrait également exposer les patients à un risque thrombotique accru en cas d'administrations répétées, en particulier en chirurgie. L'impact potentiel de cet apport plus important en FVIII en comparaison à Voncento n'a pas été évalué " ;

- la décision implicite par laquelle le ministre des solidarités et de la santé a refusé de faire supprimer, par la commission de la transparence, ces mentions de son avis ;

- les décisions des 17 janvier et 4 mars 2020 par lesquelles le président de la Haute Autorité de santé a refusé de faire supprimer, par la commission de la transparence, les mêmes mentions de son avis ;

2°) d'enjoindre à la Haute Autorité de santé de supprimer ou de faire supprimer les mentions citées ci-dessus de l'avis de la commission de la transparence du 11 juillet 2018, modifié le 8 janvier 2020, ou à défaut de réexaminer sa demande, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 2 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de la Haute Autorité de santé et de l'Etat la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative, notamment son article R. 611-8 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme A... B..., auditrice,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gadiou, Chevallier, avocat de la société Octapharma France ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 8 juin 2020, présentée par la société Octopharma ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier que la société Octapharma France a sollicité l'inscription de la spécialité Eqwilate qu'elle commercialise sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités publiques prévue à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique. Par un avis du 11 juillet 2018, la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé a donné un avis favorable à l'inscription de la spécialité sur cette liste dans son indication relative à la maladie de von Willebrand. Par courriers du 25 novembre 2019, la société Octapharma France a demandé au président de la Haute Autorité de santé et au ministre des solidarités de la santé de faire supprimer, par la commission de la transparence, une mention de cet avis relative à la place de cette spécialité dans la stratégie thérapeutique. La commission de la transparence a, le 8 janvier 2020, apporté une correction à cet avis, qui mentionne désormais que, du fait d'un apport plus important de facteur VIII à chaque injection par rapport à une spécialité concurrente, Eqwilate pourrait " exposer les patients à un risque thrombotique accru en cas d'administrations répétées, en particulier en chirurgie " et que l'impact potentiel de cet apport plus important en facteur VIII n'a pas été évalué. Le président de la Haute Autorité de santé a en revanche refusé, par une lettre du 17 janvier 2020 et, après une nouvelle demande de la société, par une lettre du 4 mars 2020, de faire modifier l'avis au-delà des corrections apportées le 8 janvier 2020. La société Octapharma demande l'annulation pour excès de pouvoir, d'une part, de l'avis de la commission de la transparence du 11 juillet 2018, modifié le 8 janvier 2020, dans la mesure qu'elle critique, et, d'autre part, du refus implicite du ministre des solidarités et de la santé de faire droit à sa demande et des décisions du président de la Haute Autorité de santé des 17 janvier et 4 mars 2020.

2. Aux termes de l'article L. 161-37 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date des actes attaqués : " La Haute Autorité de santé, autorité publique indépendante à caractère scientifique, est chargée de : / 1° Procéder à l'évaluation périodique du service attendu des produits, actes ou prestations de santé et du service qu'ils rendent, et contribuer par ses avis à l'élaboration des décisions relatives à l'inscription, au remboursement et à la prise en charge par l'assurance maladie des produits, actes ou prestations de santé (...) ". En vertu des dispositions combinées des articles L. 161-41 et R. 16315 du même code et de l'article L. 5123-3 du code de la santé publique, la commission mentionnée à ce dernier article, dite commission de la transparence, est une commission spécialisée de la Haute Autorité de santé qui a notamment pour mission, selon l'article R. 163-18 du code de la sécurité sociale, d'apprécier le bien-fondé, au regard du service médical rendu, de l'inscription du médicament sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités publiques prévue à l'article L. 5123-2 du code de la santé publique. En vertu de l'article R. 163-3 du même code, l'appréciation du service médical rendu prend en compte l'efficacité et les effets indésirables du médicament, sa place dans la stratégie thérapeutique, notamment au regard des autres thérapies disponibles, la gravité de l'affection à laquelle il est destiné, le caractère préventif, curatif ou symptomatique du traitement médicamenteux et son intérêt pour la santé publique.

3. Les avis rendus en application de ces dispositions par la commission de la transparence sont des éléments de la procédure d'élaboration, notamment, des décisions d'inscription d'une spécialité pharmaceutique sur la liste des médicaments remboursables et sur la liste des médicaments agréés à l'usage des collectivités publiques. Le bien-fondé des positions prises par cette commission peut être discuté à l'occasion d'un recours pour excès de pouvoir contre les décisions ainsi prises. Compte tenu de leur caractère d'actes préparatoires, la société Octapharma France ne saurait utilement se prévaloir des effets que ces avis sont susceptibles de produire. Enfin, les mentions critiquées de l'avis du 11 juillet 2018 modifié le 8 janvier 2020 ne sauraient, en tout état de cause, être regardées comme relevant des " stratégies thérapeutiques recommandées par la Haute Autorité de santé " que la publicité pour les médicaments doit respecter en application de l'article L. 5122-2 du code de la santé publique. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'avis relatif à la spécialité Eqwilate rendu le 11 juillet 2018 et modifié le 8 janvier 2020 par la commission de la transparence devrait être regardé comme un acte faisant grief, susceptible d'être déféré au juge de l'excès de pouvoir.

4 Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la société requérante dirigées contre cet avis et, par suite, celles qui sont dirigées contre le rejet de sa demande tendant à la modification de cet acte sont entachées d'une irrecevabilité manifeste insusceptible d'être couverte en cours d'instance et que le Conseil d'Etat, statuant au contentieux peut les rejeter par application de l'article R. 351-4 du code de justice administrative.

5. Par suite, les conclusions de la société Octapharma France à fin d'injonction et ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être également rejetées.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La requête de la société Octapharma France est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Octapharma France, à la Haute Autorité de santé et au ministre des solidarités et de la santé.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 439627
Date de la décision : 29/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2020, n° 439627
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Manon Chonavel
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette
Avocat(s) : SCP GADIOU, CHEVALLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:439627.20200729
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