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29/07/2020 | FRANCE | N°427380

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 29 juillet 2020, 427380


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 janvier et 31 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Comité économique des produits de santé sur sa demande tendant à l'abrogation de sa note du 21 mai 2012 relative aux modalités de calcul de la marge applicable aux conditionnements trimestriels ;

2°) de mettre à la c

harge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de jus...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 janvier et 31 juillet 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite de rejet née du silence gardé par le Comité économique des produits de santé sur sa demande tendant à l'abrogation de sa note du 21 mai 2012 relative aux modalités de calcul de la marge applicable aux conditionnements trimestriels ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 4 août 1987 relatif aux prix et aux marges des médicaments remboursables et des vaccins et des allergènes préparés spécialement pour un individu ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Damien Pons, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France ;

Considérant ce qui suit :

1. D'une part, aux termes du IV de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique : " Lorsqu'un traitement est prescrit pour une durée d'au moins trois mois, y compris au moyen du renouvellement multiple d'un traitement mensuel, et qu'un grand conditionnement est disponible pour le médicament concerné ou pour sa forme générique, le pharmacien doit délivrer ledit conditionnement ".

2. D'autre part, en vertu du I de l'article L. 162-16-4 du code de la sécurité sociale, le prix de vente au public des médicaments remboursables " est fixé par convention entre l'entreprise exploitant le médicament (...) et le Comité économique des produits de santé (...) ou, à défaut, par décision du comité (...). / Ce prix comprend les marges prévues par la décision mentionnée à l'article L. 162-38 ainsi que les taxes en vigueur (...) ". Aux termes de l'article L. 162-38 du même code : " Sans préjudice des dispositions relatives aux conventions conclues entre les organismes d'assurance maladie et les professions de santé, les ministres chargés de l'économie, de la santé et de la sécurité sociale, peuvent fixer par décision les prix et les marges des produits et les prix des prestations de services pris en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale (...) ". L'arrêté du 4 août 1987 relatif aux prix et aux marges des médicaments remboursables et des vaccins et des allergènes préparés spécialement pour un individu, pris par les ministres chargés de l'économie, de la santé et de la sécurité sociale sur le fondement de ces dispositions, a fixé les marges des pharmaciens d'officine sur les spécialités pharmaceutiques remboursables sous la forme d'un barème de coefficients applicables, par tranches, au prix fabricant hors taxes de ces produits. Cet arrêté a été complété par un arrêté des mêmes ministres du 4 mai 2012 pour prévoir, au c) du 2° du I de son article 2, que : " S'agissant des grands conditionnements des spécialités pharmaceutiques mentionnés à l'article L. 5125-23 du code de la santé publique correspondant à trois mois de traitement, (...) la marge du pharmacien d'officine est obtenue en multipliant par trois la marge du pharmacien sur les spécialités pharmaceutiques correspondant à un mois de traitement, calculée en application [du barème], à laquelle est appliquée une décote de 10 % ".

3. A la suite de la publication de l'arrêté du 4 mai 2012, le Comité économique des produits de santé a mis en ligne sur son site internet une note du 21 mai 2012 relative aux modalités de calcul de la marge applicable aux conditionnements trimestriels pour, selon les termes de cette note, apporter des précisions en vue de la mise en oeuvre de ces nouvelles dispositions. Eu égard aux moyens qu'elle soulève, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France doit être regardée comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir de la décision implicite par laquelle le Comité économique des produits de santé a rejeté sa demande du 24 septembre 2018 tendant à l'abrogation de la première partie de cette note, relative au champ d'application des règles de calcul de la marge du pharmacien applicables aux conditionnements trimestriels.

Sur la note, en tant qu'elle prévoit qu'un conditionnement mensuel de référence doit exister :

4. Le c) du 2° du I de l'article 2 de l'arrêté 4 août 1987, issu de l'arrêté du 4 mai 2012, prévoit que la marge du pharmacien d'officine applicable aux grands conditionnements mentionnés à l'article L. 5125-23 du code de la santé publique correspondant à trois mois de traitement est obtenue en multipliant par trois la marge du pharmacien sur les spécialités pharmaceutiques correspondant à un mois de traitement. En prévoyant, au b) du 1) de sa note, qu'il n'existe de conditionnement trimestriel " que si un conditionnement mensuel strictement de même dosage dit " de référence " est identifiable ", le Comité économique des produits de santé n'a pas entendu faire obstacle à l'application du c) du 2° du I de l'article 2 de l'arrêté 4 août 1987 dans l'hypothèse où une spécialité viendrait à être commercialisée dans un conditionnement de taille inférieure au mois, mais seulement rappeler qu'il doit exister un conditionnement de la même spécialité dans le même dosage qui permette de calculer la marge du pharmacien correspondant à un mois de traitement. Il n'a, ainsi, pas méconnu le sens et la portée des dispositions de l'arrêté du 4 août 1987 qu'il entendait interpréter, ainsi qu'il avait compétence pour le faire. Par suite, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du Comité économique des produits de santé rejetant sa demande, en tant qu'elle refuse d'abroger ces dispositions.

Sur la note, en tant qu'elle précise les présentations trimestrielles concernées :

5. Le c) du 2° du I de l'article 2 de l'arrêté du 4 août 1987, issu de l'arrêté du 4 mai 2012, définit les modalités de calcul de la marge des pharmaciens d'officine applicable à tous les grands conditionnements correspondant à trois mois de traitement que les pharmaciens ont l'obligation de délivrer en vertu du IV de l'article L. 5125-23 du code de la santé publique. Au c) du point 1) de sa note, le Comité économique des produits de santé indique que l'arrêté du 4 mai 2012 ne s'accompagne d'aucune liste des présentations concernées ou des classes thérapeutiques dans lesquelles ces conditionnements existent. Il précise que les présentations trimestrielles concernées sont celles qui appartiennent aux catégories incluses dans le périmètre retenu par la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé dans un avis du 13 avril 2005 sur les conditionnements de médicaments destinés à des traitements de plus d'un mois dans les pathologies chroniques, c'est-à-dire les spécialités indiquées dans le traitement de l'ostéoporose, du cholestérol et de l'hypertension artérielle, ainsi que les antidiabétiques oraux, et que " sont donc exclues du périmètre (...) les autres spécialités ayant un conditionnement trimestriel ". Si ces dispositions annoncent la mise au point d'une liste de spécialités qui a été ultérieurement élaborée et mise en ligne sur le site du ministère chargé de la santé et de la sécurité sociale, il ressort des pièces du dossier qu'elles formalisent la doctrine que le Comité économique des produits de santé s'est donnée en vue de l'élaboration et de la mise à jour de cette liste et qu'il continue d'appliquer à cette fin. Or ces dispositions restreignent illégalement le champ d'application des dispositions c) du 2° du I de l'article 2 de l'arrêté du 4 août 1987. Par suite, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de sa requête, la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France est fondée à demander l'annulation de la décision implicite par laquelle le Comité économique des produits de santé a rejeté sa demande en tant qu'elle refuse d'abroger le c) du 1) de la note du 21 mai 2012.

Sur les conclusions du Comité économique des produits de santé tendant à ce que le Conseil d'Etat limite dans le temps les effets de l'annulation prononcée :

6. La présente décision impliquant seulement l'abrogation du c) du 1) de la note du 21 mai 2012, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande du Comité économique des produits de santé, tendant à ce que les effets de l'annulation prononcée soient différés.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : La décision implicite par laquelle le Comité économique des produits de santé a rejeté la demande de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France est annulée en tant qu'elle refuse d'abroger le c) du 1) de sa note du 21 mai 2012 relative aux modalités de calcul de la marge applicable aux conditionnements trimestriels.

Article 2 : L'Etat versera à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France et au Comité économique des produits de santé.

Copie en sera adressée au ministre des solidarités et de la santé.


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
Proposition de citation: CE, 29 jui. 2020, n° 427380
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Damien Pons
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Formation : 1ère chambre
Date de la décision : 29/07/2020
Date de l'import : 04/08/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 427380
Numéro NOR : CETATEXT000042175661 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2020-07-29;427380 ?
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