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10/07/2020 | FRANCE | N°432440

France | France, Conseil d'État, 3ème chambre, 10 juillet 2020, 432440


Vu la procédure suivante :

La société anonyme Sitral Industrie a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la contribution économique territoriale à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 pour un montant de 127 878 euros et, par voie de conséquence, celle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2013 pour les montants respectifs de 111 051 euros, 74 034 euros et 37 017 euros.

Par un jugement n° 1302951 du 2 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Par un

arrêt n° 17NC01912 du 9 mai 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté...

Vu la procédure suivante :

La société anonyme Sitral Industrie a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge de la contribution économique territoriale à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 pour un montant de 127 878 euros et, par voie de conséquence, celle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2011 à 2013 pour les montants respectifs de 111 051 euros, 74 034 euros et 37 017 euros.

Par un jugement n° 1302951 du 2 juin 2017, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 17NC01912 du 9 mai 2019, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel formé par la société Sitral Industrie contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 juillet et 9 octobre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Sitral Industrie demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) à titre subsidiaire, de surseoir à statuer et renvoyer à la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles relatives à l'interprétation des dispositions de l'article 2 et du point 10 des motifs du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 ;

3°) de renvoyer l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Gabrielle Merloz, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la SA Sitral Industrie ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Sitral Industrie exploitait une activité industrielle dans la commune de Faulquemont (Moselle) qui était située, jusqu'en 2009, dans une zone d'emploi reconnue en grande difficulté au regard des délocalisations, au sens de l'article 1647 C sexies du code général des impôts. Alors qu'au titre de 2008 et 2009, cette société a bénéficié du crédit de taxe professionnelle prévu par les dispositions précitées, il n'en a pas été de même au titre de 2007, sa demande ayant été rejetée comme tardive. Après la mise en place de la contribution économique territoriale, elle a sollicité, au titre de 2010 à 2013, le dégrèvement prévu par l'article 1647 C quinquies B du même code, en faisant valoir qu'elle aurait dû bénéficier, au titre de 2010, du crédit d'impôt précité. Après rejet de sa réclamation par l'administration et de la demande qu'elle avait présentée au tribunal administratif de Strasbourg par un jugement du 2 juin 2017, elle se pourvoit contre l'arrêt du 9 mai 2019 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté l'appel qu'elle avait formé contre ce jugement.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1647 C quinquies B du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " Sur demande du contribuable effectuée dans le délai légal de réclamation prévu pour la cotisation foncière des entreprises, la somme de la contribution économique territoriale, (...) due par l'entreprise au titre des années 2010 à 2013 fait l'objet d'un dégrèvement lorsque cette somme, due au titre de l'année 2010, est supérieure de 500 € et de 10 % à la somme des cotisations de taxe professionnelle (...) qui auraient été dues au titre de 2010 en application du présent code en vigueur au 31 décembre 2009 (...). / Pour l'application du présent article, les montants de la contribution économique territoriale (...) dues au titre de l'année 2010, de la taxe professionnelle (...) qui auraient été dues au titre de l'année 2010 en application du présent code en vigueur au 31 décembre 2009 s'apprécient, après prise en compte des frais de dégrèvement, (...) ainsi que de l'ensemble des dégrèvements et des crédits d'impôt dont ces cotisations font l'objet... ".

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1647 C sexies du même code, alors en vigueur : " I. - Les redevables de la taxe professionnelle et les établissements temporairement exonérés de cet impôt en application des articles 1464 B à 1464 G et 1465 à 1466 E peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt, pris en charge par l'Etat et égal à 1 000 euros par salarié employé depuis au moins un an au 1er janvier de l'année d'imposition dans un établissement affecté à une activité mentionnée au premier alinéa de l'article 1465 et situé dans une zone d'emploi reconnue en grande difficulté au regard des délocalisations au titre de la même année. (...) II. - Les zones en grande difficulté au regard des délocalisations mentionnées au I sont reconnues, chaque année et jusqu'en 2009, par voie réglementaire, parmi les territoires dans lesquels la majorité des actifs résident et travaillent (...). Par exception aux dispositions du premier alinéa du I, lorsqu'une zone d'emploi n'est plus reconnue en grande difficulté, les salariés situés dans cette zone continuent à ouvrir droit au crédit d'impôt pendant un an pour les établissements en ayant bénéficié au titre de deux années, et pendant deux ans pour ceux en ayant bénéficié au titre d'une année ou n'en ayant pas bénéficié. (...) VI. - Le bénéfice du crédit d'impôt est subordonné au respect du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis. ".

4. En troisième lieu, aux termes de de l'article 2 du règlement (CE) n° 1998/2006 de la Commission du 15 décembre 2006 concernant l'application des articles 87 et 88 du traité aux aides de minimis : " Le montant brut total des aides de minimis octroyées à une même entreprise ne peut excéder 200 000 euros sur une période de trois exercices fiscaux (...). La période à prendre en considération est déterminée en se référant aux exercices fiscaux utilisés par l'entreprise dans l'Etat membre concerné. ". Le point 10 des motifs de ce règlement précise par ailleurs que l'aide de minimis doit être considérée comme accordée au moment où le droit légal de recevoir cette aide est conféré à l'entreprise en vertu de la réglementation nationale applicable.

5. Lorsqu'une demande de crédit d'impôt a été rejetée, son montant ne saurait être pris en compte ni au titre du seuil défini par le règlement précité du 15 décembre 2006, auquel renvoie le VI de l'article 1647 C sexies du code général des impôts, ni au titre de la clause de garantie prévue par le II du même article.

6. Par suite, en se fondant sur la circonstance que la société requérante remplissait dès 2007 les conditions pour bénéficier du crédit d'impôt litigieux et que la demande présentée en ce sens n'avait été rejetée qu'au motif du dépassement du délai légal prévu à cet effet, pour en déduire qu'elle devait être regardée comme ayant bénéficié du crédit d'impôt en cause au titre de cette année, de sorte que la clause de garantie ne trouvait pas à s'appliquer au titre de 2010, la cour a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi et sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que la société Sitral Industrie est fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 9 mai 2019 est annulé.

Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Nancy.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 3 000 euros à la société Sitral Industrie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société anonyme Sitral Industrie et au ministre de l'action et des comptes publics.


Synthèse
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 432440
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2020, n° 432440
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian Fournier
Rapporteur public ?: Mme Marie-Gabrielle Merloz
Avocat(s) : SCP CELICE, TEXIDOR, PERIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:432440.20200710
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