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29/07/2020 | FRANCE | N°431744

France | France, Conseil d'État, 9ème chambre, 29 juillet 2020, 431744


Vu la procédure suivante :

M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes, à titre subsidiaire, d'en prononcer la réduction par application du taux d'imposition forfaitaire de 19 % et, à titre encore plus subsidiaire, d'en prononcer la réduction par application de l'abattement de droit commun de 65 %. Par un jugement nos 1605158, 1612263, 1620502 du 11 avril 2018, le tribunal adm

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Vu la procédure suivante :

M. et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, de prononcer la décharge de la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2013 et des pénalités correspondantes, à titre subsidiaire, d'en prononcer la réduction par application du taux d'imposition forfaitaire de 19 % et, à titre encore plus subsidiaire, d'en prononcer la réduction par application de l'abattement de droit commun de 65 %. Par un jugement nos 1605158, 1612263, 1620502 du 11 avril 2018, le tribunal administratif de Paris a prononcé un non-lieu à statuer à hauteur des dégrèvements accordés, a prononcé la décharge de la différence entre le supplément d'impôt sur le revenu mis à leur charge et celui qui résulte des règles d'imposition en vigueur en 2011 et a rejeté le surplus de leurs requêtes.

Par un arrêt n° 18PA02142 du 18 avril 2019, la cour administrative d'appel de Paris a annulé les articles 3 à 5 de ce jugement et remis à la charge de M. et Mme C... les cotisations d'impôt litigieuses.

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un nouveau mémoire, enregistrés les 17 juin et 17 septembre 2019 et le 11 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. et Mme C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Conseil constitutionnel qui doit être rendue sur les questions prioritaires de constitutionnalité n° 2019-832 QPC et n° 2019-833 QPC ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire distinct, enregistré le 11 mars 2020, M. et Mme C... demandent au Conseil d'Etat, à l'appui de ce pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions du IV de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dans sa rédaction en vigueur entre le 1er janvier 2013 et le 1er janvier 2014, issue de l'article 38 de la loi du 30 décembre 2008 et antérieure à l'adoption du III de l'article 17 de la loi du 29 décembre 2013. Ils soutiennent que ces dispositions, applicables au litige, méconnaissent les principes de légalité, de nécessité et d'individualisation des peines, garantis par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, le principe d'égalité devant les charges publiques, garanti par l'article 13 de cette Déclaration ainsi que le principe de la garantie des droits résultant de l'article 16 de la même Déclaration.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et ses articles 61-1 et 62 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;

- loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2017-642 QPC du 7 juillet 2017 ;

- la décision du Conseil constitutionnel n° 2019-832/833 QPC du 3 avril 2020 ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Matias de Sainte Lorette, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, au Cabinet Briard, avocat de M. A... C... et de Mme B... C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme C... ont cédé le 2 juin 2011 la totalité des parts de la société ACJN qu'ils détenaient depuis plus de huit ans. A l'issue d'un contrôle sur pièces portant sur l'impôt sur les revenus des années 2011 à 2013, l'administration fiscale a remis en cause l'abattement de 100 % dont ils avaient bénéficié au motif que M. C... n'avait pas respecté la condition d'exonération prévue par l'article 150-0 D ter du code général des impôts, faute d'avoir cessé toute fonction au sein de cette société dans un délai de deux ans suivant la cession des titres. Le gain net réalisé lors de cette cession a été soumis au barème progressif de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2013, selon le nouveau régime d'imposition des plus-values de cessions de valeurs mobilières entré en vigueur au 1er janvier 2013, mais sans application des abattements applicables uniquement aux plus-values réalisées à compter de cette même date. M. et Mme C... se pourvoient en cassation contre l'arrêt du 18 avril 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a annulé les points 3 à 5 du jugement du 11 avril 2018 du tribunal administratif de Paris et remis à leur charge la cotisation d'impôt sur le revenu à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2013.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Le IV de l'article 150-0 D ter du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 38 de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 dispose que : " IV.- En cas de non-respect de la condition prévue au 4° du I à un moment quelconque au cours des trois années suivant la cession des titres ou droits, l'abattement prévu au même I est remis en cause au titre de l'année au cours de laquelle la condition précitée cesse d'être remplie. Il en est de même, au titre de l'année d'échéance du délai mentionné au c du 2° du I, lorsque l'une des conditions prévues au 1° ou au c du 2° du même I n'est pas remplie au terme de ce délai ".

4. M. et Mme C... soutiennent, en premier lieu, que les dispositions du IV de l'article 150-0 D ter du code général des impôts instaurent une sanction en assujettissant les plus-values réalisées avant le 1er janvier 2013 au barème progressif de l'impôt sur le revenu sans application d'un abattement pour durée de détention, une telle sanction méconnaissant les principes de légalité, de nécessité et d'individualisation des peines faute d'avoir été définie à la date de réalisation de la plus-value et de pouvoir être modérée en fonction du comportement du contribuable. Ils soutiennent, en deuxième lieu, que ces dispositions contreviennent au principe d'égalité devant les charges publiques dès lors que la suppression de tout abattement pour durée de détention en cas de remise en cause du régime défini au I de l'article 150-0 D ter entraîne une différence de traitement entre l'imposition des plus-values de cession de titres selon qu'elles sont réalisées avant ou après le 1er janvier 2013. En dernier lieu, ils soutiennent que ces dispositions sont contraires à la garantie des droits en ce qu'elles soumettent une plus-value réalisée avant le 1er janvier 2013 à un régime d'assiette et de taux applicables à compter de cette date.

5. Par ces griefs, les requérants entendent se prévaloir de la contrariété à la Constitution du régime d'imposition d'une plus-value réalisée avant le 1er janvier 2013 et rendue imposable à l'impôt sur le revenu postérieurement à cette date et avant le 31 décembre 2013. Ce régime d'imposition ne résulte pas des dispositions du IV de l'article 150-0 D ter du code général des impôts qui ont pour seul effet de rendre imposable une plus-value du fait de la remise en cause d'un régime dérogatoire d'imposition en cas de non-respect des conditions auxquelles il était subordonné, mais des dispositions des trois premiers alinéas du 1 ter de l'article 150-0 D du même code. Dès lors, les griefs analysés au point 4 ne peuvent être utilement invoqués pour demander que le Conseil constitutionnel soit saisi de ces dispositions.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la question prioritaire de constitutionnalité soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Par suite, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur le pourvoi :

7. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ".

8. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, M. et Mme C... soutiennent que la cour administrative d'appel de Paris :

- a commis une erreur de droit en jugeant que la déclaration de plus-values rectificative souscrite le 6 octobre 2015 était tardive au regard des dispositions de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales alors que le délai de réclamation applicable était celui qui est prévu à l'article R. 196-3 du même livre ;

- a commis une erreur de droit en appliquant aux plus-values litigieuses les dispositions du 2 de l'article 200 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 10 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 ;

- a commis une erreur de droit en refusant l'application des abattements prévus par l'article 150-0 D du code général des impôts dans sa rédaction en vigueur entre le 1er janvier 2013 et le 1er janvier 2014 ;

- a commis une erreur de droit en refusant d'appliquer le régime d'imposition en vigueur antérieurement au 1er janvier 2013.

9. Aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. et Mme C....

Article 2 : Le pourvoi de M. et Mme C... n'est pas admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme A... C... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.


Synthèse
Formation : 9ème chambre
Numéro d'arrêt : 431744
Date de la décision : 29/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2020, n° 431744
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Matias de Sainte Lorette
Rapporteur public ?: Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon
Avocat(s) : CABINET BRIARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:431744.20200729
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