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10/07/2020 | FRANCE | N°430172

France | France, Conseil d'État, 6ème - 5ème chambres réunies, 10 juillet 2020, 430172


Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 avril, 5 juillet et 6 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des casinos modernes de France (SCMF) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 février 2019 du ministre de l'intérieur relatif aux procédures internes et au contrôle interne mis en place par les opérateurs de jeux ou de paris visés au 9° de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier pour lutter contre le b

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2°) de mettre à la ch...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 avril, 5 juillet et 6 décembre 2019 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le Syndicat des casinos modernes de France (SCMF) demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 février 2019 du ministre de l'intérieur relatif aux procédures internes et au contrôle interne mis en place par les opérateurs de jeux ou de paris visés au 9° de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code monétaire et financier ;

- l'ordonnance n° 2016-1635 du 1er décembre 2016 ;

- le décret n° 2018-284 du 18 avril 2018 ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Carine Chevrier, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Stéphane Hoynck, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat du Syndicat des casinos modernes de France ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 juin 2020, présentée par le syndicat des casinos modernes de France ;

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 561-32 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable en l'espèce, issue de l'ordonnance du 1er décembre 2016 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme : " I. - Les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 mettent en place une organisation et des procédures internes pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, tenant compte de l'évaluation des risques prévue à l'article L. 561-4-1. En tenant compte du volume et de la nature de leur activité ainsi que des risques présentés par les relations d'affaires qu'elles établissent, elles déterminent un profil de la relation d'affaires permettant d'exercer la vigilance constante prévue à l'article L. 561-6. / Lorsque les personnes mentionnées ci-dessus appartiennent à un groupe défini à l'article L. 561-33, et si l'entreprise mère du groupe a son siège social en France, cette dernière définit au niveau du groupe l'organisation et les procédures mentionnées ci-dessus et veille à leur respect. / (...) II. - Pour veiller au respect des obligations prévues au chapitre I du présent titre, les personnes mentionnées à l'article L. 561-2 mettent également en place des mesures de contrôle interne. / (...) III. - Les conditions d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat. En outre des arrêtés du ministre chargé de l'économie, pour les personnes mentionnées du 1° à 5°, 6 bis et 7° de l'article L. 561-2, et le règlement général de l'Autorité des marchés financiers, pour les personnes mentionnées au 6° de cet article, précisent en tant que de besoin la nature et la portée des procédures internes prévues ci-dessus. "

2. Sur le fondement de ces dispositions, l'article 56 du décret du 18 avril 2018 renforçant le dispositif français de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme a modifié les dispositions de la section 6 du chapitre Ier du titre VI du livre V du code monétaire et financier relative aux procédures et au contrôle interne devant être mis en place par les personnes assujetties au dispositif en vertu de l'article L. 561-2 du même code. Au sein de cette section, les articles R. 561-38 à R. 561-38-2 du code monétaire financier précisent les modalités selon lesquelles le dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme doit être organisé au sein des personnes assujetties. Les articles R. 561-38-3 à R. R561-38-8 sont, pour leur part, relatifs au contrôle interne que ces personnes doivent mettre en place, les articles R. 561-38-4 à R. 561-38-7 comportant des dispositions spécifiques aux personnes assujetties en vertu des 1° à 2° sexies, 6° et 6° bis de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier. Enfin, l'article R. 561-38-9 du même code prévoit que " Les modalités d'application de la présente section en ce qui concerne la nature et la portée des procédures internes, les règles d'organisation du contrôle interne et le contenu des rapports sur le contrôle interne prévus aux articles R. 561-38-6 et R. 561-38-7, ainsi que le délai et les modalités de leur transmission à l'autorité de contrôle, sont précisées en tant que de besoin " par différents arrêtés ou par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers selon les personnes assujetties concernées. A cet égard, le c) de cet article prévoit, en tant que de besoin, l'intervention d'un arrêté du ministre de l'intérieur " pour les personnes mentionnées au 9° de l'article L. 561-2 ", qui correspondent aux opérateurs de jeux ou de paris autorisés sur le fondement de l'article 5 de la loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux, de l'article L. 321-1 et L. 321-3 du code de la sécurité intérieure, de l'article 9 de la loi du 28 décembre 1931, de l'article 136 de la loi du 31 mai 1933 portant fixation du budget général de l'exercice 1933 et de l'article 42 de la loi du 29 décembre 1984 de finances pour 1985 et leurs représentants légaux et directeurs responsables.

3. Le Syndicat des casinos modernes de France (SCMF) demande l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 25 février 2019 relatif aux procédures internes et au contrôle interne mis en place par les opérateurs de jeux ou de paris visés par le 9° de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, pris sur le fondement de ces dernières dispositions.

Sur les conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté attaqué :

En ce qui concerne l'exception d'illégalité soulevée à l'encontre de l'article R. 561-38-9 du code monétaire et financier :

4. Le III de l'article L. 561-32 du code monétaire et financier, cité au point 1, confie à un décret en Conseil d'Etat le soin de définir ses conditions d'application, ce qui recouvre notamment la nature et la portée des procédures internes devant être mises en place par les personnes assujetties au dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

5. D'une part, si ces dispositions prévoient également, pour certaines des personnes assujetties au dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, la possibilité de recourir à des arrêtés du ministre chargé de l'économie ou au règlement général de l'Autorité des marchés financiers pour préciser la nature et la portée des procédures internes devant être mises en place par ces personnes, elles n'ont ni pour objet, ni pour effet d'interdire au pouvoir réglementaire de prévoir, le cas échéant, l'intervention d'arrêtés pris par chaque ministre compétent pour préciser les conditions d'application du décret en Conseil d'Etat propres à certaines autres personnes assujetties lorsque cela est nécessaire, notamment pour préciser la nature et la portée des procédures internes devant être mises en place.

6. D'autre part, sur le fondement des dispositions du III de l'article L. 561-32 du code monétaire et financier, l'article R. 561-38 du même code prévoit, s'agissant de la nature et de la portée des procédures internes devant être mises en place par les personnes assujetties au dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, que ces dernières doivent se doter d'outils ainsi que de moyens matériels et humains pour permettre la mise en oeuvre effective de l'ensemble des obligations de vigilance définies au chapitre 1er du titre VI du livre V de ce code et en particulier, la détection, le suivi et l'analyse des personnes et opérations mentionnées au troisième alinéa de son article L. 561-32. Par ailleurs, l'article R. 561-38-1 du même code précise, s'agissant des personnels des personnes assujetties chargés de mettre en oeuvre leurs obligations en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, que ces derniers doivent disposer " d'une expérience, d'une qualification et d'une position hiérarchique adéquates pour exercer leurs missions ", bénéficier " de formations adaptées à leurs fonctions ou activités, à leur position hiérarchique ainsi qu'aux risques identifiés par la classification des risques " et avoir accès " aux informations nécessaires à l'exercice de leurs fonctions ou activités ". Enfin, s'agissant du processus de recrutement de ces mêmes personnels, le même article prévoit que les vérifications préalables au recrutement doivent être " proportionnées aux risques présentés par chaque type de poste, compte tenu des fonctions, des activités et de la position hiérarchique qui leur sont associés dans le cadre du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme " et qu'il convient en particulier de s'assurer " que ces personnes ne sont pas soumises à des mesures de gel des avoirs prises en application du chapitre II ou mises en oeuvre en vertu des actes pris en application de l'article 29 du traité sur l'Union européenne ou de l'article 75 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ".

7. Si les dispositions du c) de l'article R. 561-38-9 du code monétaire et financier, cité au point 2, renvoient, pour les personnes mentionnées au 9° de l'article L. 561-2, à un arrêté du ministre chargé de l'intérieur le soin de déterminer les modalités d'application des articles R. 561-38 à R. 561-38-8 du même code, notamment en ce qui concerne la nature et la portée des procédures internes devant être mises en place, les dispositions des articles R. 561-38 et R. 561-38-1 permettent d'encadrer avec une précision suffisante l'objet et l'étendue de la délégation ainsi attribuée par le pouvoir réglementaire.

8. Par suite, le moyen, invoqué par la voie de l'exception, tiré de ce que l'article R. 561-38-9, sur le fondement duquel ont notamment été adoptés les articles 3 à 8 de l'arrêté attaqué, aurait procédé à une subdélégation illégale, doit être écarté.

En ce qui concerne le moyen dirigé contre l'article 7 de l'arrêté attaqué :

9. D'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 561-32 du code monétaire et financier cité au point 1 que l'organisation, les procédures internes et les mesures de contrôle que doivent mettre en place les personnes assujetties au dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme ont notamment pour objet de leur permettre de veiller au respect des différentes obligations qui s'imposent à elles dans le cadre de ce dispositif et en particulier des obligations de vigilance à l'égard de la clientèle, prévues aux articles L. 561-4-1 et suivants de ce code, ainsi que de l'obligation de déclaration et d'information, prévue à ses articles L. 561-15 et suivants.

10. D'autre part, l'article R. 561-38-9 du code monétaire et financier, ainsi qu'il a été dit au point 6, renvoie, s'agissant des personnes mentionnées au 9° de l'article L. 561-2 de ce code, à un arrêté du ministre de l'intérieur, le soin de préciser, en tant que de besoin, les modalités d'application des articles R. 561-38 à R. 561-38-8, pris pour l'application de l'article L. 561-32, notamment en ce qui concerne la nature et la portée des procédures internes devant être mise en place.

11. Par suite, en prévoyant que les personnes assujetties en vertu du 9° de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier établissent " les procédures internes applicables pour répondre à leurs obligations de déclaration et d'information " et en se référant aux dispositions réglementaires prises pour l'application des articles L. 561-15 et suivants du même code, l'article 7 de l'arrêté attaqué n'a pas excédé le champ de la délégation de compétence opérée par le c) de son article R. 561-38-9.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'article 9 de l'arrêté attaqué :

12. Il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 561-32 du code monétaire et financier, cité au point 1, que lorsque les personnes assujetties au dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme appartiennent à un groupe au sens de l'article L. 561-33 du même code et que l'entreprise mère de ce groupe a son siège social en France, l'organisation et les procédures internes devant être mises en place sont définies au niveau du groupe par l'entreprise mère, qui veille par ailleurs à leur respect.

13. L'article 9 de l'arrêté attaqué prévoit que l'entreprise mère d'un groupe auquel appartiennent les personnes assujetties visées au 9° de l'article L. 561-2 du code monétaire et financier " met également en place, pour ce qui la concerne, un dispositif de contrôle interne adapté ". Ce faisant, cette disposition, d'une part, doit être regardée comme visant les entreprises mères mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 561-32 du même code, soit les entreprises mères des groupes auxquels appartiennent les personnes assujetties ayant leur siège social en France, d'autre part, se borne à expliciter les conditions dans lesquelles ces entreprises mères veillent au respect de l'organisation et des procédures internes qu'elles définissent.

14. Par suite, le SCMF n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 9 de l'arrêté attaqué méconnaîtraient les dispositions de l'article L. 561-32 du code monétaire et financier sur ce point ou excéderaient le champ de la délégation de compétence opérée par le c) de l'article R. 561-38-9 du code monétaire et financier cité au point 2.

En ce qui concerne les moyens dirigés contre l'article 13 de l'arrêté attaqué :

15. D'une part, sur le fondement des dispositions du III de l'article L. 561-32 du code monétaire et financier citées au point 1, les articles R. 561-38-3 à R. 561-38-8 du même code ont précisé la teneur du contrôle interne devant être mis en place par les personnes assujetties au dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. A cet égard, l'article R. 561-38-3 du code monétaire et financier prévoit, de façon générale, que toutes les personnes assujetties " mettent en place un dispositif de contrôle interne adapté à leur taille, à la nature, à la complexité et au volume de leurs activités et doté de moyens humains suffisants ". Par ailleurs, s'agissant des personnes assujetties mentionnées aux 1° à 2° sexies, 6° et 6° bis de l'article L. 561-2 du même code, les articles R. 561-38-4 à R. 561-38-7 de ce code précisent des obligations spécifiques en la matière, parmi lesquelles figure, aux articles R. 561-38-6 et R. 561-38-7, une obligation de présenter annuellement aux instances dirigeantes respectivement de la personne assujettie elle-même et, le cas échéant, de l'entreprise mère du groupe auquel elle appartient, un rapport soit " sur l'organisation du dispositif de contrôle interne mentionné à l'article R. 561-38-4 ainsi que sur les incidents, les insuffisances et les mesures correctrices qui y ont été apportées ", soit sur les conditions dans lesquelles ce contrôle interne est assuré au niveau de l'ensemble du groupe. S'agissant des autres personnes assujetties mentionnées à l'article L. 561-2 du code monétaire et financier, dont les personnes mentionnées au 9° de cet article, l'article R. 561-38-8 se borne pour sa part à prévoir que le contrôle interne devant être mis en place doit comprendre au moins : " 1° Des procédures définissant les activités de contrôle interne que ces personnes accomplissent pour s'assurer du respect des obligations prévues au chapitre Ier du présent titre ; / 2° Un contrôle interne permanent réalisé, conformément aux procédures mentionnées au 1°, par des personnes exerçant des activités opérationnelles, et le cas échéant, en fonction de leur taille, de la complexité et du niveau de leurs activités, par des personnes dédiées à la seule fonction de contrôle des opérations ; / 3° Un contrôle interne périodique réalisé par des personnes dédiées, de manière indépendante à l'égard des personnes, entités et services qu'elles contrôlent lorsque cela est approprié eu égard à la taille et à la nature des activités. "

16. D'autre part, l'article R. 561-38-9 du code monétaire et financier, cité au point 2, renvoie, s'agissant des personnes mentionnées au 9° de l'article L. 561-2 de ce code, à un arrêté du ministre de l'intérieur, le soin de préciser, en tant que de besoin, les modalités d'application des articles R. 561-38 à R. 561-38-8, pris pour l'application de l'article L. 561-32, notamment en ce qui concerne les règles d'organisation du contrôle interne devant être mises en place.

17. Par suite, sans préjudice des dispositions de l'article L. 561-36-2 du code monétaire et financier qui autorisent l'autorité de contrôle des personnes assujetties mentionnées au 9° de l'article L. 561-2 du même code à obtenir communication de tout document, renseignement ou justification permettant notamment de vérifier le respect de leurs obligations au titre du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, l'article 13 de l'arrêté attaqué ne pouvait légalement imposer aux personnes mentionnées au 9° de ce même article, ainsi que, le cas échéant, à la société mère du groupe auquel elles appartiennent, l'élaboration et la transmission d'un rapport annuel " sur l'organisation du dispositif de contrôle interne ainsi que sur les incidents survenus, les insuffisances constatées et les mesures correctrices qui y ont été apportées " alors que le décret en Conseil d'Etat prévu par le III de l'article L. 561-32 du même code a fait le choix, aux articles R. 561-38-6 et R. 561-38-7 de ce même code, de n'imposer l'élaboration et la transmission d'un tel document qu'aux personnes assujetties au dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme mentionnées aux 1° à 2° sexies, 6° et 6° bis de l'article L. 561-2 du même code.

18. Il résulte de ce qui vient d'être dit que, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête dirigé contre l'article 13 de l'arrêté du 25 février 2019, le SCMF est fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir des dispositions de cet article.

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de légalité des délits :

19. Aux termes de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : " La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée. ". Ces principes s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions pénales mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition. Toutefois, en dehors du droit pénal, l'exigence d'une définition des infractions sanctionnées se trouve satisfaite, en matière administrative, dès lors que les textes applicables font référence aux obligations auxquelles les intéressés sont soumis en raison de l'activité qu'ils exercent, de la profession à laquelle ils appartiennent, de l'institution dont ils relèvent ou de leur qualité.

20. En vertu de l'article L. 561-37 du code monétaire et financier, tout manquement par les personnes mentionnées aux 8°, 9°, 9° bis, 10°, 11°, 15° et 16° de son article L. 561-2, aux dispositions des sections 3, 4, 5 et 6 du chapitre Ier du titre VI du livre 5 de ce code, précisant les différentes obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, peut donner lieu aux sanctions prévues par son article L. 561-40. Parmi ces obligations susceptibles de donner lieu à sanction en cas de manquement, figure l'obligation de mettre en place une organisation, des procédures et un contrôle internes conformément aux dispositions de l'article L. 561-32 du code monétaire et financier cité au point 1 telle que précisée par les dispositions réglementaires d'application de cet article figurant aux articles R. 561-38 à R61-38-8 et, s'agissant des personnes mentionnées au 9° de l'article L. 561-2, à l'arrêté attaqué.

21. Si le syndicat requérant soutient que les dispositions des articles 3, 5, 6 et 7 de l'arrêté attaqué, qui précisent la nature et la portée des procédures internes devant être établies par les personnes assujetties, et de son article 12, qui explicite le contenu des activités de contrôle interne qu'elles doivent mettre en place, sont insuffisamment précises et ne permettent pas à ces personnes d'apprécier, en toute connaissance de cause, la teneur et la portée des obligations mises à leur charges, en méconnaissance du principe de légalité des délits, ces différents dispositions déterminent au contraire un contenu minimal aux procédures et au contrôle interne devant être instauré qui doit être adapté par les personnes assujetties, conformément aux dispositions de l'article R. 561-38 du code monétaire et financier, en fonction de leur taille, de la nature de leurs activités et des risques identifiés induits par leurs activités. A cet égard, ces dispositions ne sauraient conduire à un constat de manquement et au prononcé d'une sanction que dans l'hypothèse où une obligation suffisamment claire a été préalablement définie dans ce cadre de sorte qu'il apparaisse, de façon raisonnablement prévisible par les personnes assujetties, que le comportement litigieux constitue un manquement à ces obligations. Par suite, contrairement à ce qui est soutenu, ces dispositions ne méconnaissent en tout état de cause pas le principe de légalité des délits.

22. Il résulte de tout ce qui précède que le Syndicat des casinos modernes de France n'est fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir que de l'article 13 de l'arrêté attaqué.

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser au Syndicat des casinos modernes de France, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

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Article 1er : L'article 13 de l'arrêté attaqué est annulé.

Article 2 : L'Etat versera au Syndicat des casinos modernes de France une somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête du Syndicat des casinos modernes de France est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Syndicat des casinos modernes de France et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 6ème - 5ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 430172
Date de la décision : 10/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 10 jui. 2020, n° 430172
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Carine Chevrier
Rapporteur public ?: M. Stéphane Hoynck
Avocat(s) : SCP FABIANI, LUC-THALER, PINATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2020:430172.20200710
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