Vu la procédure suivante :
Par cinq demandes, le département d'Indre-et-Loire a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler les titres exécutoires n° 4351, n° 4347, n° 4348, n° 4349 et n° 4350 émis le 10 janvier 2012 par le maire de la commune de Saint-Pierre-des-Corps pour avoir paiement, respectivement, des sommes de 204 470 euros, 194 824 euros, 201 094 euros, 211 121 euros et 70 837 euros au titre des frais de restauration des élèves des collèges de la commune pour les années 2005, 2006, 2007 et 2008 ainsi que pour le premier semestre de 2009. Par des jugements n° 1201245, n° 1201241, n° 1201242, n° 1201243 et n° 1201244 du 31 mai 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté ces demandes.
Par des arrêts n° 18NT02880, n° 18NT02876, n° 18NT02877, n° 18NT02878 et n° 18NT02879 du 29 mars 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté les appels formés par le département d'Indre-et-Loire contre ces jugements.
Sous les numéros 431207, 431208, 431209, 431210 et 431211, par cinq pourvois sommaires et cinq mémoires complémentaires, enregistrés les 29 mai et 26 août 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le département d'Indre-et-Loire demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les arrêts de la cour administrative d'appel de Nantes du 29 mars 2019 ;
2°) réglant les affaires au fond, d'annuler les jugements du tribunal administratif d'Orléans du 31 mai 2018 et de faire entièrement droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre, dans chacune des affaires, à la charge de la commune de Saint-Pierre-des-Corps la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 ;
- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d'Etat en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Gatineau, Fattaccini, Rebeyrol, avocat du département d'Indre-et-Loire et à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Saint-Pierre-des-Corps ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la commune de Saint-Pierre-des-Corps, sur le territoire de laquelle se trouvent trois collèges publics, assurait jusqu'à la fin de l'année 2004 le service de restauration scolaire de ces collèges et percevait à ce titre une subvention annuelle de l'Etat en exécution de conventions conclues avec lui. A la suite de l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, des dispositions de l'article L. 213-2 du code de l'éducation dans leur rédaction issue de l'article 82 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, confiant aux départements la charge d'assurer la restauration des élèves des collèges, la commune de Saint-Pierre-des-Corps a continué d'assurer ce service jusqu'au 31 août 2009, date à compter de laquelle le département d'Indre-et-Loire a assuré la prise en charge de ce service de restauration des collégiens en concluant un contrat de délégation de service public. Le 10 janvier 2012, le maire de Saint-Pierre-des-Corps a émis à l'encontre du département les titres exécutoires n° 4347, n° 4348, n° 4349, n° 4350 et n° 4351, pour des montants respectifs de 194 824 euros, 201 094 euros, 211 121 euros, 70 837 euros et 204 470 euros, correspondant aux frais de restauration collective exposés par la commune au cours des années 2006, 2007 et 2008, du premier semestre de l'année 2009 et de l'année 2005 et non couverts par les subventions versées par le département d'Indre-et-Loire. Par cinq jugements du 31 mai 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté les demandes du département d'Indre-et-Loire tendant à l'annulation de ces titres exécutoires. Le département d'Indre-et-Loire se pourvoit en cassation contre les cinq arrêts du 29 mars 2019 par lesquels la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté les appels qu'il avait formés contre ces jugements.
2. Les cinq pourvois présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision.
3. Aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'éducation, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, de la loi du 13 août 2004 : " Le département a la charge des collèges. A ce titre, il en assure la construction, la reconstruction, l'extension, les grosses réparations, l'équipement et le fonctionnement, à l'exception, d'une part, des dépenses pédagogiques à la charge de l'Etat dont la liste est arrêtée par décret et, d'autre part, des dépenses des personnels sous réserve des dispositions de l'article L. 216-1. / (...) ". Aux termes de l'article 1er du décret du 4 septembre 1985 relatif au fonctionnement du service annexe d'hébergement des établissements publics locaux d'enseignement, en vigueur au cours des années en litige : " Un service d'hébergement peut être annexé à un collège, à un lycée ou à un établissement d'éducation spéciale. Ce service accueille des élèves internes ou demi-pensionnaires. Il concourt à l'amélioration des conditions de vie dans les établissements et est intégré au projet d'établissement. Les élèves d'un établissement peuvent être hébergés dans un service annexé à un autre établissement ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Les dépenses de fonctionnement du service annexe d'hébergement - y compris, dans les établissements d'éducation spéciale, l'achat du trousseau des élèves - sont entièrement supportées par les familles et par l'Etat ". Il résulte de ces dispositions que, avant l'entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004, le service de restauration dans les collèges constituait une compétence de l'Etat et revêtait un caractère facultatif.
4. Aux termes de l'article L. 213-2 du code de l'éducation, dans sa rédaction issue, à compter du 1er janvier 2005, de la loi du 13 août 2004 : " Le département a la charge des collèges. A ce titre, il en assure (...) le fonctionnement (...). Le département assure l'accueil, la restauration, l'hébergement ainsi que l'entretien général et technique, à l'exception des missions d'encadrement et de surveillance des élèves, dans les collèges dont il a la charge ". Aux termes de l'article L. 213-6 du même code : " (...) Le département est substitué à l'Etat dans les contrats de toute nature que celui-ci avait conclus pour l'aménagement, l'entretien et la conservation des biens ainsi que pour le fonctionnement des services. L'Etat constate cette substitution et la notifie à ses cocontractants (...) ". Aux termes de l'article L. 421-23 du même code, dans sa rédaction issue de la même loi : " (...) / II. - Pour l'exercice des compétences incombant à la collectivité de rattachement, le président du conseil général ou régional s'adresse directement au chef d'établissement. / Il lui fait connaître les objectifs fixés par la collectivité de rattachement et les moyens que celle-ci alloue à cet effet à l'établissement. Le chef d'établissement est chargé de mettre en oeuvre ces objectifs et de rendre compte de l'utilisation de ces moyens. / Le chef d'établissement (...) assure la gestion du service de demi-pension conformément aux modalités d'exploitation définies par la collectivité compétente. Un décret détermine les conditions de fixation des tarifs de restauration scolaire et d'évolution de ceux-ci en fonction du coût, du mode de production des repas et des prestations servies. / Une convention passée entre l'établissement et, selon le cas, le conseil général ou le conseil régional précise les modalités d'exercice de leurs compétences respectives ".
5. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu transférer de l'Etat au département, dans la mesure où l'Etat l'assurait, la charge du service de restauration dans les collèges et organiser les modalités de cette prise en charge, qui a été assortie du transfert des moyens et, en vertu de l'article L. 213-2-1 du code de l'éducation, tel que modifié par la loi du 13 août 2004, de la gestion des agents concernés. En revanche, il ne résulte pas de la loi, éclairée par les travaux parlementaires ayant conduit à l'adoption de l'article 82 de la loi du 13 août 2004, que le législateur ait entendu, à cette occasion, transformer ce service public administratif, jusqu'alors facultatif, en service public administratif obligatoire.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'aucun service de restauration n'était assuré par l'Etat, avant 2005, dans les collèges situés sur le territoire de la commune de Saint-Pierre-des-Corps, ce service ayant été institué par la commune et que la fourniture de repas aux élèves de ces trois collèges procédait, avant comme après le 1er janvier 2005, en l'absence d'obligation légale en la matière, de décisions prises par la commune sur le fondement de la clause de compétence générale qu'elle tient de l'article L. 2121-29 du code général des collectivités territoriales.
7. D'autre part, aux termes de l'article L. 1612-15 CGCT, " ne sont obligatoires que les dépenses nécessaires à l'acquittement des dettes exigibles et les dépenses pour lesquelles la loi l'a expressément décidé ". Les dépenses afférentes au service de restauration des collèges ne constituent pour les départements des dépenses obligatoires que dans la limite des engagements qu'ils ont pris à ce titre ou des engagements de l'Etat à la reprise desquels ils étaient tenus.
8. Il résulte de ce qui précède qu'en jugeant que le département d'Indre-et-Loire avait décidé de ne pas supprimer le service de restauration dans les collèges mis en place par la commune de Saint-Pierre-des-Corps et en en déduisant que les dépenses afférentes à ce service présentaient pour lui le caractère de dépenses obligatoires, alors que ce département n'était pas tenu, à la suite du transfert des compétences auparavant exercées par l'État en ce qui concerne les collèges, d'assurer ce service de restauration dans les collèges, qui demeurait un service public facultatif, ses obligations se limitant à la reprise d'éventuels engagements de l'Etat en la matière, notamment en vertu des dispositions de l'article L. 213-6 du même code prévoyant que le département devait se substituer à l'Etat, à compter du 1er janvier 2005, dans les obligations nées de tous les contrats conclus par ce dernier pour le fonctionnement des services du collège, la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit. Le département d'Indre-et-Loire est fondé à demander pour ce motif, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, l'annulation des arrêts qu'il attaque.
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler les affaires au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code.
10. En premier lieu, d'une part, s'il résulte de l'instruction que le département d'Indre-et-Loire avait joint à ses requêtes devant le tribunal administratif d'Orléans, enregistrées sous les numéros 1201241, 1201242, 1201243 et 1201245, un avis de sommes à payer ne correspondant pas au titre exécutoire attaqué, il n'est pas contesté que, dans chacune de ces affaires, l'avis de sommes à payer pertinent a ultérieurement été produit. D'autre part, si les mémoires du département devant la cour administrative d'appel de Nantes, dans les requêtes d'appel enregistrées sous les numéros 18NT02877, 18NT02878, 18NT02879 et 18NT02880, mentionnaient l'annulation du jugement du tribunal administratif d'Orléans faisant l'objet de l'appel enregistré sous le numéro 18NT02876, cette simple erreur de plume a été ensuite corrigée. Les fins de non-recevoir invoquées par la commune de Saint-Pierre-des-Corps ne peuvent donc qu'être écartées.
11. En second lieu, il résulte de l'instruction que, pour les années concernées par les titres de recettes en litige, le département d'Indre-et-Loire avait explicitement exclu de reprendre à sa charge le service de restauration institué par la commune de Saint-Pierre-des-Corps dans les trois collèges situés sur son territoire, s'engageant seulement à reverser à celle-ci le montant de la subvention que l'Etat versait à la commune, jusqu'en 2004, à titre de participation à ce service. Il en résulte que, compte tenu de ce refus, qui n'était pas fautif, le département, dont il n'est pas contesté qu'il a chaque année versé à la commune, conformément à son engagement, le montant de la subvention mentionnée ci-dessus, n'est pas redevable à la commune des sommes correspondant à la différence entre cette subvention et les dépenses totales résultant de la prise en charge financière de la restauration scolaire des élèves des collèges situés sur le territoire de la commune, mises à sa charge par les titres de recettes litigieux. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, le département d'Indre-et-Loire est fondé à demander l'annulation des jugements qu'il attaque ainsi que celle des titres exécutoires litigieux.
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge du département d'Indre-et-Loire qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Pierre-des-Corps une somme globale de 3 000 euros à verser au département d'Indre-et-Loire au titre de cet article.
D E C I D E :
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Article 1er : Les arrêts de la cour administrative d'appel de Nantes n°18NT02876, n° 18NT02877, n° 18NT02878, n°18NT02879 et n° 18NT02880 du 29 mars 2019, ainsi que les jugements du tribunal administratif d'Orléans n° 1201241, n° 1201242, n° 1201243, n° 1201244 et n° 1201245 du 31 mai 2018 sont annulés.
Article 2 : Les titres exécutoires n° 4347, n° 4348, n° 4349, n° 4350 et n° 4351, émis le 10 janvier 2012 par la commune de Saint-Pierre-des-Corps, sont annulés.
Article 3 : La commune de Saint-Pierre-des-Corps versera au département d'Indre-et-Loire une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées par cette commune au titre des mêmes dispositions sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au département d'Indre-et-Loire et à la commune de Saint-Pierre-des-Corps.