Vu la procédure suivante :
La ville de Lyon a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner la SARL Immobilière Massimi à lui verser une provision de 561 128,35 euros au titre d'un fonds de concours stipulé par deux conventions relatives à la réalisation de la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Massimi ", dans le 7ème arrondissement de Lyon. Par une ordonnance n° 1304243 du 7 octobre 2013, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a condamné la société Immobilière Massimi à verser à la ville de Lyon une somme de 420 000 euros à titre de provision. Par un arrêt n°s 13LY02799, 13LY02801 du 25 mars 2014, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par la société Immobilière Massimi contre cette ordonnance. Par une décision n° 380428 du 1er décembre 2014, le Conseil d'État a donné acte du désistement d'instance de la société Immobilière Massimi.
La société Immobilière Massimi a alors demandé au tribunal administratif de Lyon, sur le fondement de l'article R. 541-4 du code justice administrative, à titre principal, de la décharger de toute dette à l'égard de la ville de Lyon et d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 17 décembre 2013 par le maire de Lyon pour un montant de 420 000 euros et, à titre subsidiaire, de condamner la ville de Lyon à lui verser une indemnité de ce montant en réparation de son préjudice financier. Par jugement n° 1404057 du 3 novembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a fixé le montant définitif de sa dette à la somme de 420 000 euros tous intérêts compris et rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société.
Par un arrêt n° 16LY04486 du 16 octobre 2018, la cour administrative d'appel de Lyon a, sur appel de la société Immobilière Massimi, annulé ce jugement, fixé le montant définitif de sa dette à la somme de 420 000 euros, en prévoyant la capitalisation des intérêts échus, et rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 12 décembre 2018 et 11 mars 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Immobilière Massimi demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de la ville de Lyon la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des procédures civiles d'exécution ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme A... B..., conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Marie Sirinelli, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano, avocat de la SARL Massimi et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de la ville de Lyon ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une convention du 18 décembre 1997, la communauté urbaine de Lyon a confié à la société Immobilière Massimi la réalisation de la zone d'aménagement concerté Massimi dans le 7ème arrondissement de Lyon. Par cette convention, en vertu de l'article L. 311-4-1 du code de l'urbanisme, alors applicable, qui permettait de mettre à la charge des constructeurs le coût des équipements publics à réaliser pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans une telle zone, la société s'est notamment engagée à verser à la ville de Lyon la somme de 2,5 millions de francs, par le biais d'un fonds de concours, pour répondre aux besoins scolaires induits par la zone. Les modalités de ce versement devaient être déterminées par une convention à conclure entre la ville et la société, qui a été signée le 24 mars 1998. Saisi par la ville de Lyon sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a, par une ordonnance du 7 octobre 2013 confirmée par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 25 mars 2014, condamné la société Immobilière Massimi à verser à la ville la somme de 420 000 euros à titre de provision à valoir sur le règlement du fonds de concours. A la suite de ces décisions, la société Immobilière Massimi a demandé au tribunal administratif de Lyon, en application de l'article R. 541-4 du code de justice administrative, de la décharger de toute dette envers la ville de Lyon et d'annuler le titre exécutoire émis à son encontre le 17 décembre 2013 par le maire de Lyon pour un montant de 420 000 euros. Le tribunal a, par un jugement du 3 novembre 2016, fixé le montant définitif de la dette de la société à la somme de 420 000 euros et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. Par un arrêt du 16 octobre 2018, contre lequel la société Immobilière Massimi se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Lyon, après avoir annulé le jugement du tribunal administratif, a fixé le montant définitif de cette dette à la somme de 420 000 euros, en prévoyant la capitalisation des intérêts, et rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société.
Sur l'arrêt, en tant qu'il statue sur les conclusions tendant à la fixation définitive du montant de la dette :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable (...) ". Aux termes de l'article R. 541-4 du même code : " Si le créancier n'a pas introduit de demande au fond dans les conditions de droit commun, la personne condamnée au paiement d'une provision peut saisir le juge du fond d'une requête tendant à la fixation définitive du montant de sa dette, dans un délai de deux mois à partir de la notification de la décision de provision rendue en première instance ou en appel ". Les dispositions précitées de l'article R. 541-4 du code de justice administrative ouvrent à la personne condamnée au paiement d'une provision, dans les conditions qu'elles fixent, la faculté de saisir le juge du fond, auquel il incombe de statuer tant sur le principe que, le cas échéant, sur le montant de sa dette. L'éventuelle irrecevabilité de la demande de provision présentée devant le juge des référés est sans incidence sur l'instance au fond. Par suite, la cour a suffisamment motivé son arrêt et ne l'a pas entaché de contradiction en se bornant à écarter comme inopérant le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de provision formée par la ville de Lyon devant le juge des référés.
3. En deuxième lieu, en jugeant que les stipulations de la convention de réalisation de la zone d'aménagement concerté, conclue entre la communauté urbaine et la société, et celles de la convention de remise des équipements publics à la ville de Lyon, conclue entre la ville et la société, instauraient une procédure préalable à la mise en jeu de la garantie bancaire d'achèvement prévue par la première de ces conventions, applicable en cas de défaut de versement du montant du fonds de concours, mais ne subordonnaient pas la saisine du juge, pour obtenir ce versement, à la mise en oeuvre de cette procédure, la cour s'est livrée à une appréciation souveraine des clauses des conventions qui est exempte de dénaturation. Elle n'a pas, en conséquence, commis d'erreur de droit en jugeant que la ville de Lyon avait pu, sans porter atteinte à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, et alors que la communauté urbaine avait adressé une mise en demeure à la société le 22 avril 2013, saisir le juge sans la mettre elle-même en demeure au préalable de respecter ses obligations.
4. En troisième lieu, la cour n'a pas dénaturé les stipulations des deux conventions en estimant que ni la survenance du terme de la convention de réalisation de la zone d'aménagement concerté le 31 décembre 2004 ni l'absence de réalisation des travaux par la ville de Lyon avant ce terme n'avaient pour effet de frapper de caducité l'obligation pour l'aménageur de versement du fonds de concours. En en déduisant que la ville de Lyon, qui justifiait avoir achevé depuis 2005 les travaux d'extension du groupe scolaire pour lesquels la participation financière était prévue, était fondée à demander à la société Immobilière Masssimi le versement du fonds de concours, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur l'arrêt, en tant qu'il statue sur la demande d'annulation du titre exécutoire :
5. Aux termes de l'article L. 111-3 du code des procédures civiles d'exécution : " Seuls constituent des titres exécutoires : / 1° Les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire ou de l'ordre administratif lorsqu'elles ont force exécutoire (...) ". L'article R. 2342-4 du code général des collectivités territoriales précise que : " Les produits des communes (...) qui ne sont pas assis et liquidés par les services fiscaux de l'Etat en exécution des lois et règlements en vigueur, sont recouvrés : / - soit en vertu de jugements ou de contrats exécutoires ; / - soit en vertu de titres de recettes ou de rôles émis et rendus exécutoires par le maire (...) ". Si les décisions du juge des référés n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, elles sont néanmoins, conformément au principe rappelé à l'article L. 11 du code de justice administrative, exécutoires. Il suit de là, d'une part, qu'une ordonnance par laquelle le juge des référés accorde une provision constitue un titre exécutoire dont le recouvrement peut être poursuivi directement et, d'autre part, qu'un titre émis aux mêmes fins par l'ordonnateur de la collectivité n'a pas de portée juridique propre et ne peut recevoir aucune exécution en cas d'annulation de l'ordonnance du juge des référés par le juge d'appel ou le juge de cassation.
6. Il résulte des pièces du dossier soumis au juge du fond que le titre d'un montant de 420 000 euros, émis et rendu exécutoire le 17 décembre 2013 par le maire de Lyon, l'a été à seule fin d'assurer le recouvrement de la provision de ce montant que la société Immobilière Massimi avait été condamnée à verser à la ville par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon du 7 octobre 2013. Par suite, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et a exactement qualifié les faits en jugeant que ce titre, qui n'avait pas de portée juridique propre, n'était pas susceptible de recours.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la société Immobilière Massimi n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative de Lyon qu'elle attaque.
Sur les frais de l'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Immobilière Massimi une somme de 3 000 euros à verser à la ville de Lyon, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la ville de Lyon qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la SARL immobilière Massimi est rejeté.
Article 2 : La SARL immobilière Massimi versera à la ville de Lyon une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la SARL immobilière Massimi et à la ville de Lyon.