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29/07/2020 | FRANCE | N°425031

France | France, Conseil d'État, 1ère chambre, 29 juillet 2020, 425031


Vu la procédure suivante :

Par une requête et par deux mémoires en réplique, enregistrés les 24 octobre 2018, 28 juin 2019 et 8 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. AF... W..., M. BJ... BI..., M. BK...-N... Z..., M. BB... AD..., M. BC..., M. AA... AR..., M. C... X..., Mme BG... Y..., Mme G... K..., Mme P... AM..., M. Q... L..., M. AU... AL... M. BH...-C... AQ..., M. Vincent BF..., M. I... AG..., M. BH...-BL... J..., M. AP... BE..., M. AW... A..., M. AF... S..., M. N... AZ..., Mme B... D..., M. AK... AI..., M. BA... AB..., Mme M... AT..., Mme T... H..., M.

BD... E..., Mme F... U..., M. AO... AY..., M. AX... AE..., ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et par deux mémoires en réplique, enregistrés les 24 octobre 2018, 28 juin 2019 et 8 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. AF... W..., M. BJ... BI..., M. BK...-N... Z..., M. BB... AD..., M. BC..., M. AA... AR..., M. C... X..., Mme BG... Y..., Mme G... K..., Mme P... AM..., M. Q... L..., M. AU... AL... M. BH...-C... AQ..., M. Vincent BF..., M. I... AG..., M. BH...-BL... J..., M. AP... BE..., M. AW... A..., M. AF... S..., M. N... AZ..., Mme B... D..., M. AK... AI..., M. BA... AB..., Mme M... AT..., Mme T... H..., M. BD... E..., Mme F... U..., M. AO... AY..., M. AX... AE..., Mme T... AV..., M. AW... AS..., M. R... V... et M. AC... AH... demandent au Conseil d'Etat :

1°) à titre principal, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 août 2018 de la ministre des solidarités et de la santé et du ministre de l'action et des comptes publics portant approbation de la convention nationale organisant les rapports entre les chirurgiens-dentistes libéraux et l'assurance maladie, en tant qu'il approuve l'article 27 de cette convention ;

2°) à titre subsidiaire, si l'article 27 n'était pas jugé divisible des autres dispositions de la convention, d'annuler l'arrêté du 20 août 2018 dans son ensemble ;

3°) d'enjoindre à l'Etat d'organiser une nouvelle négociation de la convention nationale définissant les rapports entre les chirurgiens-dentistes et l'assurance maladie destinée à modifier son article 27 et d'approuver la modification apportée à la convention par un nouvel arrêté dans un délai de deux mois à compter de la décision du Conseil d'Etat, sous astreinte de 50 euros par jour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 720 euros à verser à chacun d'eux au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Manon Chonavel, auditrice,

- les conclusions de M. Vincent Villette, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 juin 2020, présentée par M. W... et les autres rquèrants ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 162-9 du code de la sécurité sociale : " Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les chirurgiens-dentistes (...) sont définis par des conventions nationales conclues entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs des organisations syndicales nationales les plus représentatives de chacune de ces professions ". En vertu des dispositions de l'article L. 162-15 du même code, ces conventions sont soumises à l'approbation des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale.

2. En application de ces dispositions, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, la Confédération nationale des syndicats dentaires, l'Union dentaire et l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire ont signé, le 21 juin 2018, une convention nationale organisant les rapports entre les chirurgiens-dentistes libéraux et l'assurance maladie. Les requérants demandent l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 20 août 2018 par lequel le ministre des solidarités et de la santé et le ministre de l'action et des comptes publics ont approuvée cette convention, en tant qu'il approuve son article 27 aux termes duquel : " le droit permanent à dépassement n'est plus accordé à de nouveaux praticiens, mais ceux qui l'ont obtenu sous l'empire des anciennes conventions conservent ce droit à l'entrée en vigueur du présent accord (...) ". Ils font valoir les conséquences de cette disposition pour les chirurgiens-dentistes titulaires du diplôme d'études spécialisées de chirurgie orale créé par l'arrêté du 31 mars 2011 fixant la liste des formations qualifiantes et la réglementation des diplômes d'études spécialisées en odontologie.

Sur la méconnaissance du principe d'égalité :

3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale : " Les rapports entre les organismes d'assurance maladie et les médecins sont définis par des conventions nationales conclues séparément pour les médecins généralistes et les médecins spécialistes, par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et une ou plusieurs organisations syndicales les plus représentatives pour l'ensemble du territoire de médecins généralistes ou de médecins spécialistes ou par une convention nationale conclue par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et au moins une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire de médecins généralistes et une organisation syndicale représentative pour l'ensemble du territoire de médecins spécialistes ".

4. En vertu de l'article 38.2 de la convention, signée le 25 août 2016 entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, la Fédération française des médecins généralistes, la Fédération des médecins de France et le syndicat Le BLOC et approuvée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale le 20 octobre 2016, qui organise les rapports entre les médecins libéraux et l'assurance maladie et s'applique notamment aux médecins libéraux exerçant la spécialité de chirurgie orale, " les médecins titulaires du droit à dépassement permanent à la date d'entrée en vigueur de la présente convention en conservent le bénéfice ". L'article 38.1 de la même convention prévoit par ailleurs que : " Les médecins autorisés à pratiquer des honoraires différents à la date d'entrée en vigueur de la présente convention en conservent le bénéfice. (...) Peuvent demander à être autorisés à pratiquer des honoraires différents, les médecins qui, à compter de la date d'entrée en vigueur de la présente convention, s'installent pour la première fois en exercice libéral dans le cadre de la spécialité qu'ils souhaitent exercer et sont titulaires des titres énumérés ci-après ", qui sont des titres hospitaliers publics ou des titres reconnus équivalents. Il résulte de ces dispositions que les médecins spécialisés en chirurgie orale peuvent pratiquer des dépassements d'honoraires soit s'ils bénéficiaient sous l'empire de la convention antérieure à celle qui a été signée en 2016 du droit permanent à dépassement, soit si, étant titulaires de l'un des diplômes énumérés à l'article 38.1 de la convention, ils choisissent, lors de leur première installation pour pratiquer cette spécialité, d'exercer en secteur à honoraires différents.

5. Ainsi que le font valoir les requérants, les chirurgiens-dentistes spécialisés en chirurgie orale, à la différence des médecins titulaires du même diplôme d'études spécialisées leur donnant compétence pour accomplir les mêmes actes, n'ont pas la possibilité, s'ils exercent dans le cadre conventionnel sans disposer du droit permanent à dépassement du fait de leur situation antérieure, de pratiquer des honoraires différents de ceux qui résultent des tarifs fixés par la convention. Toutefois, cette différence de traitement résulte des dispositions des articles L. 162-5 et L. 162-9 du code de la sécurité sociale, qui soumettent les médecins et les chirurgiens-dentistes à des régimes différents, négociés entre l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et les organisations syndicales nationales représentatives de la profession intéressée et reposant sur un équilibre propre à chaque profession entre les obligations de l'assurance maladie et celles des praticiens libéraux exerçant dans le cadre conventionnel. Par suite, les requérants ne peuvent utilement soutenir que l'arrêté approuvant la convention nationale des chirurgiens-dentistes méconnaîtrait le principe d'égalité.

6. En second lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que les ministres compétents approuvent des stipulations conventionnelles réglant de façon différente des situations différentes, ou dérogeant à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier.

7. En restreignant le bénéfice du droit permanent à dépassement d'honoraires aux praticiens qui en bénéficiaient à la date de son entrée en vigueur, l'article 27 de la convention nationale des chirurgiens-dentistes a entendu satisfaire à l'objectif d'intérêt général d'accessibilité de l'offre de soins bucco-dentaires qu'elle affirme dans son préambule. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la différence de traitement ainsi opérée entre chirurgiens-dentistes, qui est en rapport direct avec l'objet de ces dispositions, serait manifestement disproportionnée par rapport à l'objectif qu'elle poursuit, au regard des charges pesant sur les praticiens spécialisés en chirurgie orale ou de son incidence sur la qualité des soins dentaires en cause. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaîtrait le principe d'égalité, au motif que la convention traite différemment les chirurgiens-dentistes selon leur situation antérieure, doit être écarté.

Sur la méconnaissance de la liberté contractuelle et de la liberté d'entreprendre :

8. Aux termes du I de l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale : " La ou les conventions prévues aux articles L. 162-5, L. 162-9 (...) définissent : 1° Les tarifs des honoraires, rémunérations et frais accessoires dus aux professionnels par les assurés sociaux en dehors des cas de dépassement autorisés par la convention pour les médecins et les chirurgiens-dentistes (...) ".

9. Il résulte de ces dispositions que les signataires de la convention nationale des chirurgiens-dentistes étaient légalement habilités à définir des tarifs opposables aux praticiens conventionnés ainsi qu'à déterminer, comme ils l'ont fait à l'article 27 de ce document, les conditions d'attribution du droit permanent à dépassement d'honoraires susceptible d'être reconnu à certains praticiens. La seule circonstance que la convention mette fin à l'octroi de tout nouveau droit permanent à dépassement au profit des chirurgiens-dentistes faisant le choix d'exercer dans le cadre conventionnel ne peut être regardée comme une atteinte illégale à la liberté contractuelle ou à la liberté d'entreprendre de ces praticiens.

10. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants, qui critiquent seulement l'absence de droit permanent à dépassement pour les nouveaux praticiens et non les tarifs des actes relevant de la chirurgie orale, ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté qu'ils attaquent.

Sur les autres conclusions de la requête :

11. Les conclusions des requérants à fin d'annulation étant rejetées, leurs conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être également rejetées.

12. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'Union nationale des caisses d'assurance maladie au titre des mêmes dispositions.

D E C I D E :

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Article 1er : La requête de M. W... et des autres requérants est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'Union nationale des caisses d'assurance maladie présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée, pour l'ensemble des requérants, à M. AF... W..., désigné représentant unique, à l'Union nationale des caisses d'assurance maladie et au ministre des solidarités et de la santé.

Copie en sera adressée à l'Union dentaire, à la Confédération nationale des syndicats dentaires, à l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire et au Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes.


Synthèse
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 425031
Date de la décision : 29/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 29 jui. 2020, n° 425031
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Manon Chonavel
Rapporteur public ?: M. Vincent Villette
Avocat(s) : SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:425031.20200729
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