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29/07/2020 | FRANCE | N°428283

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 29 juillet 2020, 428283


Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 août 2014 par lequel le maire de la commune de Saint-Seurin-sur-l'Isle lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de trois jours, d'enjoindre au maire de cette commune de le réintégrer sur le poste qu'il occupait au service des bâtiments et de le rétablir dans ses droits ainsi que de condamner la commune à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices subis à raison d'un harcèlement moral.

Par un jugement n° 1500003 du 19 octob

re 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 29 août...

Vu la procédure suivante :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 29 août 2014 par lequel le maire de la commune de Saint-Seurin-sur-l'Isle lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de trois jours, d'enjoindre au maire de cette commune de le réintégrer sur le poste qu'il occupait au service des bâtiments et de le rétablir dans ses droits ainsi que de condamner la commune à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation des préjudices subis à raison d'un harcèlement moral.

Par un jugement n° 1500003 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 29 août 2014 et rejeté le surplus des demandes présentées par M. B....

Par un arrêt n° 16BX04023 du 20 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur l'appel formé par M. B..., a annulé ce jugement, condamné la commune de Saint-Seurin-sur-l'Isle à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral causé par le harcèlement moral dont il avait été victime et rejeté le surplus des conclusions à fin d'injonction de sa requête d'appel.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat de la section du contentieux les 20 février et 20 mai 2019, la commune de Saint-Seurin-sur-l'Isle demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter la requête d'appel et la demande de première instance de M. B... et de faire droit à ses conclusions d'appel et de première instance ;

3°) de mettre à la charge de M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Laurent-Xavier Simonel, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Laurent Cytermann, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Saint-Seurin-sur-l'Isle et à la SCP Boré, Salve de Bruneton, Mégret, avocat de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 29 août 2014, le maire de la commune de Saint-Seurin-sur-l'Isle a prononcé la sanction d'exclusion temporaire de trois jours à l'encontre de M. A... B..., agent de maitrise titulaire affecté aux services techniques de la collectivité, à la suite d'une altercation survenue le 14 août 2014 entre cet agent et l'adjoint au responsable du service municipal des infrastructures et des espaces environnementaux. M. B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de cette sanction et, s'estimant victime d'agissements constitutifs d'un harcèlement moral commis par la commune, la réparation des préjudices en résultant. Par un jugement du 19 octobre 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 29 août 2014 et rejeté le surplus des conclusions de la demande. Par un arrêt du 20 décembre 2018, la cour administrative d'appel de Bordeaux, sur l'appel formé par M. B..., a annulé ce jugement et condamné la commune à lui verser 5 000 euros en réparation du préjudice moral causé par le harcèlement moral dont il avait été victime. La commune de Saint-Seurin-sur-l'Isle se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".

3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, d'une part, que, si M. B... a fait preuve, à plusieurs reprises, d'un comportement peu coopératif et d'attitudes irrespectueuses à l'égard de ses supérieurs hiérarchiques, pour lesquels il a été réprimandé ou sanctionné, en particulier par un avertissement prononcé le 9 mai 2013, puis par une exclusion temporaire de trois jours prononcée le 29 août 2014 et exécutée à compter du 2 septembre 2014, l'intéressé, engagé en qualité d'agent d'entretien en 2003, promu au grade d'agent de maîtrise et dont la nomination au principalat de ce grade avait été envisagée en 2012, avait cependant constamment fait l'objet, jusqu'en 2014, d'évaluations favorables avec notamment, depuis 2008, des notes supérieures à 18,20 sur 20, assorties de commentaires soulignant ses aptitudes professionnelles. Il en ressort, d'autre part, qu'à compter de 2014, la notation de M. B... a été abaissée à 12,55 sur 20 et assortie d'appréciations particulièrement négatives, sans que la commune n'établisse que cette évolution aurait correspondu à une modification substantielle du comportement ou des aptitudes professionnelles de l'intéressé, qu'il a été régulièrement affecté à des tâches sans rapport avec ses capacités techniques, sans que la commune n'établisse que ces affectations étaient imposées par les besoins du service et qu'il a été confronté à l'hostilité manifeste de sa hiérarchie et de représentants de l'exécutif municipal, qui s'est traduite, en particulier, par des propos humiliants tenus publiquement à son encontre ainsi que par l'exercice de pressions sur ceux des agents communaux qui avaient accepté de témoigner en sa faveur. Par suite, la cour a pu, après avoir relevé la brutale dégradation de la notation de M. B..., déduire, sans les dénaturer, de ces éléments, corroborés par des attestations dont les termes concordants ne suffisaient pas à écarter le caractère probant, que l'intéressé avait fait l'objet de la part de sa hiérarchie d'une surveillance étroite visant à le prendre en faute, de brimades et de propos vexatoires et, en l'absence d'éléments suffisamment probants produits en sens inverse par la commune, n'a pas inexactement qualifié les faits en jugeant que ces éléments étaient constitutifs de harcèlement moral.

5. Il résulte de ce qui précède que la commune de Saint-Seurin-sur-l'Isle n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que demande, à ce titre, la commune de Saint-Seurin-sur-l'Isle. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Seurin-sur-l'Isle la somme de 3 000 euros à verser à M. B..., au titre de ces dispositions.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la commune de Saint-Seurin-sur-l'Isle est rejeté.

Article 2 : La commune de Saint-Seurin-sur-l'Isle versera à M. B... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la commune de Saint-Seurin-sur-l'Isle et à M. A... B....


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 29 jui. 2020, n° 428283
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Laurent-Xavier Simonel
Rapporteur public ?: M. Laurent Cytermann
Avocat(s) : SCP FOUSSARD, FROGER ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON, MEGRET

Origine de la décision
Formation : 3ème chambre
Date de la décision : 29/07/2020
Date de l'import : 05/08/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 428283
Numéro NOR : CETATEXT000042175678 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-07-29;428283 ?
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