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29/07/2020 | FRANCE | N°436365

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 29 juillet 2020, 436365


Vu la procédure suivante :

La société anonyme Métropole Télévision a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ainsi que de taxe additionnelle à cette cotisation auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2012 et 2013 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1704320 du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 18VE02437 du 1er octobre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a

, sur appel du ministre de l'action et des comptes publics, annulé ce jugement...

Vu la procédure suivante :

La société anonyme Métropole Télévision a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ainsi que de taxe additionnelle à cette cotisation auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2012 et 2013 et des pénalités correspondantes. Par un jugement n° 1704320 du 12 avril 2018, le tribunal administratif de Montreuil a fait droit à sa demande.

Par un arrêt n° 18VE02437 du 1er octobre 2019, la cour administrative d'appel de Versailles a, sur appel du ministre de l'action et des comptes publics, annulé ce jugement et remis à la charge de la société les suppléments d'imposition en litige.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés le 2 décembre 2019 et le 2 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Métropole Télévision demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- le code général des impôts, notamment son article 1586 sexies ;

- le code du cinéma et de l'image animée ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de Metropole Télévision ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Métropole Télévision a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices 2012 et 2013. A l'issue de ce contrôle, l'administration lui a adressé une proposition de rectification en matière de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de taxe additionnelle à cette cotisation au motif que les taxes prévues aux articles 302 bis KD et 302 bis KG du code général des impôts et à l'article L. 115-6 du code du cinéma et de l'image animée ne pouvaient être déduites du calcul de sa valeur ajoutée. La société Métropole Télévision a porté le litige devant le tribunal administratif de Montreuil qui, par un jugement du 12 avril 2018, l'a déchargée des suppléments d'imposition en litige. La société se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 1er octobre 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel du ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement, a remis à sa charge ces suppléments d'imposition.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. En vertu du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " Pour la généralité des entreprises, à l'exception des entreprises visées aux II à VI : / (...) 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré : / - des autres produits de gestion courante (...) ; / - de la production immobilisée, à hauteur des seules charges qui ont concouru à sa formation et qui figurent parmi les charges déductibles de la valeur ajoutée ; (...) / - des subventions d'exploitation et des abandons de créances à caractère financier (...) ; / - de la variation positive des stocks ; / - des transferts de charges déductibles de la valeur ajoutée, autres que ceux pris en compte dans le chiffre d'affaires ; / b) Et, d'autre part : / - les achats stockés de matières premières et autres approvisionnements, les achats d'études et prestations de services, les achats de matériel, équipements et travaux, les achats non stockés de matières et fournitures, les achats de marchandises et les frais accessoires d'achat ; / - diminués des rabais, remises et ristournes obtenus sur achats ; / - la variation négative des stocks ; / - les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus (...) ; / - les taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées, les contributions indirectes, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ; (...) ". Les dispositions de cet article fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée, dont l'application est obligatoire pour l'entreprise en cause.

4. La société Métropole Télévision soutient qu'en ce qu'elles excluent, en se référant aux normes comptables en vigueur l'année de l'imposition en litige, les taxes prévues aux articles 302 bis KD et 302 bis KG du code général des impôts et à l'article L. 115-6 du code du cinéma et de l'image animée du calcul de la valeur ajoutée servant d'assiette à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et en ce qu'elles n'autorisent la déduction que de la taxe sur la valeur ajoutée, les dispositions du 4 du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et le principe d'égalité devant les charges publiques garantis par les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, au motif qu'elles instituent des différences de traitement entre les impôts déductibles et les impôts non-déductibles de la valeur ajoutée qui ne sont fondées sur aucun critère objectif et rationnel en rapport avec la définition de cette assiette. La société Métropole Télévision soutient en outre que le plan comptable général, qui ne permet d'inscrire comptablement les taxes en litige que dans un compte de charges et non, comme c'est le cas pour la taxe sur la valeur ajoutée, dans un compte de produits, alors que les trois taxes en litige grèvent économiquement le produit des services en cause, est également contraire aux principe d'égalité devant la loi et au principe d'égalité devant les charges publiques.

5. L'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 dispose que : " La loi (...) doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse ". L'article 13 de la même Déclaration dispose que : " Pour l'entretien de la force publique, et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés ". En vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient au législateur de déterminer, dans le respect des principes constitutionnels et compte tenu des caractéristiques de chaque impôt, les règles selon lesquelles doivent être appréciées les facultés contributives. En particulier, pour assurer le respect du principe d'égalité, il doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu'il se propose. Cette appréciation ne doit cependant pas entraîner de rupture caractérisée de l'égalité devant les charges publiques.

6. En premier lieu, il résulte des dispositions rappelées au point 2 ci-dessus, éclairées par leurs travaux préparatoires, que la notion de " taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées " désigne, non les taxes qui figurent au titre II de la première partie du livre premier du code général des impôts, mais la taxe sur la valeur ajoutée et les taxes qui, en application des normes comptables, grèvent le prix des biens et des services vendus par l'entreprise. En fixant ce critère de déduction pour le calcul de la valeur ajoutée, le législateur a fondé son appréciation de la capacité contributive des entreprises sur un critère objectif et rationnel. Par suite, le grief tiré de ce que les dispositions du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts méconnaissent le principe d'égalité devant la loi et le principe d'égalité devant les charges publiques, en ce que les normes comptables applicables auxquels cet article renvoie excluent les taxes prévues par les articles 302 bis KD et 302 bis KG du code général des impôts et par l'article L. 115-6 du code du cinéma et de l'image animée de la notion de " taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées ", ne présente aucun caractère sérieux.

7. En second lieu, les dispositions du plan comptable général ont une valeur règlementaire. Le moyen tiré de ce que ces dispositions méconnaissent les droits et libertés que la Constitution garantit ne peut par conséquent être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution.

8. Il résulte de ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Métropole Télévision, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur l'autre moyen du pourvoi :

9. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

10. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque, la société Métropole Télévision soutient que la cour administrative d'appel de Versailles a commis une erreur de droit en jugeant que le ministre de l'action et des comptes publics était fondé à soutenir que les taxes prévues par les articles 302 bis KD et 302 bis KG du code général des impôts et par l'article L. 115-6 du code du cinéma et de l'image animée n'étaient pas des taxes grevant comptablement le prix des biens et services vendus et qu'en conséquence, elles n'entraient pas dans le champ des dispositions du b) du 4 du I de l'article 1586 sexies du code général des impôts et ne pouvaient donc être déduites du chiffre d'affaires dans le cadre du calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

11. Ce moyen n'est pas de nature à justifier l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Métropole Télévision.

Article 2 : Le pourvoi de la société Métropole Télévision n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Métropole Télévision et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 436365
Date de la décision : 29/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2020, n° 436365
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matias de Sainte Lorette
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:436365.20200729
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